Balderjahn, I., Peyer, M., Seegebarth, B., Wiedmann, K.-P., & Weber, A. (2018). The many faces of sustainability-conscious consumers: A category-independent typology. Journal of Business Research, 91, 83–93. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2018.05.022
La consommation durable est un enjeu majeur pour les entreprises et les chercheurs en marketing, car elle englobe des dimensions écologiques, sociales et économiques (Elkington, 1997). Selon Phipps et al. (2013), elle peut être définie comme “une consommation qui optimise simultanément les conséquences environnementales, sociales et économiques de l’acquisition, de l’utilisation et de la disposition, afin de répondre aux besoins des générations actuelles et futures” (p. 1227). Cependant, les consommateurs n’ont pas tous la même approche de la durabilité, ce qui complexifie la mise en place de stratégies efficaces. Balderjahn et al. (2018) cherchent à mieux comprendre ces différences en proposant une typologie détaillée des consommateurs sensibles à la durabilité.
Les auteurs expliquent que la plupart des études sur la consommation durable se concentrent uniquement sur l’environnement, en distinguant les consommateurs “verts” des autres. Or, une approche plus complète de la durabilité doit aussi prendre en compte les dimensions sociales (ex. : respect des droits des travailleurs) et économiques (ex. : consommation responsable et collaborative) (Balderjahn et al., 2013).
Pour mieux comprendre les différents types de consommateurs durables, l’étude utilise trois bases de données représentatives, comprenant des enquêtes en ligne et des données réelles d’achats de produits alimentaires et textiles en Allemagne.
L’étude repose sur le modèle de la “conscience de la consommation durable” (CSC) élaboré par Balderjahn et al. (2013). Ce modèle prend en compte cinq dimensions : la conscience écologique (préférence pour les produits respectueux de l’environnement), la conscience sociale (attention aux conditions de travail et aux droits des travailleurs), la simplicité volontaire (réduction de la consommation superflue), l’évitement de l’endettement (achat réfléchi pour éviter les dettes) et la consommation collaborative (partage, location plutôt qu’achat). Cette dernière notion est définie par Belk (2010) comme l’ensemble des pratiques consistant à partager, emprunter, louer ou mettre en location des biens de consommation au lieu d’en faire l’acquisition définitive.
Les résultats permettent d’identifier six groupes de consommateurs, chacun ayant un rapport différent à la durabilité. L’objectif est de montrer que la durabilité ne se limite pas à une opposition entre consommateurs engagés et non engagés, mais qu’elle prend des formes variées selon les valeurs et les habitudes d’achat de chacun (Balderjahn et al., 2018) :
- Les consommateurs financièrement insouciants : ils ne prêtent pas attention aux enjeux de durabilité et achètent souvent sans réfléchir aux conséquences environnementales ou sociales.
- Les non-simplificateurs : ils ne cherchent pas à réduire leur consommation et n’adoptent pas de pratiques de sobriété volontaire.
- Les simplificateurs financièrement prudents : ils privilégient un mode de vie sobre et évitent l’endettement, mais ne sont pas forcément sensibles aux aspects écologiques ou sociaux des produits.
- Les simplificateurs socialement conscients : ils attachent une grande importance aux conditions de production et aux droits des travailleurs, mais sont moins préoccupés par l’impact écologique de leurs achats.
- Les consommateurs durables non-collaboratifs : ils font attention à l’environnement et aux aspects sociaux, mais préfèrent posséder leurs produits plutôt que de les partager ou de les louer.
- Les consommateurs durables : ils sont engagés sur tous les aspects de la durabilité, en favorisant les produits écologiques, éthiques et les pratiques de consommation collaborative.
L’étude met en avant un paradoxe : certaines personnes achètent des produits durables alors qu’elles ne se sentent pas particulièrement concernées par l’écologie. Ce phénomène, appelé écart inversé entre attitudes et comportements (Carrington et al., 2010), montre que des éléments comme le prix, la disponibilité ou la qualité perçue des produits peuvent jouer un rôle important dans ces choix. Par ailleurs, le fait qu’aucun groupe de consommateurs ne soit entièrement tourné vers l’écologie suggère que la durabilité ne se limite pas seulement à la protection de l’environnement, mais englobe aussi des aspects sociaux et économiques (Huang & Rust, 2011).
Les différences entre les profils de consommateurs peuvent s’expliquer par les valeurs qui influencent leurs choix. D’après Schwartz (1992), il existe deux grandes oppositions dans les valeurs humaines. D’un côté, certaines personnes privilégient le bien-être collectif, avec des valeurs comme l’entraide et le respect de l’environnement (auto-transcendance). À l’inverse, d’autres cherchent surtout à réussir et à gagner en pouvoir, en mettant en avant leurs intérêts personnels (auto-promotion). Une autre distinction oppose les individus qui aiment le changement et l’indépendance (ouverture au changement) à ceux qui préfèrent la stabilité et la sécurité en restant attachés aux traditions (conservatisme). Ces différences expliquent pourquoi certains adoptent des comportements durables, tandis que d’autres préfèrent conserver leurs habitudes de consommation.
Ainsi, les implications pour les entreprises et les responsables marketing sont importantes. Plutôt que de considérer les consommateurs durables comme un groupe homogène, il est essentiel d’adapter les stratégies commerciales en fonction des différents profils identifiés. Par exemple, un consommateur qui privilégie la sobriété financière sera plus sensible à des arguments économiques qu’à des arguments écologiques. De même, un consommateur soucieux des droits des travailleurs sera plus réceptif aux labels de commerce équitable qu’aux certifications environnementales (Balderjahn et al., 2018).
Références :
- Balderjahn, I., Peyer, M., Seegebarth, B., Wiedmann, K.-P., & Weber, A. (2018). The many faces of sustainability-conscious consumers: A category-independent typology. Journal of Business Research, 91, 83–93. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2018.05.022
- Balderjahn, I., Peyer, M., Seegebarth, B., Wiedmann, K.-P., & Weber, A. (2018). The many faces of sustainability-conscious consumers: A category-independent typology. Journal of Business Research, 91, 83–93. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2018.05.022
- Belk, R. (2010). Sharing. Journal of Consumer Research, 36(5), 715–734.
- Carrington, M. J., Neville, B. A., & Whitwell, G. J. (2010). Why ethical consumers don’t walk their talk: Towards a framework for understanding the gap between the ethical purchase intentions and actual buying behavior of ethically-minded consumers. Journal of Business Ethics, 97(1), 139–158.
- Huang, M.-H., & Rust, R. T. (2011). Sustainability and consumption. Journal of the Academy of Marketing Science, 39(1), 40–54.
- Phipps, M., Ozanne, L. K., Luchs, M. G., Subrahmanyan, S., Kapitan, S., Catlin, J. R., … & Weaver, T. (2013). Understanding the inherent complexity of sustainable consumption: A social cognitive framework. Journal of Business Research, 66(8), 1227-1234.
- Schwartz, S. H. (1992). Universals in the content and structure of values: Theoretical advances and empirical tests in 20 countries. Advances in Experimental Social Psychology, 25, 1-65