SCARCITY AND CONSUMER CHOICE BEHAVIOR

Mots-clés : rareté – théorie des biens – comportement du consommateur – disponibilité restreinte – atteignabilité – causes de la rareté – choix du consommateur – valeur perçue – motivation d’altruisme – frustration – théorie de la réactance

Introduction

La rareté est un concept central en économie, faisant même partie de sa définition fondamentale. L’article de Theo M.M. Verhallen explore les effets psychologiques de la rareté sur le comportement de choix des consommateurs, en s’appuyant sur la théorie des biens (commodity theory) de Brock. Alors que la théorie économique traditionnelle traite la rareté principalement en termes financiers (prix et budget), cette étude adopte une approche psychologique pour examiner comment la disponibilité restreinte et l’atteignabilité influencent la préférence des consommateurs pour des biens matériels. L’auteur présente deux expériences conçues pour tester des hypothèses dérivées de la théorie des biens, en utilisant des livres de recettes comme produits d’étude. Ces expériences visent à déterminer si la rareté d’un produit augmente sa valeur perçue et influence le comportement de choix des consommateurs, et dans quelles conditions ces effets se manifestent.

Développement

La théorie économique traditionnelle traite la rareté des moyens comme une restriction budgétaire et la rareté des biens comme un prix à payer. Cependant, des économistes comme Hirsch et Leibenstein ont étendu cette vision en introduisant des concepts tels que la “rareté sociale”, les “biens positionnels” et la “demande non fonctionnelle”. Ces concepts reconnaissent que la satisfaction dérivée d’un bien ne dépend pas uniquement de ses caractéristiques intrinsèques, mais aussi de l’étendue de son utilisation par d’autres consommateurs.
La théorie des biens de Brock propose une conceptualisation psychologique des variables économiques traditionnelles comme l’offre, la demande et l’utilité. Selon cette théorie, un bien sera valorisé dans la mesure où il est indisponible. Plus un bien est restreint et moins il est disponible, plus il sera valorisé. Cette théorie se traduit par plusieurs hypothèses spécifiques concernant la rareté, l’effort, les restrictions et le délai, bien que la plupart des recherches antérieures se soient concentrées sur l’information comme principal bien d’intérêt plutôt que sur des biens matériels.
Les recherches antérieures sur l’effet de la rareté sur l’évaluation des biens matériels sont limitées. Fromkin et al. ont constaté que des bas nylon moins disponibles étaient perçus comme plus chers. Worchel et al. ont découvert que des biscuits rares, surtout lorsqu’ils devenaient rares en raison de leur popularité, étaient les mieux notés. Piehl a trouvé que, pour un livre de psychologie clinique uniquement, un prix élevé combiné à un petit nombre de lecteurs potentiels avait un effet sur le désir de lire et de posséder le livre.
Ces études soulèvent des questions importantes : les caractéristiques de rareté affectent-elles suffisamment l’évaluation d’un bien matériel pour avoir un effet lorsque les caractéristiques intrinsèques du produit sont mises en avant ? Le changement d’évaluation dû aux manipulations de rareté affecte-t-il le comportement de choix réel ? Comment les hypothèses formulées dans la théorie des biens de Brock doivent-elles être traduites pour être appliquées aux biens matériels ?
Pour répondre à ces questions, l’auteur a conçu deux expériences. Dans la première expérience, l’effet de la disponibilité (faible, moyenne ou élevée) et de la cause de l’indisponibilité (circonstances accidentelles, popularité, offre limitée, ou à la fois popularité et offre limitée) sur le choix entre trois livres de recettes a été testé. Dans la seconde expérience, l’effet de l’atteignabilité (atteignable, inatteignable devenu atteignable, et inatteignable) et de la cause de l’inatteignabilité (accidentelle, popularité, offre limitée, et à la fois offre limitée et popularité) sur le même type de choix a été examiné.
Les résultats de la première expérience suggèrent que la théorie des biens n’est valide que pour les produits attractifs. Pour les sujets qui n’étaient pas attirés par le produit, cette relation était inversée (ils évitaient de choisir le produit rare), indiquant l’éveil d’un motif “d’altruisme” dans le cadre expérimental.
Les résultats de la deuxième expérience suggèrent également que la théorie des biens n’est valide que pour les sujets attirés par le bien, et uniquement dans la situation d’atteignabilité restreinte. Pour les sujets non attirés par le domaine du produit, aucun effet de traitement n’a été trouvé. La théorie des biens ne fait pas de prédiction claire sur les effets de l’inatteignabilité, donc la théorie de la réactance a été utilisée pour prédire les effets de cette variable. L’hypothèse selon laquelle un bien inatteignable est plus valorisé qu’un bien atteignable a dû être rejetée. Une explication possible basée sur l’apparition de frustration dans cette condition est discutée.
Ces expériences montrent que la rareté peut effectivement influencer le comportement de choix des consommateurs, mais que cet effet dépend de plusieurs facteurs, notamment l’attractivité du produit pour le consommateur, la cause de la rareté et la distinction entre indisponibilité et inatteignabilité.

Conclusion

Cette étude apporte une contribution significative à la compréhension des effets psychologiques de la rareté sur le comportement de choix des consommateurs. Elle démontre que la théorie des biens de Brock, initialement développée pour les communications, peut être étendue aux biens matériels, mais avec des conditions importantes.
Premièrement, l’effet de la rareté sur la valorisation et le choix d’un produit dépend de l’attractivité initiale du produit pour le consommateur. Pour les produits attractifs, la rareté augmente effectivement leur valeur perçue et la probabilité qu’ils soient choisis. Cependant, pour les produits non attractifs, cet effet peut être inversé, les consommateurs évitant de choisir le produit rare par altruisme.
Deuxièmement, la distinction entre indisponibilité et inatteignabilité est cruciale. Alors que l’indisponibilité peut augmenter la valeur perçue d’un produit attractif, l’inatteignabilité peut conduire à la frustration plutôt qu’à une valorisation accrue.
Troisièmement, la cause de la rareté joue un rôle important. La rareté due à la popularité ou à une offre limitée peut avoir des effets différents sur la perception et le choix du consommateur par rapport à une rareté due à des circonstances accidentelles.
Ces résultats ont des implications importantes pour la théorie économique et psychologique du comportement du consommateur, ainsi que pour les stratégies de marketing. Ils suggèrent que les entreprises peuvent effectivement utiliser la rareté comme stratégie pour augmenter la valeur perçue de leurs produits, mais doivent tenir compte de l’attractivité initiale du produit pour le segment cible et communiquer soigneusement sur les causes de cette rareté.
En résumé, cette recherche enrichit notre compréhension de la façon dont les consommateurs réagissent à la rareté, en montrant que ce n’est pas simplement la disponibilité limitée qui influence le comportement de choix, mais plutôt une interaction complexe entre la rareté, l’attractivité du produit, et les mécanismes psychologiques sous-jacents tels que l’altruisme, la frustration et la réactance.

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