Comment étudier l’implication organisationnelle des salariés autistes Asperger ?

Bietry, F. & Richet, A. (2022). Comment étudier l’implication organisationnelle des salariés autistes Asperger ? @GRH, 45, 63-88. https://doi.org/10.3917/grh.045.0063

 

Mots clés : implication, autisme, mesure, neuro-diversité, organisation, désignation

 

L’une des condition à la mesure de l’efficacité des politiques d’inclusion est la possibilité d’évaluer la qualité de la relation que les salariés autistes Asperger (ASPI) entretiennent avec l’organisation qui les emploie. Ces dernières constituent un enjeu sociétal puisque cette population non négligeable et en croissance de la population active est actuellement sous employée ou sans emploi majoritairement.

En partant de la représentation qu’ils en ont, l’objectif de cet article est de proposer une solution originale pour parvenir à la mesurer. Pour cela, nous ferons un focus sur le syndrome d’Asperger et ses spécificités. Enfin, une étude quantitatives aura lieu auprès des personnes souffrant de cette maladie.

 

 

Hans Asperger (1944) a esquissé une première liste des symptômes de ce trouble éponyme. Il se définit par une difficulté dans les interactions sociales, d’une présence d’intérêts moindre associée à des comportements stéréotypés, et d’une hypersensibilité. Les troubles de la communication s’observent par l’expression, parfois difficiles, des émotions, par des difficultés à comprendre celles des autres, à comprendre l’implicite, les métaphores et le sens figuré.

Ces caractéristiques constituent une véritable barrière à l’emploi. Elles pourraient en effet être à l’origine d’un cercle vicieux selon laquelle la difficulté des ASPI à comprendre et à se conformer aux attentes informelles de l’employeur induirait un déclin des soutiens apportés par ce dernier, et finalement, une faible implication des ASPI.

Par ailleurs, des bénéfices sont susceptibles d’être tirés de la particularité de ces salariés. En effet, poursuivre une idée précise pendant un long moment constitue une compétence recherchée. Plus généralement, la franchise, le perfectionnisme, la mémoire, le respect des délais, des procédures, la fiabilité, en font des salariés sur lesquels il est possible de compter (Hillier et al., 2007). Une condition subsiste : les aider à comprendre les normes sociales et les attentes du poste.

 

Les résultats de l’enquête sont les suivants :

  • Les relations des salariés ASPI à leurs organisation è les salariés atteints d’ASPI évoquent spontanément une implication affective au sens originel d’identification aux valeurs : « Le critère principal de cette entreprise, c’est que je n’ai jamais été en désaccord avec mes valeurs fondamentales» (ASPI 1). Ces valeurs sont envisagées à un niveau élevé : « une notion d’éthique, en fait, ça va même avec des notions d’éducation » (3). Ce lien est même envisagé en termes d’affection, c’est-à-dire d’affinité.

L’impératif moral est quant à lui cité de très nombreuses fois : « même si j’y passe en tout trois ou quatre nuits blanches, il fallait que je le fasse » (13). Il s’agit bien d’un devoir personnel plutôt que d’une dette à l’égard de l’organisation

 

Pour conclure cet article nous a permis de mieux cerner la pertinence des politiques d’inclusion des ASPI qui tentent de préserver la performance de l’organisation (Wepp et al., 2013). Dans cette logique, elles se départissent du modèle médical de la personne « cassée à réparer » (Delobel-Ayoub et al., 2020). Elle permet de promouvoir, au contraire, l’acceptation de la particularité et l’identification des conditions permettant d’en tirer du positif. Il s’agit d’un véritable défi posé aux organisations. La probabilité de compter dans leurs effectifs un ASPI, qui se connaît ou qui s’ignore, est en effet accrue. Les chiffres de l’emploi montrent que bien des progrès restent encore à faire en la matière (Cluzel et al., 2021), mais l’adaptation de la procédure d’évaluation de l’implication organisationnelle constitue en ce sens une première étape pour y parvenir.

 

 

 

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