Le marketing de la production d’expérience

Filser, M. (2002). Le marketing de la production d’expérience : statut théorique et implications managériales. Décisions Marketing, 28, 13-22.

Mots-clés : Expérience de consommation, Marketing expérientiel, Production d’expérience, Valeur perçue, Stratégie marketing

Marc Filser analyse le concept de production d’expérience et son rôle dans le marketing moderne. Il s’appuie sur les travaux de Holbrook et Hirschman (1982) pour montrer que la consommation dépasse la simple transaction commerciale et inclut une dimension expérientielle et émotionnelle.

L’article met en évidence le rôle croissant des émotions, de la mise en scène et de l’interaction consommateur-produit dans l’élaboration de stratégies marketing efficaces où la valeur perçue repose sur le vécu du consommateur. Filser examine également une transformation fondamentale du rôle du consommateur, qui devient co-acteur de l’expérience proposée par l’entreprise.

Développement :

Le marketing traditionnel repose sur une approche transactionnelle où la valeur perçue est principalement liée aux caractéristiques fonctionnelles du produit ou du service. Cependant, les travaux de Holbrook et Hirschman (1982) ont montré que la consommation englobe aussi une dimension expérientielle, où les émotions, la mise en scène et l’interaction avec l’environnement prennent une place centrale. Cette évolution marque la transition vers ce que Filser (2002) nomme le « marketing de la production d’expérience ».

Filser (2002, p. 15) explique que “la consommation ne se réduit pas à la simple utilisation d’un bien ou service, elle constitue une expérience influencée par des dimensions affectives, sensorielles et sociales”. Ainsi, le rôle des entreprises n’est plus seulement de proposer un produit, mais de créer un univers immersif où le consommateur vit une expérience unique. Cette approche rejoint la théorie de Pine et Gilmore (1999), qui évoquent une économie de l’expérience, où la valeur ajoutée d’un bien ou d’un service dépend de la manière dont il est mis en scène.

  • L’expérience de consommation repose sur plusieurs dimensions qui influencent la perception et l’engagement du consommateur. Filser s’appuie sur la classification de Holbrook (2000) pour structurer ces éléments en quatre catégories :

Le divertissement : lorsque l’expérience apporte une dimension ludique ou immersive (exemple : les concerts, les parcs d’attractions).

L’éducation : lorsqu’elle favorise l’apprentissage et l’enrichissement personnel (exemple : les ateliers de dégustation ou de création artistique).

L’évasion : lorsque le consommateur est transporté dans un univers fictionnel (exemple : les escape games, les parcs à thème).

L’esthétique : lorsque la perception de l’expérience repose sur son aspect visuel et sensoriel (exemple : les concept stores de luxe, les musées interactifs).

Filser (2002, p. 18) affirme que “les entreprises doivent penser l’expérience comme une mise en scène, combinant une dimension esthétique et narrative pour susciter l’engagement du consommateur”. Ainsi, la création d’une expérience réussie ne repose pas uniquement sur le produit, mais sur l’ensemble des éléments environnementaux et interactifs qui structurent l’expérience vécue par le consommateur.

  • Le consommateur, co créateur de son expérience : L’un des points majeurs soulevés par Filser est que le consommateur ne se contente plus d’être un simple récepteur passif des offres commerciales. Il devient un acteur impliqué dans la construction de son propre parcours expérientiel.

Cette vision rejoint les théories du marketing relationnel (Firat & Venkatesh, 1995) qui insistent sur l’importance des interactions entre le consommateur, la marque et les autres participants à l’expérience. Dans un magasin, par exemple, l’expérience sera enrichie par l’ambiance sonore, l’éclairage, la présentation des produits, mais aussi par l’accueil des vendeurs et la possibilité de tester ou personnaliser l’offre.

Filser souligne ainsi que la valeur perçue de l’expérience dépend de la liberté d’action laissée au consommateur, de son engagement émotionnel, et de sa capacité à interagir.

Conclusion

L’article de Filser (2002) apporte une contribution essentielle à la compréhension du marketing expérientiel, en montrant que la consommation ne repose plus uniquement sur des aspects fonctionnels mais sur une mise en scène globale de l’offre. Il met en avant l’importance des émotions, de l’interaction et de la co-création, tout en soulignant les défis associés à cette approche.

Le marketing de la production d’expérience représente donc un levier stratégique puissant, mais nécessite une approche réfléchie pour éviter les écueils liés à la sur-stimulation ou à l’artificialité des expériences proposées.

 

Bibliographie :

Filser, M. (2002). Le marketing de la production d’expérience : statut théorique et implications managériales. Décisions Marketing, 28, 13-22.

Holbrook, M. B. & Hirschman, E. C. (1982). The experiential aspects of consumption: Consumer fantasies, feelings, and fun. Journal of Consumer Research, 9(2), 132-140.

Holbrook, M. B. (2000). The Millennial Consumer in the Texts of Our Times: Experience and Entertainment. Journal of Macromarketing, 20(2), 178-192.

Pine, B. J., & Gilmore, J. H. (1999). The Experience Economy: Work is Theatre and Every Business a Stage. Harvard Business School Press.

Expériences de consommation et marketing expérientiel

Carù, A., & Cova, B. (2006). Expériences de consommation et marketing expérientiel. Revue française de gestion, 162, 99-115.

Mots clés : Expérience de consommation, marketing expérientiel, émotions et hédonisme, co-création

Antonella Carù et Bernard Cova examinent dans cet article l’émergence du marketing expérientiel, qui se différencie du marketing traditionnel centré sur les caractéristiques des produits. Ils mettent en avant que les consommateurs modernes ne se contentent plus d’acheter un bien ou un service pour sa seule utilité fonctionnelle, mais recherchent une expérience globale, engageant leurs émotions, leurs sens et leur identité.

La consommation est devenue une pratique expérientielle où l’environnement, la narration et l’immersion jouent un rôle fondamental.

Développement :

  • Définition du marketing expérientiel : Le marketing expérientiel se distingue du marketing traditionnel en mettant l’accent sur l’expérience vécue par le consommateur plutôt que sur le produit lui-même. Il repose sur une approche hédoniste et sensorielle de la consommation, où l’acte d’achat devient une source de plaisir et d’émotions (Carù & Cova, 2006, p. 100).

Cette vision s’inspire des travaux de Holbrook et Hirschman (1982, p. 133), qui ont été parmi les premiers à souligner que la consommation ne se réduit pas à une démarche rationnelle et fonctionnelle, mais qu’elle englobe des composantes affectives, imaginaires et expérientielles.

Selon Pine et Gilmore (1999, p. 47), nous sommes entrés dans une économie de l’expérience, où les entreprises doivent scénariser leur offre pour plonger le consommateur dans un univers immersif et interactif. Cette approche vise à générer des souvenirs positifs et mémorables qui favorisent la fidélisation à la marque.

Les auteurs insistent également sur la distinction entre marketing expérientiel et expériences de consommation :

Le marketing expérientiel correspond aux stratégies mises en place par les entreprises pour concevoir des expériences engageantes (Carù & Cova, 2006, p. 102).

L’expérience de consommation, en revanche, est le vécu subjectif du consommateur, influencé par ses attentes, son environnement et ses interactions (Carù & Cova, 2006, p. 104).

  • Dimensions de l’expérience de consommation :

L’expérience de consommation repose sur cinq dimensions principales :

  1. Sensorielle : Mobilisation des sens (vue, ouïe, toucher, goût, odorat) pour enrichir l’expérience et stimuler l’engagement du consommateur. (Rieunier, 2002)
  2. Émotionnelle : Création de sentiments forts et mémorables chez le consommateur. Plus une expérience est émotionnellement marquante, plus elle renforce l’attachement à la marque (Schmitt, 1999, p. 55).
  3. Cognitive : Sollicitation intellectuelle, curiosité et apprentissage au travers de l’expérience. (Arnould et Thompson, 2005)
  4. Comportementale : Incitation du consommateur à interagir activement avec l’environnement proposé. (Schmitt 1999)
  5. Relationnelle : Développement de liens sociaux et sentiment d’appartenance à une communauté autour de la marque (Arnould & Price, 1993, p. 30).

L’immersion est un facteur clé du marketing expérientiel : plus le consommateur est impliqué dans l’expérience, plus elle sera perçue comme intense et authentique (Csikszentmihalyi, 1990, p. 67).

La co-création et le rôle du consommateur : Contrairement aux approches traditionnelles du marketing, où les entreprises imposent leur vision du produit, le marketing expérientiel favorise une logique de co-création :

  • Le consommateur devient un acteur de son expérience et non plus un simple spectateur.
  • L’interaction avec les autres participants, les employés et l’environnement enrichit le vécu expérientiel (Carù & Cova, 2006, p. 110).

Cette approche rejoint les théories du marketing relationnel, où la fidélisation repose sur une interaction continue et personnalisée entre la marque et ses clients (Firat & Venkatesh, 1995, p. 245).

Les auteurs soulignent plusieurs limites et critiques du marketing expérientiel :

  1. Difficulté de mesure : Contrairement aux stratégies classiques basées sur des indicateurs quantifiables (ventes, taux de conversion), l’impact des expériences sur la fidélisation reste difficile à évaluer (Carù & Cova, 2006, p. 112).
  2. Superficialité et artificialité : Certaines entreprises se contentent d’ajouter des éléments ludiques ou sensoriels sans réelle cohérence, ce qui peut donner une impression de spectacle forcé (Schmitt, 1999, p. 60).
  3. Saturation sensorielle : Trop de stimulations peuvent engendrer un effet d’épuisement cognitif, rendant l’expérience fatigante et contre-productive (Carù & Cova, 2006, p. 113).
  4. Accessibilité et exclusivité : Les expériences les plus marquantes sont souvent coûteuses à mettre en place, ce qui peut les réserver à une élite, excluant une partie du marché (Pine & Gilmore, 1999, p. 58).

Conclusion :

L’article de Carù et Cova offre une analyse approfondie du marketing expérientiel, qui s’impose comme une approche centrale dans la compréhension du comportement des consommateurs modernes. Il met en lumière le rôle crucial des dimensions sensorielles et émotionnelles, ainsi que l’importance de l’immersion et de la co-création dans la construction d’une expérience mémorable. Leur analyse montre que cette approche est un levier puissant pour engager les consommateurs et les fidéliser mais ils mettent en garde sur les dérives, comme la difficulté de mesurer les effets du marketing expérientiel.

Références Bibliographiques 

Holbrook, M. B., & Hirschman, E. C. (1982). The experiential aspects of consumption: Consumer fantasies, feelings, and fun. Journal of Consumer Research, 9(2), 132-140.

Pine, B. J., & Gilmore, J. H. (1999). The experience economy: Work is theatre and every business a stage. Harvard Business School Press.

Csikszentmihalyi, M. (1990). Flow: The psychology of optimal experience. Harper & Row.

Schmitt, B. H. (1999). Experiential marketing: How to get customers to sense, feel, think, act, and relate to your company and brands. Free Press.

Firat, A. F., & Venkatesh, A. (1995). Liberatory postmodernism and the re-enchantment of consumption. Journal of Consumer Research, 22(3), 239-267.

Arnould, E. J., & Price, L. L. (1993). River magic: Extraordinary experience and the extended service encounter. Journal of Consumer Research, 20(1), 24-45.