Le job crafting comme vecteur d’engagement des collaborateurs

Pekaar, K. A., & Demerouti, E. (2023). Crafting for sustainability: A daily diary study and self-training intervention on proactive employee engagement in sustainability. European Journal of Work and Organizational Psychology, 32(6), 839-857. https://doi.org/10.1080/1359432X.2023.2255318

 

Mots clés : Job crafting ; durabilité ; comportements responsables ; engagements des employés

 

L’étude menée par Pekaar et Demerouti (2023) explore comment les employés peuvent adopter des comportements plus durables dans leur travail en modifiant de manière proactive leurs tâches et leur environnement professionnel. Ce concept, appelé job crafting, permet aux employés d’adapter leur travail en fonction de leurs ressources et objectifs afin de mieux intégrer des pratiques durables. L’étude repose sur la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) et sur la théorie des demandes et ressources au travail (Demerouti et al., 2001), et vise à comprendre comment les individus peuvent surmonter les obstacles qui freinent leur engagement envers la durabilité.

La théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) explique que les actions des individus sont influencées par trois éléments principaux : l’attitude envers un comportement donné, les normes sociales perçues et le contrôle comportemental perçu. Selon cette théorie, plus une personne a une attitude positive envers un comportement, perçoit un soutien social pour l’adopter et se sent capable de le mettre en œuvre, plus elle sera susceptible de le réaliser effectivement. Cette approche est souvent utilisée pour comprendre les écarts entre intention et action, notamment dans le domaine de la durabilité au travail.

Le modèle des demandes et ressources au travail (Demerouti et al., 2001) est une autre approche essentielle pour analyser l’engagement des employés. Ce modèle suggère que chaque travail comprend des demandes (aspects du travail nécessitant un effort physique ou mental, comme la charge de travail ou les responsabilités) et des ressources (facteurs facilitant la réalisation des tâches, comme l’autonomie, le soutien des collègues ou les possibilités d’apprentissage). Un bon équilibre entre demandes et ressources est crucial pour le bien-être et la performance des employés. Lorsqu’ils disposent de ressources suffisantes, ils peuvent s’engager de manière proactive, par exemple en adaptant leur poste pour mieux intégrer des comportements durables (job crafting).

Les initiatives mises en place par les entreprises pour encourager la durabilité ne suffisent pas toujours à motiver les employés (Davis & Challenger, 2015). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation, comme le manque de reconnaissance, la surcharge de travail ou une faible autonomie perçue dans l’adoption de comportements durables (Unsworth & McNeill, 2017). L’article s’intéresse donc à la manière dont les individus peuvent prendre en main leur engagement environnemental en ajustant leur manière de travailler.

Deux études empiriques ont été menées pour analyser ces comportements. La première étude, basée sur un journal de bord quotidien, a suivi 68 employés pendant cinq jours afin d’observer leurs intentions et comportements liés à la durabilité. Les résultats montrent que les attitudes positives envers la durabilité et la perception d’un certain contrôle sur leurs actions encouragent l’adoption de comportements plus durables (Swaim et al., 2016). Toutefois, les auteurs constatent un écart entre intention et action : les employés expriment des intentions durables mais ne les appliquent pas toujours, notamment en raison de contraintes organisationnelles et de priorités conflictuelles (Ajzen, 2015).

La deuxième étude repose sur une intervention d’auto-formation au job crafting, où les participants étaient invités à fixer des objectifs quotidiens liés à la durabilité et à adapter leur travail pour mieux les atteindre. Les résultats indiquent que cette intervention a renforcé les intentions durables des participants, mais sans nécessairement aboutir à une augmentation significative des actions concrètes. Cependant, les employés ayant suivi l’intervention ont davantage réorganisé leurs tâches pour mieux intégrer la durabilité dans leur travail.

Trois stratégies principales de job crafting sont identifiées comme favorisant la durabilité : la recherche de ressources, la prise de nouveaux défis et l’optimisation des exigences professionnelles (Petrou et al., 2012 ; Demerouti & Peeters, 2018). Parmi celles-ci, seule l’optimisation des exigences professionnelles semble réduire l’écart entre intention et action, suggérant que les employés qui parviennent à rendre leur travail plus efficace sont plus enclins à intégrer des comportements durables (Merriman et al., 2016 ; Rupp et al., 2018).

En conclusion, Pekaar et Demerouti (2023) soulignent que l’implication des employés dans la durabilité passe par une transformation active de leur environnement professionnel. Si les entreprises souhaitent renforcer l’adoption de comportements durables, elles doivent encourager des stratégies de job crafting permettant aux salariés de concilier leurs missions professionnelles et leurs engagements écologiques.

Références

  • Ajzen, I. (1991). The theory of planned behavior. Organizational Behavior and Human Decision Processes, 50(2), 179-211. https://doi.org/10.1016/0749-5978(91)90020-T
  • Davis, M. C., & Challenger, R. (2015). Climate change engagement in the workplace: How organizations can motivate employees to act. Journal of Organizational Behavior, 36(3), 447-462. https://doi.org/10.1002/job.1993
  • Demerouti, E., Bakker, A. B., Nachreiner, F., & Schaufeli, W. B. (2001). The job demands-resources model of burnout. Journal of Applied Psychology, 86(3), 499-512. https://doi.org/10.1037/0021-9010.86.3.499
  • Demerouti, E., & Peeters, M. C. (2018). Transmission of reduction-oriented crafting among colleagues: A diary study. Work & Stress, 32(3), 250-271. https://doi.org/10.1080/02678373.2017.1367735
  • Merriman, K. K., Sen, S., Felo, A. J., & Litzky, B. E. (2016). Employees and sustainability: The role of incentives. Journal of Managerial Psychology, 31(4), 820-836. https://doi.org/10.1108/JMP-09-2014-0272
  • Pekaar, K. A., & Demerouti, E. (2023). Crafting for sustainability: A daily diary study and self-training intervention on proactive employee engagement in sustainability. European Journal of Work and Organizational Psychology, 32(6), 839-857. https://doi.org/10.1080/1359432X.2023.2255318
  • Petrou, P., Demerouti, E., Peeters, M. C., Schaufeli, W. B., & Hetland, J. (2012). Crafting a job on a daily basis: Contextual correlates and the link to work engagement. Journal of Organizational Behavior, 33(8), 1120-1141. https://doi.org/10.1002/job.1783
  • Rupp, D. E., Shao, R., Jones, K. S., & Liao, H. (2018). The psychology of corporate social responsibility and humanitarian work: A person-centric perspective. Industrial and Organizational Psychology, 11(1), 83-88. https://doi.org/10.1017/iop.2017.108
  • Swaim, J. A., Maloni, M. J., Napshin, S. A., & Henley, A. B. (2016). Influences on student intention and behavior toward environmental sustainability. Journal of Business Ethics, 138(1), 131-148. https://doi.org/10.1007/s10551-015-2613-0
  • Unsworth, K. L., & McNeill, I. M. (2017). Increasing pro-environmental behaviors by increasing self-concordance: Testing an intervention. Journal of Applied Psychology, 102(1), 88-100. https://doi.org/10.1037/apl0000165