Télétravail et « travail à distance équipé » (2014)

 

Fernandez, V., Guillot, C., & Marrauld, L. (2014/1). Télétravail et « travail à distance équipé ». Revue française de gestion (N° 238), 101 – 118

Mots clés de l’article : diversité, télétravail, distance, technologies de l’information et de communication

Valérie, Caroline et Laurie étudient les différentes formes de télétravail, y compris le travail à domicile, ainsi que les situations de travail en dehors de l’environnement traditionnel de bureau, loin des supérieurs et des collègues. Ils utilisent des entretiens semi-directifs pour mieux comprendre ces situations de travail. L’article met en évidence les liens entre la vie personnelle et professionnelle, le travail connecté et déconnecté et les méthodes de gestion à distance.

En premier lieu, nous allons définir le terme TIC et nous analyserons également les différents types de télétravailleurs que définissent les auteurs.

Nous soulignerons ensuite en quelques lignes l’articulation entre vies privée et professionnelle.

Par la suite, nous verrons quels sont les modes de management.

Puis, nous terminerons par voir les différents apprentissages et maîtrises des TIC.

Les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) regroupent l’ensemble des technologies utilisées pour traiter, stocker, transmettre et manipuler l’information. Il s’agit notamment des ordinateurs, des réseaux de communication (Internet, téléphonie mobile, etc.), des logiciels, des applications et des outils de communication (messagerie, chat, vidéoconférence, etc.). Les TIC sont utilisées dans de nombreux domaines tels que l’éducation, l’entreprise, la santé, la médecine, etc.

Il existe plusieurs types de télétravailleurs, chacun ayant des caractéristiques et des expériences uniques :

  • Le téléopérateur est celui qui travaille exclusivement à domicile, avec des horaires fixes et décalés, et utilise les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour maintenir une frontière entre sa vie privée et professionnelle.
  • Le salarié “nomade” est celui qui alterne entre différents lieux de travail, y compris son domicile, et peut parfois effectuer du télétravail de débordement. Les TIC lui assurent une joignabilité permanente, mais cela ne correspond pas toujours à sa disponibilité.
  • Le travailleur en espace de coworking ou dans un télécentre a une grande autonomie dans l’organisation de son travail et utilise cette structure pour cadrer son activité et densifier son réseau socioprofessionnel en personne.

Ces formes peuvent être combinées et sont souvent complémentaires. Le télétravail peut également inclure le travail “en débordement”, qui consiste à effectuer des tâches annexes ou nécessaires à la maison ou dans un autre lieu. La régularité et la fréquence de ces activités déterminent si elles sont considérées comme du télétravail informel.

Notre échantillon est considéré comme “significatif” car il couvre une grande variété de figures de “télétravailleurs” décrites dans les études précédentes. Nous avons réalisé des entretiens en personne dans les lieux de travail des personnes interrogées, que ce soit leur domicile, un télécentre ou un espace de coworking. Cela a permis à l’enquêteur de comprendre l’environnement de travail de la personne interrogée et d’observer des démonstrations d’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Les entretiens ont duré en moyenne 1h30 et ont été consignés dans des comptes rendus détaillés.

De plus, l’article reprend la façon dont les managers peuvent superviser les employés qui travaillent à distance et comment les employés peuvent rendre compte de leur activité dans ce contexte. Il décrit également les difficultés que les travailleurs à distance peuvent rencontrer pour maintenir une séparation claire entre leur vie personnelle et professionnelle. Le texte mentionne également une étude qui a été réalisée pour étudier les différents types de travailleurs à distance, y compris ceux qui travaillent à partir de leur domicile, d’un télécentre ou d’un espace de coworking. Il est également souligné que les difficultés liées au télétravail sont souvent évoquées par les personnes interrogées dans l’étude et que les individus développent des tactiques pour les surmonter.

Le texte aborde également les défis et les différentes approches de la gestion à distance, tant en termes de motivation que de contrôle des employés. Les auteurs soulignent que la gestion à distance peut être perçue différemment par les gestionnaires et les employés, et est souvent considérée comme moins efficace que la gestion en face à face pour établir un environnement de travail positif et promouvoir le travail d’équipe. Les résultats de l’étude montrent que les différents gestionnaires utilisent des méthodes différentes de gestion à distance, certains s’appuyant lourdement sur la technologie pour le contrôle et la motivation, tandis que d’autres utilisent des méthodes plus traditionnelles, parfois coercitives. Certains employés ont plus d’autonomie et de confiance, et sont évalués sur la base d’objectifs et de résultats préalablement convenus, tandis que d’autres sont étroitement surveillés et ont des points de contrôle fréquents avec leurs gestionnaires. Le texte mentionne également que la construction de la confiance peut prendre du temps et n’est pas toujours le choix pour gérer les nouveaux employés à distance.

L’analyse des entretiens montre que maîtriser l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans le contexte du travail à distance est une difficulté, quelle que soit l’aptitude individuelle pour le domaine de l’informatique. Cela constitue une compétence spécifique qui doit être développée. Cet apprentissage peut prendre diverses formes et peut aboutir à des dynamiques d’appropriation originales. L’apprentissage “à distance” est différent selon le contexte dans lequel il a lieu. Un tel contexte est le travail à domicile, qui peut créer des situations d’isolement en termes d’outils technologiques. À la maison, il est plus difficile pour les employés de demander de l’aide à un technicien de l’entreprise ou de demander à des collègues de leur expliquer et de leur montrer comment les choses fonctionnent. Certaines personnes ont dû apprendre à se former “sur le tas”. Pour certains, cela signifie prendre le temps d’utiliser et d’approprier les outils informatiques fournis, ainsi que de les “hacker” (Vaujany, 2009). Ces pratiques de piratage peuvent parfois amener les employés à des stratégies de “mauvaise utilisation” (Certeau, 1980). Certains employés ont mis en place des logiciels avec leur équipe sans l’approbation du département informatique, en les utilisant pour la gestion de projets dans le contexte d’équipes géographiquement dispersées. Ces stratégies de mauvaise utilisation peuvent également être mises en place pour compenser certaines limites des TIC, en attendant de meilleures solutions. Certains employés mentionnent également l’utilisation de logiciels non approuvés tels que Skype et d’alternatives open-source moins conviviaux mais autorisés. Pour les employés, l’accès aux ressources d’information à partir d’un environnement matériel et réseau informatique en dehors de l’entreprise est entravé par les règles de confidentialité et de sécurité, car de nombreuses entreprises craignent les fuites de données.

Conclusion :

 Les tâches effectuées à distance sont généralement différentes de celles effectuées au bureau, en raison des limitations des technologies de l’information et de leur utilisation.

Les employés se concentrent souvent sur des activités de réflexion en utilisant des fichiers de suites bureautiques standard qu’ils récupèrent en accédant à leur messagerie électronique.

Les TIC peuvent également être utilisées pour surveiller les employés, en suivant leur localisation, leur situation et leurs horaires de connexion.

 Cependant, il semble que les employeurs utilisent ces outils de contrôle de manière à construire une relation de confiance avec leurs employés.

 

 

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