Mencarelli, R. (2008). L’interaction lieu-objet comme conceptualisation de l’expérience vécue : test d’un modèle intégrateur. Recherche et Applications en Marketing, 23(3), 51-75.
Mots-clés : Expérience de consommation, valeur perçue, interaction lieu-objet, environnement physique, modèle intégrateur.
Développement
L’approche de Mencarelli (2008) repose sur une critique des modèles existants du marketing expérientiel (Holbrook & Hirschman, 1982 ; Pine & Gilmore, 1998 ; Schmitt, 1999), qu’il juge trop normatifs et réducteurs. L’auteur défend une approche plus holistique, prenant en compte l’ensemble des interactions qu’un individu vit lors d’une expérience de consommation.
L’article introduit la notion d’interaction lieu-objet, affirmant que la valeur perçue d’un produit ou service ne dépend pas seulement de ses attributs intrinsèques mais aussi du contexte environnemental dans lequel il est consommé (Bitner, 1992 ; Cova & Cova, 2004). Cette vision rejoint les travaux de Bonnin (2000) et Ladwein (2002), qui insistent sur le rôle du lieu dans la construction de l’expérience.
Mencarelli mobilise le concept de valeur (Holbrook, 1999) pour structurer son analyse. Il distingue plusieurs dimensions de la valeur perçue :
- Valeur intrinsèque vs. extrinsèque : la satisfaction tirée directement de l’objet ou obtenue à travers un objectif externe.
- Valeur sociale : importance du partage et de l’interaction avec autrui (Aurier, Evrard & N’Goala, 2000).
- Valeur fonctionnelle : commodité et utilité de l’expérience.
L’étude empirique repose sur une analyse de l’expérience des spectateurs de concerts dans deux salles (Zénith de Paris et Krakatoa de Bordeaux). Les résultats montrent que le lieu de consommation influence indirectement la valeur globale perçue de l’expérience. L’ambiance, la qualité des infrastructures et la proximité avec l’artiste sont des facteurs déterminants dans l’évaluation de l’expérience vécue.
Le modèle de Mencarelli met en évidence trois types de relations :
- Modèle direct : la valeur de l’objet et du lieu influencent directement la valeur perçue.
- Modèle indirect : le lieu influence la valeur de l’objet, qui à son tour détermine la valeur perçue.
- Modèle saturé : une interaction complexe entre ces éléments.
L’auteur valide empiriquement le modèle indirect, où la perception du lieu modifie celle du produit ou service, ce qui impacte la satisfaction globale (Wakefield & Blodgett, 1994, 1999). Ces résultats soulignent l’importance de l’environnement physique dans la création d’expériences client enrichissantes, ce qui rejoint les travaux sur le servicescape de Bitner (1992).
L’article souligne également le rôle des émotions dans l’expérience de consommation. L’environnement physique agit comme un médiateur entre l’objet et l’individu, en influençant son état émotionnel et cognitif. Une ambiance immersive et engageante peut renforcer l’attachement émotionnel au produit ou service, augmentant ainsi la satisfaction et la fidélisation (Baker, Grewal & Parasuraman, 1994).
D’un point de vue managérial, Mencarelli recommande aux entreprises de concevoir des environnements immersifs qui renforcent la valeur perçue de leur offre. Cela peut passer par :
- La mise en scène des produits pour optimiser l’expérience sensorielle (Carù & Cova, 2006).
- L’amélioration de l’ergonomie des lieux pour favoriser le confort et la fluidité de l’expérience.
- La personnalisation de l’expérience client en fonction du contexte et des attentes individuelles (Grove & Fisk, 1992).
Enfin, l’article met en avant les implications stratégiques de l’interaction lieu-objet. Les marques doivent considérer l’expérience globale du client plutôt que de se focaliser uniquement sur le produit ou le service. Cette approche est particulièrement pertinente dans les secteurs du retail, de l’hôtellerie et des transports, où l’environnement joue un rôle clé dans la perception de la qualité et dans l’engagement du consommateur.
Conclusion:
L’article contribue à une meilleure compréhension de l’expérience de consommation en proposant un modèle qui intègre l’interaction entre l’objet et son environnement. Cette approche ouvre des perspectives managériales intéressantes pour les entreprises souhaitant optimiser l’expérience client en réaménageant l’espace de consommation et en adaptant leur offre au contexte physique.
Dans une perspective plus large, ces résultats peuvent être appliqués à divers secteurs où l’environnement joue un rôle crucial dans l’expérience client, comme le retail, l’hospitality, ou encore les transports.
Références bibliographiques :
- Aurier, P., Evrard, Y., & N’Goala, G. (2000). Comprendre et mesurer la valeur du point de vue du consommateur. Recherche et Applications en Marketing, 15(3), 1-20.
- Bitner, M. J. (1992). Servicescapes: The impact of physical surroundings on customers and employees. Journal of Marketing, 56(2), 57-71.
- Cova, B., & Cova, V. (2004). Expérience de consommation et marketing tribal. Revue Française du Marketing, 201(5), 19-34.
- Grove, S. J., & Fisk, R. P. (1992). The service experience as theater. Advances in Consumer Research, 19, 455-461.
- Holbrook, M. B. (1999). Consumer value: A framework for analysis and research.
- Holbrook, M. B., & Hirschman, E. C. (1982). The experiential aspects of consumption: Consumer fantasies, feelings, and fun. Journal of Consumer Research, 9(2), 132-140.
- Wakefield, K. L., & Blodgett, J. G. (1994). The importance of servicescapes in leisure service settings. Journal of Services Marketing, 8(3), 66-76.
- Wakefield, K. L., & Blodgett, J. G. (1999). Customer response to intangible and tangible service factors. Journal of Services Marketing, 13(2), 112-129.