Les dispositifs de mobilité durable en entreprise et le principe de légitimité

Volz-Tollet, A.-S. (2021). Les dispositifs de mobilité durable en entreprise : une légitimité contrariée ? RIMHE – Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 10(44), 53-74.

Mots-clés : mobilité durable, légitimité, résistances, dispositifs de responsabilité sociale et sociétale de l’entreprise.

Aujourd’hui, la mobilité durable ne se résume plus seulement aux déplacements, elle englobe aussi les motivations sociales, économiques et environnementales qui les accompagnent (Sheller & Urry, 2006). Ce nouveau regard sur les mobilités met en évidence l’impact des choix de déplacement sur la société et les organisations (Sergot et al., 2018). Mais la mobilité reste un sujet sensible, car elle façonne nos modes de vie et suscite de nombreux débats (Cresswell & Lemarchand, 2015).

Dans ce contexte, les entreprises cherchent de plus en plus à intégrer des politiques de mobilité durable, alliant performance économique et engagement sociétal (Amar & Laousse, 2004). Depuis les années 1990, l’objectif a évolué de “se déplacer plus” à “se déplacer mieux”, privilégiant des solutions plus efficaces et responsables (Faivre d’Arcier, 2008). Pourtant, malgré ces évolutions, les dispositifs de mobilité durable rencontrent des résistances et sont souvent mal perçus en interne.

Cet article analyse les freins qui empêchent les dispositifs de mobilité durable d’être pleinement acceptés en entreprise et les conséquences que cela a sur leur adoption par les salariés.

La légitimité d’un dispositif au sein d’une entreprise repose sur sa capacité à être reconnu et accepté par les acteurs internes et externes.Selon la théorie institutionnelle, une politique est jugée légitime lorsqu’elle est alignée avec les valeurs dominantes et les attentes sociétales (DiMaggio & Powell, 1983 ; Meyer & Rowan, 1977). Suchman (1995) identifie trois formes de légitimité qui influencent l’adhésion aux dispositifs organisationnels.

  • La légitimité pragmatique repose sur l’intérêt immédiat que les parties prenantes y trouvent,
  • La légitimité morale est liée à l’image éthique et responsable du dispositif, 
  • La légitimité cognitive renvoie à son intégration naturelle dans les pratiques de l’entreprise.

Dans le cas des dispositifs de mobilité durable, ces trois formes de légitimité sont souvent insuffisantes, car les employés et la direction ne perçoivent pas clairement la valeur ajoutée de ces initiatives (Suddaby et al., 2017). Ce manque de reconnaissance freine l’adoption des dispositifs et accentue les résistances internes.

L’étude menée par Volz-Tollet (2021) repose sur l’analyse de deux entreprises ayant mis en place des dispositifs de mobilité durable :

  • Crédit, une entreprise de financement automobile. Contraint par la loi de transition énergétique de 2015, Crédit a instauré un Plan de Déplacements d’Entreprise (PDE), proposant notamment des flottes de vélos, des bornes de recharge électrique et des parkings réservés aux covoitureurs.
  • Green Energy, une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables, ayant une culture interne axée sur l’écologie. Green Energy a développé une charte d’écomobilité, un groupe de travail dédié et une semaine annuelle d’écomobilité.

Malgré ces approches distinctes, les résultats montrent que les dispositifs de mobilité durable souffrent d’un manque de légitimité en interne, entraînant tensions organisationnelles et résistances individuelles. Chez Crédit, la mobilité durable est avant tout perçue comme un outil marketing destiné à améliorer l’image de l’entreprise auprès des talents et à gérer des contraintes logistiques comme le manque de places de parking. Cependant, la direction ne l’intègre pas dans une stratégie plus large, ce qui limite son ancrage. À l’inverse, chez Green Energy, les dispositifs de mobilité s’inscrivent davantage dans une logique de responsabilité environnementale, mais les salariés estiment que les mesures mises en place restent insuffisantes et ne traduisent pas un engagement fort de la part de l’entreprise.

Ces différences illustrent le fait que la légitimité d’un dispositif ne repose pas uniquement sur son existence, mais sur la manière dont il est intégré et perçu au sein de la culture organisationnelle..

Dans les deux entreprises, les dispositifs de mobilité durable sont souvent relégués à un rôle secondaire, loin des priorités stratégiques. Plusieurs mécanismes de marginalisation sont identifiés :

  • Les dispositifs sont qualifiés de « gadgets » ou de mesures symboliques sans véritable impact.
  • Leur efficacité est difficile à mesurer en raison d’un manque de l’absence d’indicateurs de performance clairs.
  • Certaines solutions sont privilégiées (véhicules électriques), tandis que d’autres (covoiturage) sont mises de côté pour des raisons culturelles ou organisationnelles.
  • Ces projets ne sont pas toujours articulés avec d’autres transformations majeures comme le développement du télétravail, ce qui limite leur cohérence et leur efficacité.

Le manque de reconnaissance interne des dispositifs de mobilité s’explique aussi par la difficulté pour leurs porteurs de projet d’influencer la hiérarchie et d’obtenir un véritable soutien de la direction (Volz-Tollet, 2021). Dans les entreprises étudiées, les responsables de ces projets sont souvent isolés et disposent de peu de leviers pour inscrire ces initiatives dans une vision stratégique plus large. Ce manque d’appui renforce les résistances et empêche une adoption généralisée.

En parallèle, les salariés sont confrontés à des injonctions contradictoires qui les placent dans une situation de dilemme. D’un côté, les entreprises encouragent l’usage de modes de transport plus durables, en mettant en avant leurs avantages écologiques et économiques. De l’autre, elles maintiennent des exigences fortes en matière de flexibilité et de performance, qui poussent les employés à privilégier des solutions plus pratiques et rapides, comme l’usage de la voiture individuelle. Cette incohérence nuit à l’adoption des dispositifs de mobilité durable, en particulier chez Green Energy où elle a contribué à un recul de la perception de leur légitimité.

 

Face à ces tensions, de nombreux salariés développent des stratégies d’évitement pour ne pas modifier leurs habitudes de déplacement. Comme l’expliquent Bareil (2004) et Andonova (2009), la résistance au changement peut être active, avec des oppositions directes, ou passive, sous la forme de contournements et d’adhésion minimale aux nouvelles pratiques. Dans les entreprises étudiées, plusieurs freins sont mis en avant par les salariés : contraintes personnelles (distance, météo, obligations familiales), manque de confort ou de praticité du vélo et du covoiturage, attachement aux habitudes existantes et peur du changement. De plus, lorsque les bénéfices ne sont pas immédiatement visibles ou concrets, les employés ont tendance à percevoir ces dispositifs comme une contrainte supplémentaire plutôt qu’un avantage. Sans cadre incitatif et accompagnement adéquat, ces stratégies d’évitement maintiennent la mobilité durable en marge des pratiques organisationnelles.

 

En conclusion, cette étude met en lumière un cercle vicieux entre manque de légitimité et résistances internes. Plus un dispositif est perçu comme secondaire, plus il rencontre d’opposition, ce qui freine son intégration et le confine à un rôle symbolique. Pour sortir de cette impasse, les entreprises doivent ancrer ces dispositifs dans leur stratégie globale, renforcer le soutien aux porteurs de projet, communiquer sur leurs bénéfices concrets et proposer des incitations adaptées. Ce n’est qu’en intégrant ces initiatives de manière cohérente et proactive dans la culture d’entreprise que la mobilité durable pourra devenir une réalité au sein des organisations.

Références 

  • Amar, G., & Laousse, D. (2004). La ville de toutes les mobilités. In D. Kaplan & H. Lafont (Eds.), Mobilités.net : Villes, transports, technologies face aux nouvelles mobilités (pp. 314-319). Paris : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence.
  • Andonova, Y. (2009). Usage, mésusage et non-utilisation des TIC : repenser la fracture numérique en entreprise. In A. Kiyindou (Ed.), Fractures, mutations, fragmentations : de la diversité des cultures numériques (pp. 95-111). Paris : Lavoisier.
  • Bareil, C. (2004). La résistance au changement : synthèse et critique des écrits. Cahier de recherche du Centre d’études en transformation des organisations, 4(10), 1-17.
  • Bitektine, A. (2011). Toward a theory of social judgments of organizations: The case of legitimacy, reputation, and status. Academy of Management Review, 36, 151-179.
  • Bouquet, B. (2014). La complexité de la légitimité. Vie sociale, 8(4), 13-23.
  • Cresswell, T., & Lemarchand, M. (2015). Ne pas dépasser la ligne ! : Fabrique des identités et contrôle du mouvement dans les lieux de transit. Paris : Loco-L’atelier d’édition.
  • Deephouse, D. L., Bundy, J., Tost, L. P., & Suchman, M. C. (2017). Organizational legitimacy: Six key questions. In R. Greenwood, C. Oliver, T. B. Lawrence, & R. E. Meyer (Eds.), The SAGE Handbook of Organizational Institutionalism (pp. 27-54). London : Sage.
  • DiMaggio, P., & Powell, W. W. (1983). The iron cage revisited: Institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields. American Sociological Review, 48(2), 147-160.
  • Faivre d’Arcier, B. (2008). Le mobility management. Vers une gestion individualisée de la demande ? In Y. Chalas & F. Paulhiac (Eds.), La mobilité qui fait la ville (pp. 216-245). Lyon : Certu.
  • Meyer, J. W., & Rowan, B. (1977). Institutionalized organizations: Formal structure as myth and ceremony. American Journal of Sociology, 83(2), 340-363.
  • Sergot, B., Loubaresse, E., & Chabault, D. (2015). Mobilités spatiales et organisation : Les influences mutuelles des politiques mobilitaires des entreprises et des pratiques individuelles de leurs salariés. Forum Vies Mobiles.
  • Sheller, M., & Urry, J. (2006). The new mobilities paradigm. Environment and Planning, 38(2), 207-226.
  • Suchman, M. C. (1995). Managing legitimacy: Strategic and institutional approaches. Academy of Management Review, 20(3), 571-610.
  • Suddaby, R., Bitektine, A., & Haack, P. (2017). Legitimacy. Academy of Management Annals, 11(1), 451-478.
  • Volz-Tollet, A.-S. (2021). Les dispositifs de mobilité durable en entreprise : Une légitimité contrariée ? RIMHE – Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 10(44), 53-74.

 

Le marketing de la production d’expérience

Filser, M. (2002). Le marketing de la production d’expérience : statut théorique et implications managériales. Décisions Marketing, 28, 13-22.

Mots-clés : Expérience de consommation, Marketing expérientiel, Production d’expérience, Valeur perçue, Stratégie marketing

Marc Filser analyse le concept de production d’expérience et son rôle dans le marketing moderne. Il s’appuie sur les travaux de Holbrook et Hirschman (1982) pour montrer que la consommation dépasse la simple transaction commerciale et inclut une dimension expérientielle et émotionnelle.

L’article met en évidence le rôle croissant des émotions, de la mise en scène et de l’interaction consommateur-produit dans l’élaboration de stratégies marketing efficaces où la valeur perçue repose sur le vécu du consommateur. Filser examine également une transformation fondamentale du rôle du consommateur, qui devient co-acteur de l’expérience proposée par l’entreprise.

Développement :

Le marketing traditionnel repose sur une approche transactionnelle où la valeur perçue est principalement liée aux caractéristiques fonctionnelles du produit ou du service. Cependant, les travaux de Holbrook et Hirschman (1982) ont montré que la consommation englobe aussi une dimension expérientielle, où les émotions, la mise en scène et l’interaction avec l’environnement prennent une place centrale. Cette évolution marque la transition vers ce que Filser (2002) nomme le « marketing de la production d’expérience ».

Filser (2002, p. 15) explique que “la consommation ne se réduit pas à la simple utilisation d’un bien ou service, elle constitue une expérience influencée par des dimensions affectives, sensorielles et sociales”. Ainsi, le rôle des entreprises n’est plus seulement de proposer un produit, mais de créer un univers immersif où le consommateur vit une expérience unique. Cette approche rejoint la théorie de Pine et Gilmore (1999), qui évoquent une économie de l’expérience, où la valeur ajoutée d’un bien ou d’un service dépend de la manière dont il est mis en scène.

  • L’expérience de consommation repose sur plusieurs dimensions qui influencent la perception et l’engagement du consommateur. Filser s’appuie sur la classification de Holbrook (2000) pour structurer ces éléments en quatre catégories :

Le divertissement : lorsque l’expérience apporte une dimension ludique ou immersive (exemple : les concerts, les parcs d’attractions).

L’éducation : lorsqu’elle favorise l’apprentissage et l’enrichissement personnel (exemple : les ateliers de dégustation ou de création artistique).

L’évasion : lorsque le consommateur est transporté dans un univers fictionnel (exemple : les escape games, les parcs à thème).

L’esthétique : lorsque la perception de l’expérience repose sur son aspect visuel et sensoriel (exemple : les concept stores de luxe, les musées interactifs).

Filser (2002, p. 18) affirme que “les entreprises doivent penser l’expérience comme une mise en scène, combinant une dimension esthétique et narrative pour susciter l’engagement du consommateur”. Ainsi, la création d’une expérience réussie ne repose pas uniquement sur le produit, mais sur l’ensemble des éléments environnementaux et interactifs qui structurent l’expérience vécue par le consommateur.

  • Le consommateur, co créateur de son expérience : L’un des points majeurs soulevés par Filser est que le consommateur ne se contente plus d’être un simple récepteur passif des offres commerciales. Il devient un acteur impliqué dans la construction de son propre parcours expérientiel.

Cette vision rejoint les théories du marketing relationnel (Firat & Venkatesh, 1995) qui insistent sur l’importance des interactions entre le consommateur, la marque et les autres participants à l’expérience. Dans un magasin, par exemple, l’expérience sera enrichie par l’ambiance sonore, l’éclairage, la présentation des produits, mais aussi par l’accueil des vendeurs et la possibilité de tester ou personnaliser l’offre.

Filser souligne ainsi que la valeur perçue de l’expérience dépend de la liberté d’action laissée au consommateur, de son engagement émotionnel, et de sa capacité à interagir.

Conclusion

L’article de Filser (2002) apporte une contribution essentielle à la compréhension du marketing expérientiel, en montrant que la consommation ne repose plus uniquement sur des aspects fonctionnels mais sur une mise en scène globale de l’offre. Il met en avant l’importance des émotions, de l’interaction et de la co-création, tout en soulignant les défis associés à cette approche.

Le marketing de la production d’expérience représente donc un levier stratégique puissant, mais nécessite une approche réfléchie pour éviter les écueils liés à la sur-stimulation ou à l’artificialité des expériences proposées.

 

Bibliographie :

Filser, M. (2002). Le marketing de la production d’expérience : statut théorique et implications managériales. Décisions Marketing, 28, 13-22.

Holbrook, M. B. & Hirschman, E. C. (1982). The experiential aspects of consumption: Consumer fantasies, feelings, and fun. Journal of Consumer Research, 9(2), 132-140.

Holbrook, M. B. (2000). The Millennial Consumer in the Texts of Our Times: Experience and Entertainment. Journal of Macromarketing, 20(2), 178-192.

Pine, B. J., & Gilmore, J. H. (1999). The Experience Economy: Work is Theatre and Every Business a Stage. Harvard Business School Press.

Expériences de consommation et marketing expérientiel

Carù, A., & Cova, B. (2006). Expériences de consommation et marketing expérientiel. Revue française de gestion, 162, 99-115.

Mots clés : Expérience de consommation, marketing expérientiel, émotions et hédonisme, co-création

Antonella Carù et Bernard Cova examinent dans cet article l’émergence du marketing expérientiel, qui se différencie du marketing traditionnel centré sur les caractéristiques des produits. Ils mettent en avant que les consommateurs modernes ne se contentent plus d’acheter un bien ou un service pour sa seule utilité fonctionnelle, mais recherchent une expérience globale, engageant leurs émotions, leurs sens et leur identité.

La consommation est devenue une pratique expérientielle où l’environnement, la narration et l’immersion jouent un rôle fondamental.

Développement :

  • Définition du marketing expérientiel : Le marketing expérientiel se distingue du marketing traditionnel en mettant l’accent sur l’expérience vécue par le consommateur plutôt que sur le produit lui-même. Il repose sur une approche hédoniste et sensorielle de la consommation, où l’acte d’achat devient une source de plaisir et d’émotions (Carù & Cova, 2006, p. 100).

Cette vision s’inspire des travaux de Holbrook et Hirschman (1982, p. 133), qui ont été parmi les premiers à souligner que la consommation ne se réduit pas à une démarche rationnelle et fonctionnelle, mais qu’elle englobe des composantes affectives, imaginaires et expérientielles.

Selon Pine et Gilmore (1999, p. 47), nous sommes entrés dans une économie de l’expérience, où les entreprises doivent scénariser leur offre pour plonger le consommateur dans un univers immersif et interactif. Cette approche vise à générer des souvenirs positifs et mémorables qui favorisent la fidélisation à la marque.

Les auteurs insistent également sur la distinction entre marketing expérientiel et expériences de consommation :

Le marketing expérientiel correspond aux stratégies mises en place par les entreprises pour concevoir des expériences engageantes (Carù & Cova, 2006, p. 102).

L’expérience de consommation, en revanche, est le vécu subjectif du consommateur, influencé par ses attentes, son environnement et ses interactions (Carù & Cova, 2006, p. 104).

  • Dimensions de l’expérience de consommation :

L’expérience de consommation repose sur cinq dimensions principales :

  1. Sensorielle : Mobilisation des sens (vue, ouïe, toucher, goût, odorat) pour enrichir l’expérience et stimuler l’engagement du consommateur. (Rieunier, 2002)
  2. Émotionnelle : Création de sentiments forts et mémorables chez le consommateur. Plus une expérience est émotionnellement marquante, plus elle renforce l’attachement à la marque (Schmitt, 1999, p. 55).
  3. Cognitive : Sollicitation intellectuelle, curiosité et apprentissage au travers de l’expérience. (Arnould et Thompson, 2005)
  4. Comportementale : Incitation du consommateur à interagir activement avec l’environnement proposé. (Schmitt 1999)
  5. Relationnelle : Développement de liens sociaux et sentiment d’appartenance à une communauté autour de la marque (Arnould & Price, 1993, p. 30).

L’immersion est un facteur clé du marketing expérientiel : plus le consommateur est impliqué dans l’expérience, plus elle sera perçue comme intense et authentique (Csikszentmihalyi, 1990, p. 67).

La co-création et le rôle du consommateur : Contrairement aux approches traditionnelles du marketing, où les entreprises imposent leur vision du produit, le marketing expérientiel favorise une logique de co-création :

  • Le consommateur devient un acteur de son expérience et non plus un simple spectateur.
  • L’interaction avec les autres participants, les employés et l’environnement enrichit le vécu expérientiel (Carù & Cova, 2006, p. 110).

Cette approche rejoint les théories du marketing relationnel, où la fidélisation repose sur une interaction continue et personnalisée entre la marque et ses clients (Firat & Venkatesh, 1995, p. 245).

Les auteurs soulignent plusieurs limites et critiques du marketing expérientiel :

  1. Difficulté de mesure : Contrairement aux stratégies classiques basées sur des indicateurs quantifiables (ventes, taux de conversion), l’impact des expériences sur la fidélisation reste difficile à évaluer (Carù & Cova, 2006, p. 112).
  2. Superficialité et artificialité : Certaines entreprises se contentent d’ajouter des éléments ludiques ou sensoriels sans réelle cohérence, ce qui peut donner une impression de spectacle forcé (Schmitt, 1999, p. 60).
  3. Saturation sensorielle : Trop de stimulations peuvent engendrer un effet d’épuisement cognitif, rendant l’expérience fatigante et contre-productive (Carù & Cova, 2006, p. 113).
  4. Accessibilité et exclusivité : Les expériences les plus marquantes sont souvent coûteuses à mettre en place, ce qui peut les réserver à une élite, excluant une partie du marché (Pine & Gilmore, 1999, p. 58).

Conclusion :

L’article de Carù et Cova offre une analyse approfondie du marketing expérientiel, qui s’impose comme une approche centrale dans la compréhension du comportement des consommateurs modernes. Il met en lumière le rôle crucial des dimensions sensorielles et émotionnelles, ainsi que l’importance de l’immersion et de la co-création dans la construction d’une expérience mémorable. Leur analyse montre que cette approche est un levier puissant pour engager les consommateurs et les fidéliser mais ils mettent en garde sur les dérives, comme la difficulté de mesurer les effets du marketing expérientiel.

Références Bibliographiques 

Holbrook, M. B., & Hirschman, E. C. (1982). The experiential aspects of consumption: Consumer fantasies, feelings, and fun. Journal of Consumer Research, 9(2), 132-140.

Pine, B. J., & Gilmore, J. H. (1999). The experience economy: Work is theatre and every business a stage. Harvard Business School Press.

Csikszentmihalyi, M. (1990). Flow: The psychology of optimal experience. Harper & Row.

Schmitt, B. H. (1999). Experiential marketing: How to get customers to sense, feel, think, act, and relate to your company and brands. Free Press.

Firat, A. F., & Venkatesh, A. (1995). Liberatory postmodernism and the re-enchantment of consumption. Journal of Consumer Research, 22(3), 239-267.

Arnould, E. J., & Price, L. L. (1993). River magic: Extraordinary experience and the extended service encounter. Journal of Consumer Research, 20(1), 24-45.

Mapping the terrain for the Lean Supply Chain 4.0.

Référence APA :
McDermott, O., Antony, J., Sony, M., & Swarnakar, V. (2024). Mapping the terrain for the Lean Supply Chain 4.0. The International Journal of Logistics Management, 35(5), 1483-1499. https://doi.org/10.1108/IJLM-12-2022-0471

Mots-clés : Lean Supply Chain, Industry 4.0, digitalisation, logistique, performance opérationnelle

Synthèse :
Cet article propose une revue systématique de la littérature sur l’intégration du Lean et de l’Industrie 4.0 dans la gestion des chaînes d’approvisionnement, un concept émergent connu sous le nom de Lean Supply Chain 4.0 (LSC 4.0). L’étude met en évidence les bénéfices, les motivations, les facteurs de succès critiques et les défis liés à cette intégration dans un contexte de digitalisation croissante. Les auteurs démontrent que l’Industrie 4.0 et la Supply Chain Lean sont interdépendantes et se renforcent mutuellement. Toutefois, ils soulignent également que l’application des technologies numériques doit être réfléchie pour éviter des inefficacités et des coûts excessifs. Enfin, l’article explore les implications pour les entreprises souhaitant adopter le LSC 4.0 afin d’améliorer leur durabilité et leur compétitivité.

Développement :

L’intégration du Lean et de l’Industrie 4.0 transforme la gestion des chaînes d’approvisionnement en augmentant l’efficacité et en réduisant les déchets. L’article insiste sur le fait que les technologies numériques telles que l’Internet des Objets (IoT), l’intelligence artificielle et la blockchain permettent une meilleure visibilité et synchronisation des flux logistiques, favorisant une prise de décision rapide et informée. En optimisant les opérations, ces outils améliorent la flexibilité et la résilience des entreprises face aux perturbations du marché.

Toutefois, l’adoption de ces technologies soulève plusieurs défis. La transition vers le LSC 4.0 exige des investissements conséquents et une refonte des processus existants, ce qui peut engendrer une résistance au changement au sein des organisations. Par ailleurs, le manque de compétences en digitalisation et en gestion des données constitue un frein majeur à la mise en œuvre efficace de ces technologies. L’article met en avant la nécessité d’une approche progressive et stratégique pour garantir une adoption réussie.

En termes de durabilité, l’étude montre que le Lean Supply Chain 4.0 favorise une gestion plus écoresponsable des ressources. En réduisant le gaspillage et en optimisant l’utilisation des matières premières, cette approche contribue à la transition vers une économie circulaire. Les entreprises qui intègrent ces pratiques bénéficient ainsi non seulement d’un avantage compétitif, mais aussi d’une meilleure conformité aux réglementations environnementales en constante évolution.

How supply chain digitalization investment affects firm’s financial and non-financial performance: Evidence from listed companies in China.

Référence APA :
Wu, Y., Wang, J., & Yang, P. (2024). How supply chain digitalization investment affects firm’s financial and non-financial performance: Evidence from listed companies in China. International Review of Financial Analysis, 96, 103639. https://doi.org/10.1016/j.irfa.2024.103639

Mots-clés : supply chain digitalization, supply chain capability, resource slack, firm performance

Synthèse :
Cet article examine comment l’investissement dans la digitalisation de la chaîne d’approvisionnement affecte la performance financière et non financière des entreprises cotées en Chine. À travers une analyse empirique des rapports annuels des entreprises de 2017 à 2022, l’étude met en évidence que la digitalisation améliore certaines capacités de la chaîne d’approvisionnement, notamment en réduisant les risques et en augmentant l’efficacité. Cependant, elle entraîne également une augmentation des risques financiers et une utilisation inefficace des ressources. L’étude met en lumière un paradoxe : bien que la digitalisation améliore les performances non financières des entreprises, elle peut nuire à leurs résultats financiers en raison des coûts élevés et des inefficacités associées.

Développement :

L’étude démontre que l’investissement dans la digitalisation de la chaîne d’approvisionnement a des effets contrastés. D’un côté, il améliore la résilience et l’efficacité en réduisant les risques opérationnels, en renforçant la visibilité des flux et en permettant une prise de décision plus rapide grâce à l’intelligence artificielle et l’Internet des Objets. Les entreprises bénéficient ainsi d’une meilleure agilité face aux changements du marché et d’une optimisation des coûts logistiques.

Cependant, cet investissement comporte aussi des inconvénients. L’article souligne que la digitalisation nécessite des ressources financières importantes et peut exposer les entreprises à des risques financiers accrus. Le coût élevé de mise en place des nouvelles technologies et la nécessité de former les employés peuvent ralentir le retour sur investissement. De plus, l’inefficacité dans l’allocation des ressources entraîne souvent un gaspillage, augmentant ainsi le risque de stagnation ou d’endettement.

L’étude met également en avant une distinction entre la performance financière et la performance non financière. Si l’impact sur la rentabilité immédiate peut être négatif, les entreprises tirent des bénéfices en termes d’image, de satisfaction client et de compétitivité sur le long terme. Cette séparation entre performances financières et non financières reflète le paradoxe de la productivité des technologies de l’information, selon lequel l’investissement numérique ne garantit pas systématiquement une amélioration directe de la rentabilité.

Role of supply chain digitalization and global supply chain in decarbonization of natural resources sector supply chain.

Référence APA :
Jiang, H., He, B., Mubarik, M. S., & Shi, S. (2024). Role of supply chain digitalization and global supply chain in decarbonization of natural resources sector supply chain. Journal of Environmental Management, 370, 122689. https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2024.122689

Mots-clés : supply chain digitalization, global supply chain, natural resources, decarbonization, environmental sustainability

Synthèse :
Cet article explore comment la digitalisation et la cartographie des chaînes d’approvisionnement peuvent contribuer à la décarbonisation du secteur des ressources naturelles, en particulier l’industrie métallurgique. Grâce à une enquête menée auprès de 246 employés, il met en avant l’impact des technologies digitales sur l’efficacité énergétique et l’utilisation des ressources. L’étude démontre que la digitalisation améliore la visibilité et la transparence des chaînes d’approvisionnement, permettant ainsi une meilleure identification des sources d’émissions de carbone et l’optimisation des flux logistiques. L’intégration de l’IoT et de l’IA facilite une gestion plus efficace des ressources, ce qui contribue à la transition vers une économie bas carbone. Toutefois, l’article souligne que ces transformations nécessitent des politiques environnementales adaptées et une adoption stratégique des technologies digitales.

Développement :

La digitalisation joue un rôle essentiel dans la décarbonisation des chaînes d’approvisionnement en améliorant leur visibilité et en permettant l’identification des principales sources d’émissions de carbone. En utilisant des outils numériques avancés, les entreprises peuvent collecter et analyser des données en temps réel pour optimiser leurs processus logistiques et limiter leur impact environnemental. L’adoption de technologies telles que l’Internet des Objets (IoT) et l’Intelligence Artificielle (IA) permet d’optimiser l’efficacité énergétique des opérations, en réduisant le gaspillage des ressources et en améliorant la gestion des flux.

Un aspect clé abordé par l’article est la cartographie de la chaîne d’approvisionnement, qui agit comme un facilitateur dans le processus de décarbonisation. Grâce aux données numériques collectées, les entreprises peuvent identifier des opportunités d’amélioration et ajuster leurs stratégies pour minimiser les émissions polluantes. La transparence accrue fournie par ces outils aide à optimiser les flux logistiques en rendant les circuits plus courts et plus efficaces, ce qui réduit considérablement les émissions de gaz à effet de serre.

Les implications pratiques de ces avancées sont multiples. Les entreprises doivent intégrer ces solutions digitales dans leur gestion afin d’atteindre leurs objectifs de durabilité et de se conformer aux réglementations environnementales en constante évolution. En parallèle, les politiques publiques et les initiatives environnementales doivent encourager l’adoption de la digitalisation pour accélérer la transition vers une économie bas carbone. Une approche stratégique et adaptée aux spécificités de chaque secteur est essentielle pour maximiser les bénéfices environnementaux tout en maintenant une compétitivité économique.

Is digitalization necessary? Configuration of supply chain capabilities for improving enterprise competitive performance.

Référence APA : Li, N., Yao, Q., Tang, H., & Lu, Y. (2024). Is digitalization necessary? Configuration of supply chain capabilities for improving enterprise competitive performance. Journal of Business Research, 186, 114972. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2024.114972
Mots-clés : digital supply chain capabilities, traditional supply chain capabilities, enterprise competitive performance, fuzzy-set qualitative comparative analysis

Synthèse : L’article analyse l’impact de la digitalisation sur la performance compétitive des entreprises à travers l’interaction entre les capacités de la chaîne d’approvisionnement traditionnelle et digitale. Une analyse qualitative comparative de 221 entreprises manufacturières met en évidence trois configurations stratégiques permettant d’atteindre une performance élevée : la dépendance aux capacités traditionnelles, un équilibre entre capacités digitales et traditionnelles, et un modèle centré sur la digitalisation.

Développement :

1. Définition des capacités de la chaîne d’approvisionnement
Les capacités digitales (DSCCs) incluent le partage de données, la visibilité du réseau et la prise de décision autonome.
Les capacités traditionnelles (TSCCs) se concentrent sur l’utilisation optimale des ressources internes et externes sans digitalisation.
2. Configurations stratégiques et impact sur la performance
Un équilibre entre DSCCs et TSCCs est essentiel pour maximiser la performance.
Les PME peuvent obtenir des résultats élevés sans digitalisation si elles possèdent de fortes capacités traditionnelles.
L’article met en avant la nécessité d’une approche adaptative de la digitalisation selon le contexte et les ressources de l’entreprise.
3. Conséquences pratiques
Les entreprises doivent évaluer leurs ressources et choisir une configuration adaptée pour optimiser leur performance.
La digitalisation n’est pas une solution universelle et doit être combinée avec des stratégies traditionnelles selon le secteur.

L’étude offre une perspective nuancée sur l’importance de la digitalisation dans la chaîne d’approvisionnement et souligne la nécessité d’une approche contextuelle pour maximiser la performance des entreprises.

La valeur retirée d’une pratique

Innocent, M., & François-Lecompte, A. (2020). La valeur retirée d’une pratique. Recherche et Applications en Marketing, 35(2), 78-99. https://doi.org/10.1177/0767370119899603

Mots-clés : économies d’énergie, pratiques, valeur de consommation, valeur d’usage, valeur eudémonique

 

L’article de Innocent et François-Lecompte (2020) explore une nouvelle approche pour comprendre la valeur que les individus perçoivent dans leurs actions quotidiennes. Jusqu’à présent, les chercheurs en marketing ont surtout étudié la valeur de consommation, qui concerne les bénéfices retirés de l’utilisation d’un produit ou service (Marion, 2016). Cependant, cet article propose d’élargir cette notion en s’intéressant aux pratiques, c’est-à-dire à des comportements réguliers, qui ne sont pas toujours liés à l’achat d’un bien (Schatzki, 1996 ; Reckwitz, 2002).

L’objectif est donc d’analyser la valeur retirée d’une pratique, notamment dans le cas d’actions ayant un impact positif sur la société, comme les écogestes électriques

 

De la valeur de consommation à la valeur retirée d’une pratique

Trois formes de valeur perçue associées à la consommation sont identifiées par Rivière et Mencarelli (2012) :

  • La valeur d’achat, qui se construit avant l’achat
  • La valeur de magasinage, liée à l’expérience en magasin,
  • La valeur de consommation, qui correspond aux bénéfices ressentis après avoir utilisé un produit ou un service.

Traditionnellement, cette valeur est perçue comme positive, mais plusieurs travaux ont montré qu’elle peut aussi inclure des éléments négatifs(Aurier et al., 2004 ; Grönroos & Voima, 2012 ; Marion, 2013 ; Sweeney et al., 2018).

Cependant, les recherches récentes ont souligné que les comportements des consommateurs ne se limitent pas au choix des objets achetés. Les habitudes et les actions du quotidien doivent également être étudiées, car elles influencent les décisions et permettent une meilleure compréhension des modes de vie (Holt, 1998 ; Sirieix & Le Borgne, 2017). Cette approche permet d’inclure des comportements non marchands dans l’étude du consommateur (Dubuisson-Quellier & Plessz, 2013 ; Sirieix & Le Borgne, 2017).

 

Contrairement à la valeur de consommation, qui est liée à un objet ou un service, la valeur d’une pratique repose sur un ensemble d’actions régulières (Innocent & François-Lecompte, 2020). Elle se distingue aussi par plusieurs aspects, tout d’abord sa source : elle ne vient pas d’un produit mais de l’expérience et des interactions de la personne avec son environnement (Dewey, 1939 ; Schau et al., 2009). Elle se distingue aussi par sa construction : elle n’apparaît pas immédiatement mais se développe avec le temps et la répétition des gestes (Blocker & Barrios, 2015).

Comprendre cette dynamique peut être utile pour les entreprises et les pouvoirs publics, qui cherchent à encourager certaines pratiques bénéfiques pour la société, comme l’alimentation durable ou les modes de transport écologiques (Spotswood et al., 2015).

 

Les résultats de l’étude menée par Innocent & François-Lecompte (2020) auprès de 375 consommateurs montrent que plus les écogestes sont répétés, plus ils sont perçus positivement. À l’inverse, les efforts et contraintes associés à ces gestes tendent à diminuer avec le temps.

L’étude met en avant un élément essentiel : la valeur eudémonique, qui correspond au bien-être ressenti et au développement personnel (Laguardia & Ryan, 2000). Au départ, les écogestes peuvent sembler contraignants, mais avec le temps, ils deviennent une source de satisfaction et de plaisir (Shove et al., 2012 ; Blocker & Barrios, 2015).

L’analyse distingue trois catégories de pratiquants :

  1. Ceux qui débutent : ils trouvent encore ces gestes compliqués et contraignants.
  2. Ceux qui pratiquent de manière modérée : ils commencent à percevoir des bénéfices, notamment en matière d’organisation du foyer.
  3. Ceux qui ont adopté ces gestes comme une routine : pour eux, ces pratiques font partie de leur quotidien et génèrent du bien-être.

Autrement dit, plus une personne s’engage dans une pratique, plus elle en retire des bénéfices et moins elle perçoit les aspects négatifs (Innocent & François-Lecompte, 2020).

L’étude propose une extension du concept de valeur de consommation, en montrant que la perception de la valeur évolue avec la fréquence des gestes. Contrairement à l’achat d’un produit dont la valeur est immédiate, celle d’une pratique se construit progressivement et dépend de l’expérience vécue (Marion, 2016).

La valeur eudémonique joue un rôle clé dans ce processus. Lorsqu’une personne s’implique dans une pratique sur le long terme, elle finit par y trouver du plaisir et un sentiment d’accomplissement personnel (Venhoeven et al., 2016).

Les résultats montrent que pour encourager des comportements bénéfiques pour la société, il est essentiel d’aider les individus à intégrer ces gestes dans leur quotidien, par des actions de sensibilisation et des outils pratiques, de mettre en avant les aspects positifs de ces pratiques, en insistant sur leur impact personnel et non seulement sur leur utilité collective (Sirieix & Le Borgne, 2017) et enfin de favoriser les échanges et le partage d’expériences entre les pratiquants, afin qu’ils puissent s’encourager mutuellement et renforcer leur engagement.

 

Conclusion

L’article de Innocent et François-Lecompte (2020) apporte une nouvelle perspective sur la manière dont la valeur est perçue. Plutôt que de se limiter aux produits et services, cette étude montre que les gestes du quotidien peuvent aussi générer une forme de satisfaction et de bien-être, en particulier lorsqu’ils sont répétés sur une longue période (Schatzki, 1996 ; Reckwitz, 2002).

La mise en avant de la valeur eudémonique est une avancée majeure : elle prouve que ce qui est perçu comme une contrainte au début peut se transformer en une source de plaisir (Shove et al., 2012). Ces résultats ouvrent des pistes intéressantes pour les entreprises et les pouvoirs publics, qui doivent repenser la manière dont ils encouragent les comportements responsables. Accompagner les individus dans cette transformation progressive est essentiel pour favoriser l’adoption durable de ces pratiques (Venhoeven et al., 2016 ; Sirieix & Le Borgne, 2017).

 

Références

  • Aurier, P., Evrard, Y., & N’Goala, G. (2004). Hétérogénéité et création de valeur dans la relation entre un client et une entreprise. Décisions Marketing, (36), 25-34.
  • Dewey, J. (1939). Theory of Valuation. University of Chicago Press.
  • Holt, D. B. (1998). Does cultural capital structure American consumption? Journal of Consumer Research, 25(1), 1-25.
  • Innocent, M., & François-Lecompte, A. (2020). La valeur retirée d’une pratique. Recherche et Applications en Marketing, 35(2), 78-99.
  • Marion, G. (2016). La valeur de consommation revisitée. Décisions Marketing, (84), 17-31.
  • Venhoeven, L., Bolderdijk, J. W., & Steg, L. (2016). Why acting environmentally-friendly feels good. Journal of Environmental Psychology, 45, 1-10.

Impact de la culture organisationnelle sur l’engagement des employés

Siddique, K. P. (2019). Impact de la culture organisationnelle sur l’engagement des employés. International Journal of Advanced Research in Management and Social Sciences, 8(12), 34-43.

Mots-clés : culture organisationnelle, engagement des collaborateurs, management stratégique, motivation, performance organisationnelle

L’engagement des employés est un enjeu clé pour les organisations cherchant à améliorer leur performance et leur avantage concurrentiel. La culture organisationnelle, définie comme un ensemble de valeurs, croyances et normes partagées, joue un rôle déterminant dans la motivation et l’implication des collaborateurs (Schermerhorn, Hunt, & Osborn, 2005). L’article de Siddique (2019) examine comment la culture organisationnelle influence l’engagement des employés, en identifiant les principaux leviers et mécanismes à l’œuvre.

La culture organisationnelle structure le comportement des employés et influence leur adhésion aux objectifs de l’entreprise (McShane & Von Glinow, 2004). Elle repose sur plusieurs dimensions :

  • Les valeurs et croyances partagées, qui orientent la perception du travail et de la hiérarchie.
  • Les artefacts culturels, tels que les rituels, cérémonies et pratiques managériales, qui renforcent l’identité organisationnelle (Herzog & Leker, 2011).
  • L’orientation vers les ressources humaines, qui reflète l’importance accordée au bien-être et à l’évolution des employés (Siddique, 2019).

Une culture organisationnelle forte favorise un environnement de travail positif, dans lequel les employés se sentent reconnus et impliqués dans la réussite collective (Peedikayil & Manthiri, 2018).

L’article met en évidence plusieurs facteurs clés qui influencent l’engagement des employés :

  • Le leadership et la communication : une communication transparente et un leadership inspirant renforcent le sentiment d’appartenance et la motivation des collaborateurs (Mone & London, 2009).
  • L’autonomie et la flexibilité : accorder plus de liberté aux employés dans leur organisation du travail améliore leur implication et leur satisfaction (Crawford, Rich, Buckman, & Bergeron, 2013).
  • Les opportunités de développement : proposer des formations et des perspectives d’évolution professionnelle augmente la fidélisation et l’engagement des employés (Armstrong, 2012).
  • Les incitations et la reconnaissance : les systèmes de récompense, qu’ils soient financiers ou symboliques, contribuent à renforcer la motivation et l’investissement des collaborateurs (Siddique, 2019).

Ces facteurs, combinés à une culture organisationnelle positive, permettent d’accroître l’engagement et la performance des équipes.

L’étude de Siddique (2019) mobilise plusieurs modèles pour analyser l’influence de la culture organisationnelle sur l’engagement des employés. Deux cadres conceptuels ressortent :

Le modèle de Federman (2009)

Federman (2009) adopte une approche systémique où la culture organisationnelle est le socle de l’engagement, en interaction avec d’autres facteurs comme l’innovation et la reconnaissance. Il propose un modèle basé sur neuf facteurs déterminants de l’engagement des employés, qui permettent d’expliquer pourquoi certains collaborateurs sont plus impliqués que d’autres. Parmi ces facteurs, la culture organisationnelle influence directement la perception du travail, les interactions sociales et la motivation au sein de l’entreprise.

Les neuf facteurs d’engagement identifiés par Federman (2009) sont les suivants :

  1. Culture organisationnelle : les valeurs et normes internes qui structurent les comportements au sein de l’organisation.
  2. Indicateurs de succès : la clarté des objectifs organisationnels et des critères de performance.
  3. Priorisation des tâches : la capacité à organiser efficacement le travail en fonction des priorités stratégiques.
  4. Communication : la transparence et la fluidité des échanges au sein de l’entreprise.
  5. Innovation : l’ouverture au changement et la capacité à expérimenter de nouvelles approches.
  6. Acquisition de talents : les stratégies mises en place pour attirer les meilleurs profils.
  7. Développement des compétences : la formation et l’évolution professionnelle des employés.
  8. Cycle client/entreprise : la compréhension du rôle des employés dans la relation avec les clients.
  9. Reconnaissance et incitations : les systèmes de récompenses et de motivation.

Parmi ces facteurs, la culture organisationnelle constitue l’élément fondateur, car elle influence directement les autres dimensions du modèle. Une culture qui valorise l’innovation, la reconnaissance et la communication favorise un engagement plus fort des employés. À l’inverse, une culture rigide et opaque peut entraîner une démobilisation et une baisse de la motivation (Federman, 2009).

Ce modèle met donc en lumière l’importance d’une approche globale pour renforcer l’engagement des collaborateurs : il ne suffit pas d’introduire des incitations financières ou des formations isolées, il faut une culture d’entreprise qui soutienne ces initiatives et crée un environnement favorable à l’implication des employés.

Le modèle de Sarangi et Srivastava (2012)

Sarangi et Srivastava (2012) insistent sur le rôle fondamental de la communication comme catalyseur de l’engagement et de la culture d’entreprise. Leur étude s’appuie sur les travaux de Van den Berg et Wilderom (2004) et identifie cinq dimensions culturelles (autonomie, orientation externe, coopération interservices, orientation ressources humaines, orientation vers l’amélioration) et sept dimensions de communication (intégration organisationnelle, communication managériale, feedback personnel, information d’entreprise, climat de communication, qualité des médias internes, communication avec les subordonnés) qui influencent directement l’engagement.

Une culture organisationnelle positive ne suffit pas si les flux de communication sont déficients. À l’inverse, une excellente communication interne peut difficilement compenser une culture d’entreprise dysfonctionnelle (Sarangi & Srivastava, 2012).

L’étude de Siddique (2019) confirme ces résultats en démontrant que les entreprises dotées d’une culture organisationnelle solide et cohérente observent des niveaux d’engagement plus élevés, ce qui se traduit par une meilleure performance et une moindre rotation du personnel.

 

L’analyse de Siddique (2019) montre que la culture organisationnelle est un levier clé de l’engagement des employés. Elle influence directement leur motivation, leur productivité et leur fidélisation à l’entreprise (Schermerhorn et al., 2005). Une culture forte, combinée à des stratégies de gestion adaptées, permet de structurer un environnement de travail motivant et engageant (Federman, 2009 ; Sarangi & Srivastava, 2012).

Les organisations doivent ainsi adopter une approche intégrée, combinant politiques RH, leadership et communication, pour créer une dynamique collective positive et renforcer l’implication des employés (Peedikayil & Manthiri, 2018).

Références

  • Armstrong, M. (2012). Armstrong’s handbook of reward management practice: improving performance through reward. Kogan Page Publishers.
  • Federman, B. (2009). Employee engagement: A roadmap for creating profits, optimizing performance, and increasing loyalty. John Wiley & Sons.
  • Meyer, J. P., Gagne, G., & Parfyonova, N. M. (2010). Toward an evidence-based model of engagement: what we can learn from motivation and commitment research. In Albrecht, S. L. (Ed.), Handbook of Employee Engagement. Edward Elgar Publishing.
  • Peedikayil, S. K., & Manthiri, A. A. (2018). Examining the effect of organizational culture on high-performance work systems. International Journal of Advanced Research in Management and Social Sciences, 7(2), 6-15.
  • Sarangi, S., & Srivastava, R. K. (2012). Impact of organizational culture and communication on employee engagement. South Asian Journal of Management, 19(3), 56-72.
  • Schermerhorn, J. R., Hunt, J. G., & Osborn, R. N. (2005). Organizational behavior. John Wiley & Sons.
  • Siddique, K. P. (2019). Impact of organizational culture on employee engagement. International Journal of Advanced Research in Management and Social Sciences, 8(12), 34-43.

The Role of Top Managers in Implementing Corporate Sustainability

Kutzschbach, J., Tanikulova, P., & Lueg, R. (2021). The Role of Top Managers in Implementing Corporate Sustainability—A Systematic Literature Review on Small and Medium-Sized Enterprises. Administrative Sciences, 11(2), 44.

Mots-clés : engagement des collaborateurs, responsabilité sociétale des entreprises (RSE), mobilité durable, motivation des dirigeants, valeurs organisationnelles

L’adoption des mobilités durables en entreprise dépend fortement des stratégies d’engagement mises en place par les dirigeants et de la perception qu’ont les employés des initiatives en faveur du développement durable.Dans les PME, ces stratégies sont fortement influencées par les motivations des dirigeants et managers, qui sont à la fois initiateurs et responsables de leur mise en œuvre (Jenkins, 2006). Contrairement aux grandes entreprises, où la durabilité est souvent intégrée dans des politiques institutionnelles, les PME adoptent des approches plus informelles et adaptées à leur culture organisationnelle (Fassin et al., 2011).

Selon Kutzschbach et al. (2021), l’engagement des PME dans la durabilité repose sur sept leviers, répartis en motivations internes et externes :

  • Motivations internes : (1) valeurs et identité de l’entreprise, (2) relations avec la communauté locale, (3) pratiques commerciales durables, (4) reporting RSE et (5) collaborations.
  • Motivations externes : (6) pression des parties prenantes et (7) conformité aux réglementations.

Ces leviers influencent directement l’adoption de la mobilité durable en entreprise, en favorisant une implication accrue des employés à travers des pratiques adaptées.

 

Les dirigeants des PME, en raison de leur implication directe dans la gestion quotidienne, ont une capacité accrue à influencer les décisions stratégiques, y compris celles relatives aux pratiques de mobilité durable (Cao et al., 2010 ; Lubatkin et al., 2006). Le modèle proposé par Kutzschbach et al. (2021) met en évidence quatre grandes dimensions de valeurs qui structurent leurs actions :

  • Bienveillance (benevolence values) : les dirigeants motivés par le bien-être collectif intègrent des pratiques de durabilité qui bénéficient directement aux employés, comme la mise en place de subventions pour l’usage du vélo ou la flexibilité des horaires pour favoriser le covoiturage (Aragón et al., 2016).
  • Réussite (achievement values) : certains dirigeants voient la durabilité comme un levier stratégique, cherchant à positionner leur entreprise comme un modèle à suivre en matière d’engagement environnemental (Schaefer et al., 2020).
  • Pouvoir (power values) : dans certains cas, la durabilité est perçue comme un outil d’amélioration de l’image et du prestige de l’entreprise, notamment à travers des certifications écologiques ou des labels environnementaux (Schwartz, 1994).
  • Conformité (conformity values) : l’adoption de pratiques durables est parfois motivée par la nécessité de se conformer aux réglementations ou aux attentes des partenaires commerciaux (Fitjar, 2011).

La figure 4 du document illustre comment ces différentes valeurs influencent les motivations des dirigeants et leur impact sur la transition vers la mobilité durable.

Figure 4. Research framework including the findings. Note: own depiction used according to Dacin et al. (2010) and Colovic et al. (2019).

 

De plus, les entreprises qui intègrent leurs employés dans le processus décisionnel en matière de durabilité constatent une meilleure adoption des pratiques mises en place (Aragón et al., 2016). Cette approche favorise une culture organisationnelle plus collaborative, où les employés se sentent partie prenante des changements. Les stratégies adoptées incluent notamment la consultation des employés pour co-construire des politiques de mobilité durable adaptées à leurs besoins.

L’engagement des employés dans des pratiques de mobilité durable est aussi renforcé lorsque les entreprises mettent en place des incitations adaptées. Par exemple, certaines PME offrent des avantages financiers pour l’utilisation du vélo ou du covoiturage, ou encore facilitent l’accès à des infrastructures adaptées (Demuijnck & Ngnodjom, 2013). D’autres adoptent des politiques plus structurelles en intégrant des normes environnementales dans leur culture d’entreprise et en formant leurs employés aux enjeux de la mobilité durable (Murillo & Lozano, 2006).

Les dirigeants qui considèrent la durabilité comme un élément fondamental de l’identité de leur entreprise sont plus enclins à initier des actions structurantes, telles que la promotion active de la mobilité durable (Aragón et al., 2016). Mais, contrairement aux grandes entreprises, qui mettent en avant leurs engagements en matière de développement durable, les PME adoptent souvent une posture de “green blushing”, c’est-à-dire qu’elles mettent en œuvre des actions sans nécessairement les promouvoir (Lueg & Lueg, 2020). Cette sous-communication peut limiter l’adhésion des employés, qui restent parfois peu informés des efforts de leur entreprise.

 

L’engagement des dirigeants dans la durabilité influence directement la transition vers la mobilité durable en entreprise. Dans les PME, où la prise de décision est plus flexible et personnalisée, cet engagement repose sur un équilibre entre motivations internes (valeurs du dirigeant, culture d’entreprise) et pressions externes (attentes des parties prenantes, réglementations) (Kutzschbach et al., 2021). L’implication des employés dans la conception et l’adoption des pratiques de mobilité durable constitue un levier clé pour assurer le succès de ces initiatives (Aragón et al., 2016). Cependant, le manque de communication sur ces actions, notamment à travers le phénomène de “green blushing”, peut freiner leur impact et limiter l’adhésion des collaborateurs (Lueg & Lueg, 2020).

Références