Mots-clés : Limited purchase opportunities – Regret – Omission bias – Inaction vs. action – Short-term regret – Long-term regret – Consumer behavior – Scarcity – Long-term utility – Coping mechanisms
Introduction
L’article d’Abendroth et Diehl, publié dans le Journal of Consumer Research (2006), explore l’impact des opportunités d’achat limitées sur les regrets des consommateurs à court et long terme. Contrairement à l’omission bias, qui suggère que les actions sont plus regrettées que les inactions à court terme, les auteurs proposent que, dans des situations d’achat limitées (par exemple, offres à durée limitée), les inactions (ne pas acheter) génèrent plus de regrets à court terme que les actions (acheter). Ils examinent également comment ces regrets évoluent avec le temps, en fonction de l’utilité à long terme des produits. L’étude s’appuie sur trois expériences : une étude de terrain et deux études en laboratoire, testant les hypothèses dans des contextes réels et contrôlés.
Développement
L’article commence par définir le cadre théorique, en s’appuyant sur la littérature sur le regret et l’omission bias. Le regret est défini comme une émotion négative liée à la comparaison entre un résultat choisi et une alternative non choisie, souvent accompagnée d’auto-blâme. Dans les opportunités d’achat limitées, où le produit n’est disponible que pour une courte période (par exemple, enchères en ligne ou produits saisonniers), ne pas acheter est perçu comme une perte, augmentant le regret par rapport à l’achat, malgré le coût financier de ce dernier. Les auteurs formulent trois hypothèses principales :
- H1 : À court terme, dans une opportunité d’achat limitée, le regret lié au non-achat est plus grand que celui lié à l’achat, inversant l’omission bias.
- H2 : Les regrets de non-achat diminuent avec le temps, particulièrement lorsque l’utilité à long terme du produit est faible.
- H3 : Les regrets d’achat augmentent avec le temps, mais seulement si l’utilité à long terme du produit est faible.
Les opportunités d’achat limitées sont distinguées des pressions temporelles (où le temps de décision est court) et des rabais temporaires (où seule l’économie est perdue). Elles créent une situation de « forfaiture », où ne pas acheter équivaut à perdre une opportunité d’acquisition, amplifiant le regret par un effet d’endowment mental.
Étude 1 : Étude de terrain
- Contexte : Des touristes sur une croisière en Afrique notent leurs achats et non-achats de souvenirs dans un journal, avec un suivi trois mois plus tard.
- Méthode : 19 participants évaluent 180 items (165 achats, 15 non-achats) sur le regret, la satisfaction et l’utilisation. L’utilité à long terme est mesurée par la fréquence d’utilisation.
- Résultats : À court terme, les non-achats sont plus regrettés (M=2,8) que les achats (M=1,8). À long terme, les regrets d’achat augmentent pour les items à faible ou moyenne utilité, tandis que les regrets de non-achat diminuent (mais les données sont limitées par le faible nombre de non-achats).
Étude 2 : Simulation contrôlée
- Contexte : 313 étudiants imaginent acheter ou non un t-shirt lors d’un concert, avec une opportunité d’achat limitée.
- Méthode : La décision d’achat (acheter/ne pas acheter) et l’utilité à long terme (haute/faible) sont manipulées. Le regret est mesuré à court et long terme.
- Résultats : À court terme, les non-achats suscitent plus de regrets que les achats. À long terme, les regrets de non-achat diminuent, surtout pour une faible utilité, tandis que les regrets d’achat augmentent légèrement pour une faible utilité, confirmant H1, H2 et partiellement H3.
Étude 3 : Comparaison limitée vs illimitée
- Contexte : 105 étudiants imaginent acheter ou non un CD de concert, avec une condition limitée (disponible seulement au concert) ou illimitée (disponible ailleurs). L’utilité est fixée à faible (mauvaise qualité sonore).
- Méthode : Les participants choisissent d’acheter ou non, et le regret est mesuré à court et long terme, avec des mesures de valeur perçue, de réactance et de types de regrets (« hot » vs « wistful »).
- Résultats : À court terme, les non-achats sont plus regrettés dans la condition limitée, mais pas dans la condition illimitée. À long terme, les regrets de non-achat diminuent et ceux d’achat augmentent, indépendamment de la limitation, en raison de la faible utilité. La réactance et la valeur perçue n’expliquent pas les résultats, renforçant l’effet spécifique des opportunités limitées.
Les études montrent que les regrets à court terme sont principalement « hot » (irritation, colère), tandis que les regrets à long terme incluent des émotions « wistful » (nostalgie, désir), surtout pour les achats de faible utilité. Les mécanismes de coping (minimiser les aspects négatifs ou valoriser les aspects positifs) réduisent les regrets à long terme, particulièrement pour les acheteurs.
Conclusion
L’article démontre que les opportunités d’achat limitées inversent l’omission bias à court terme, les non-achats étant plus regrettés que les achats en raison de la perception de perte. À long terme, les regrets de non-achat diminuent grâce au coping et à l’oubli, tandis que les regrets d’achat augmentent pour les produits à faible utilité, en raison de leur présence physique. Ces résultats offrent des implications pour les détaillants utilisant des tactiques de rareté basée sur le temps, suggérant que ces stratégies augmentent les achats impulsifs mais peuvent entraîner des regrets si la qualité est faible. Les auteurs appellent à des recherches futures sur les différences culturelles, les contextes numériques et les effets de la réactance dans des scénarios plus variés.
Références bibliographiques
- Abendroth, L. J., & Diehl, K. (2006). Now or Never: Effects of Limited Purchase Opportunities on Patterns of Regret over Time. Journal of Consumer Research, 33(3), 342-351. doi:10.1086/508438
- Gilovich, T., & Medvec, V. H. (1995). The Experience of Regret: What, When, and Why. Psychological Review, 102(2), 379-395.
- Kahneman, D., & Tversky, A. (1982). The Psychology of Preferences. Scientific American, 246(1), 160-173.
- Cialdini, R. B. (1993). Influence: Science and Practice. New York: Harper Collins.
- Carmon, Z., Wertenbroch, K., & Zeelenberg, M. (2003). Option Attachment: When Deliberating Makes Choosing Feel Like Losing. Journal of Consumer Research, 30(1), 15-29.