Welté, J.-B., & Ochs, L. (2015). Le marketing des lieux de transit : le cas de l’aéroport. Décisions Marketing, 77, 101-114.
Mots-clés : Lieux de transit, aéroport, ethnomarketing, consommation, expérience client, contrôle, stress.
L’article explore la double facette des aéroports : à la fois espaces de passage normés et lieux de consommation. À travers une étude ethnographique menée à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, les auteurs montrent comment les passagers perçoivent et interagissent avec leur environnement. Loin d’être de simples infrastructures fonctionnelles, les aéroports sont pensés pour gérer les flux de voyageurs tout en maximisant l’attractivité commerciale.
L’étude met en avant trois grandes stratégies marketing adaptées aux lieux de transit :
- L’offre de transition, qui vise à réduire le stress du passage rapide en aéroport.
- L’offre d’expédition, qui transforme l’expérience du parcours en un enchaînement d’étapes valorisantes.
- L’offre d’installation, qui cherche à rendre l’attente plus agréable et propice à la consommation.
Même dans ces lieux souvent perçus comme anonymes, le marketing peut améliorer l’expérience client et favoriser une consommation plus engageante.
Développement
L’article s’appuie sur le concept de non-lieu développé par Marc Augé (1992). Les aéroports sont pensés pour standardiser et fluidifier les flux de passagers, mais cela les rend parfois impersonnels. En effet, les contrôles de sécurité, la signalétique standardisée et l’architecture uniforme contribuent à un sentiment d’anonymat et de déshumanisation (Pütz, 2012).
Cependant, les auteurs rappellent que l’expérience en aéroport n’est pas neutre :
- Le contrôle sécuritaire et la logistique peuvent être vécus comme anxiogènes par les passagers (Amirou, 2008).
- L’aménagement des espaces influe sur la perception du lieu et la satisfaction des voyageurs. Un espace trop contraignant génère du stress, tandis qu’un agencement plus fluide améliore l’expérience client (Virilio, 2012).
On pourrait croire que l’aéroport est un espace purement fonctionnel. Pourtant, il est aussi un espace de consommation stratégique (Rowley & Slack, 1999) :
- L’attente avant l’embarquement crée des opportunités commerciales (duty-free, restauration, services premium).
- Les passagers réguliers développent des habitudes de consommation spécifiques, et certains intègrent même ces temps d’attente dans leur routine (Tillous et al., 2008).
- La perception du temps d’attente joue un rôle clé : pour certains, il s’agit d’une perte de temps, tandis que d’autres en profitent pour se détendre ou faire du shopping (Bergadaà, 2009).
Trois stratégies marketing pour améliorer l’expérience en lieu de transit
Welté et Ochs (2015) identifient trois types d’offres marketing pour mieux répondre aux attentes des voyageurs :
- L’offre de transition,Cette approche est conçue pour répondre aux attentes des passagers qui souhaitent minimiser leur temps en aéroport et éviter toute source de stress (Rowley & Slack, 1999).
- Mise en place de files prioritaires et de technologies pour fluidifier les contrôles (Rowley & Slack, 1999).
- Signalétique et repérages améliorés : un agencement intuitif des espaces, des indications claires et des outils numériques permettent aux passagers de naviguer plus facilement (Pütz, 2012).
- Services de pré-enregistrement et de bagagerie rapide : ces solutions permettent aux passagers de gagner du temps et d’éviter les files d’attente aux comptoirs d’enregistrement (Bissell, 2009).
- L’offre d’expédition,Cette approche s’adresse aux passagers qui acceptent le passage en aéroport comme une étape obligatoire du voyage mais qui recherchent des éléments valorisants pour rendre cette expérience plus agréable (Bissell, 2009).
- Valorisation du parcours client : l’aéroport est segmenté en zones où chaque passage (sécurité, embarquement, boutique) est perçu comme une étape à franchir avec succès (Bissell, 2009).
- Récompenses après les contrôles : l’introduction de bons d’achat, d’offres spéciales ou d’accès à des services premium permet d’associer une satisfaction immédiate au passage des contraintes administratives. (Bergadaà, 2009).
- Parcours adaptés selon le type de voyageur : segmentation des offres pour répondre aux besoins spécifiques des voyageurs d’affaires, des familles ou des touristes (Bissell, 2009).
- Animations et expériences interactives : certains aéroports développent des expériences immersives comme des expositions temporaires ou des animations culturelles (Virilio, 2012)
3. L’offre d’installation,
Cette approche est pensée pour les voyageurs qui ont un temps d’attente prolongé et qui souhaitent profiter de leur présence à l’aéroport plutôt que de simplement patienter jusqu’à l’embarquement (Amirou, 2008).
- Création de zones de confort et de détente : mise en place de salons, espaces de relaxation, hôtels et spas pour améliorer l’expérience des passagers (Amirou, 2008).
- Diversification des espaces commerciaux et de divertissement : au-delà des traditionnels duty-free, l’aéroport propose des galeries d’art, des concept stores et des espaces culturels (Arnould et al., 1998).
- Services premium personnalisés : certaines infrastructures offrent des conciergeries, des expériences culinaires haut de gamme ou des espaces de travail optimisés pour les voyageurs d’affaires (Arnould et al., 1998).
Conclusion
L’étude de Welté et Ochs (2015) nous rappelle que les lieux de transit ne sont pas que de simples infrastructures anonymes. Grâce à une approche marketing bien pensée, il est possible de rendre ces espaces plus humains et plus attractifs. L’aéroport, qui est souvent perçu comme une contrainte, peut ainsi devenir un lieu où les passagers se sentent bien et consomment plus volontiers.
Références bibliographiques :
- Amirou, R. (2008). Les communautés de consommateurs comme espace transitionnel. Décisions Marketing, 52(4), 31-40.
- Arnould, E. J., Price, L. L., & Tierney, P. (1998). Communicative staging of the wilderness servicescape. Service Industries Marketing: New Approaches, Frank Cass Publishers, London.
- Augé, M. (1992). Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris, Éditions du Seuil.
- Bergadaà, M. (2009). Le temps économique et le temps psychologique du voyageur dans un aéroport international. La Revue des Sciences de Gestion, 236(2), 13-23.
- Bissell, D. (2009). Conceptualising differently-mobile passengers. Social & Cultural Geography, 10(2), 173-195.
- Pütz, O. (2012). From non-places to non-events. Journal of Contemporary Ethnography, 41(2), 154-188.
- Rowley, J., & Slack, F. (1999). The retail experience in airport departure lounges. International Marketing Review, 16(4/5), 363-376.
- Virilio, P. (2012). Vitesse et politique. Éditions Galilée.
- Welté, J.-B., & Ochs, L. (2015). Le marketing des lieux de transit : le cas de l’aéroport. Décisions Marketing, 77, 101-114.