La transformation digitale: quel rôle pour la fonction RH?

Fiche de lecture  :

Référence au format APA 

Chouaib, A. (2020). La transformation digitale: quel rôle pour la fonction RH?. Recherche et Cas en Sciences de Gestion18(2), 47-69.

Mots clés de l’article :

Transformation digitale, Innovation, Agilité, Collaboration, Expérience utilisateur

Synthèse :

Préambule :

La digitalisation des entreprises est devenue un enjeu vital de compétitivité pour répondre aux nouveaux défis d’innovation, d’agilité, de collaboration et d’expérience utilisateur. Les technologies numériques permettent aux entreprises de s’adapter rapidement aux changements de l’environnement, mais il n’est pas rare d’observer que certaines entreprises adoptent des outils digitaux sans réellement comprendre les enjeux réels du digital. Les projets de transformation digitale échouent souvent pour des raisons liées au facteur humain. La fonction RH joue un rôle stratégique pour créer les nouvelles conditions de réussite de l’organisation, en soulevant les nouveaux enjeux, en anticipant les nouveaux besoins et en accompagnant les transformations induites par l’impact du digital. L’article décrit les enjeux de la transformation digitale pour la fonction RH d’une entreprise publique, SOTU.com, qui a entamé une démarche de transformation digitale.

La notion de transformation digitale (TD) est apparue dans les discours des entreprises en 2012, elle décrit l’entrée des entreprises dans une nouvelle révolution industrielle. Selon Vial (2019), elle est décrite comme un processus visant à améliorer une entreprise en déclenchant des modifications significatives de ses propriétés par des combinaisons d’informations, technologies informatiques, de communication et de connectivité. Selon Dudézert, elle est une démarche volontaire qui consiste à explorer et exploiter les nouveaux possibles engendrés par ces technologies de l’information, en particulier au niveau organisationnel. Elle implique une transformation des pratiques de travail internes vers une organisation plus collaborative, moins centralisée et laissant une large autonomie d’action à l’acteur.

Différentes approches théoriques se sont intéressées à l’étude de l’appropriation des changements technologiques. Les premières approches en management des systèmes d’informations, telles que les théories d’assimilation de la technologie, le modèle de la capacité d’absorption et les travaux sur la maturité digitale, ont étudié l’adoption de la technologie au niveau organisationnel et l’acceptation de son usage par les salariés. Les théories d’assimilation de la technologie, telles que la théorie de la diffusion de Rogers (1962) et le modèle de l’acceptation de la technologie (TAM) (Technological Acceptance Model) (Davis, 1989), supposent que la rapidité de l’adoption et de l’usage d’une nouvelle technologie dépend de ses caractéristiques intrinsèques et de la perception individuelle de son utilisation. Ces approches d’assimilation de la technologie s’inscrivent dans un courant de “déterminisme technologique”.

Les bouleversements induits par les projets techniques ou organisationnels ont longtemps négligé la dimension humaine, entraînant une remise en cause des méthodes traditionnelles de travail et des comportements de résistance. Les entreprises ont commencé à prendre conscience du risque humain et à développer la pratique de conduite de changement dans les années 1990. Plusieurs auteurs se sont penchés sur l’étude des processus de conduite de changement et d’accompagnement du changement technologique pour la réussite d’une transformation digitale. Une des premières approches théoriques est l’approche socio-technique, qui insiste sur la nécessité de gérer simultanément les changements techniques et les aspects humains et sociaux. Le modèle des champs et des forces de Lewin datant de plus de 50 ans est considéré comme un outil conceptuel pour aborder le changement en identifiant les forces motrices qui poussent les organisations au changement et les forces antagonistes de résistance et de réticences au changement.

Le texte décrit comment les entreprises publiques sont confrontées à une concurrence accrue et à des consommateurs demandeurs d’innovation, ce qui les oblige à être plus flexibles pour répondre aux exigences de leur macro et micro environnement. Les transformations organisationnelles sont nécessaires pour rompre avec les anciennes formes de gestion bureaucratique, qui sont considérées comme obsolètes pour répondre aux exigences de la société post-industrielle et de l’ère digitale. Le modèle bureaucratique de Weber est critique pour son manque de flexibilité et de réactivité, sa rigidité hiérarchique et son inefficacité en termes d’atteinte des objectifs.

La transformation digitale des entreprises n’est pas seulement une question de technologie, mais aussi de changements dans les modes de travail, l’organisation et les processus de gestion. Les RH sont également touchées par cette transformation digitale, qui implique une forte conduite de changement et des changements dans la culture et la communication. La réussite de ces projets dépend de la stratégie de conduite et d’accompagnement de ce changement pour assurer une bonne adoption par les utilisateurs futurs. Les RH doivent relever plusieurs défis majeurs tels que la disruption, la marchandisation de la relation sociale, la collaboration et la robotisation pour répondre aux besoins de l’entreprise en matière de transformation digitale.

Le texte décrit les défis et les précautions à prendre pour assurer la réussite de la transformation digitale de l’entreprise publique SOTU.com, une entreprise du secteur des technologies de l’information et de la communication. SOTU.com a entamé son parcours de digitalisation depuis plusieurs années en développant une infrastructure technologique solide et en mettant en place de nouvelles applications et services numériques pour ses clients, partenaires et collaborateurs. Pour assurer cette digitalisation, SOTU.com a tissé des partenariats agiles et évolutifs et a automatisé ses processus, y compris les processus de RH. Cependant, il semble que les efforts pour accompagner le processus de digitalisation soient dominés par le “déterminisme technologique”, priorisant la consolidation de l’infrastructure technologique et des plateformes collaboratives au détriment d’un accompagnement des changements organisationnels qui découlent de la transformation digitale. Il est mentionné que pour réussir une transformation digitale, il est nécessaire d’intégrer simultanément les changements technologiques et organisationnels.

Conclusion :

La transformation digitale d’une entreprise nécessite une réflexion stratégique et une transformation des modes de management, de collaboration et d’apprentissage traditionnels. La fonction RH ne doit pas céder à un déterminisme technologique et doit devenir une source de pratiques innovantes pour accompagner les transformations requises dans l’entreprise en impliquant les collaborateurs dans un rôle d’adaptabilité et d’acculturation à un nouvel univers digital. Le cas SOTU.com montre comment une entreprise publique qui cède à un déterminisme technologique dans son effort de digitalisation peut affronter des problèmes majeurs qui entravent une véritable transformation profonde et durable de son fonctionnement et de son business.

Références bibliographiques

  • Akrich M., Callon M., Latour B. (2006), Sociologie de la traduction : Textes fondateurs, Paris, Les Presses des mines.
  • Autissier D., Johnson K., Moutot, J. M. (2014), La conduite du changement pour et avec les technologies digitales. Question(s) de Management, 3, 7, 79-89. https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2014-3-page-79.htm
  • Autissier D., Moutot J. M. (2015), Le changement agile, Dunod, Paris.
  • Autissier D., Moutot J.M. (2013), Méthode de conduite du changement, 3e ed, Dunod, Paris.
  • Barabel M., Lamri J., Meier O., Sirbey B. (2017), Innovation RH. Passer au mode
  • digital & agile, Dunod, Paris.
  • Bartoli, A. et C. Blatrix, (2015), Management dans les organisations publiques,
  • Dunod, Paris.
  • Baudoin E., Diard C., Benabid M., Cherif K.(2019), Transformation digitale de la
  • fonction, RH, Dunod, Paris.
  • Bédard M., Dell’Aniello P., Desbiens D. (2005), La méthode des cas, Edition Gaëtan
  • Bouwman H., Nikou S., Molina-Castillo F. J., Reuver M. (2018). The impact of digitalization on business models. Digital Policy, Regulation and Governance, 20, 2, 105-124. https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/DPRG-07-2017-0039/
  • full/html
  • Boynton A.C., Zmud R.W., Jacobs, G.C. (1994), The influence of IT management
  • practice on IT use in large organizations. MIS Quarterly, 18, 3, 299-318. https://www.
  • org/stable/249620?seq=1
  • Cohen, W. M., & Levinthal, D. A. (1990), “Absorptive Capacity: A New Perspective
  • On Learning And Innovation”, Administrative Science Quarterly, 35, 1, 128-152.
  • https://doi.org/10.2307/2393553
  • Carlo, J. L., Lyytinen, K., and Boland Jr, R. J. (2012), “Dialectics of collective minding:
  • Contradictory appropriations of information technology in a high-risk project,” MIS
  • Quarterly, 36, 4, 1081-1108. https://doi.org/10.1080/19416520.2016.1162421
  • Christensen, T. and P. Lægreid .(1999), New Public Management-design, Resistance,
  • or Transformation? A Study of how Modern Reforms are Received in a Civil Service
  • System, Public Productivity and Management Review, 23, 169-193. https://doi.
  • org/10.2307/3380777
  • Cianni M., Steckler S. (2017), Transforming organizations to a digital world, People
  • & Strategy, 40, 2, 14-20.
  • Cohen W. M., Levinthal D. A. (1990), “Absorptive Capacity: A New Perspective On
  • Learning And Innovation”, Administrative Science Quarterly, 35, 1, 128-152. https://
  • org/10.2307/2393553
  • Colin N., Verdier H. (2015), L’âge de la multitude : Entreprendre et gouverner après
  • la révolution numérique, Armand Colin.
  • Coron C, Franquinet A,, Noël A. (2019), Digital et RH : Les 4 défis stratégiques :
  • disruption, marchandisation, collaboration, robotisation, Vuibert. 256 p.
  • Davis, F. D. (1989). Perceived usefulness, perceived ease of use, and user acceptance
  • of information technology. MIS Quarterly, 13, 3, 319-340. https://doi.
  • org/10.2307/249008
  • Ducrey V., Vivier E. (2016), Le guide de la transformation digitale : La méthode en 6
  • chantiers pour réussir votre transformation ! Collection Hub management.
  • Dudézert A. (2018), La Transformation digitale des entreprises, Paris, Éd. La Découverte,
  • 128 pages. https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.20184
  • Fayon D., M., Tartar (2019), Transformation digitale 2.0, Pearson.
  • Fayon D., Tartar M. (2014). Transformation digitale : cinq leviers pour l’entreprise.
  • Editions Pearson.
  • Fehér P., Varga K. 2017. Using design thinking to identify banking digitization opportunities
  • – Snapshot of the Hungarian banking system, Bled eConference, Bled, Slovenia,
  • 151-168.
  • Fitzgerald M. (2016), General Motors relies on IoT to anticipate customers’ needs,
  • MIT Sloan Management Review, 57(4), 1-9.
  • Gangloff F. (2010), Le nouveau management public et la bureaucratie professionnelle,
  • https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00460638
  • Günther W. A., Mehrizi, M. H. R., Huysman, M., and Feldberg, F. (2017), Debating
  • big data: A literature review on realizing value from big data, The Journal of Strategic
  • Information Systems, 26 ; 3, 191-209. https://doi.org/10.1016/j.jsis.2017.07.003
  • Hafsi T. FABI B. (1997), Les fondements du changement stratégique, Montréal, Les
  • éditions Transcontinental.
  • Hinings C.R. Greewood R. (1988), The dynamics of strategic change, Basil Blackwell,
  • Holland P., Bardoel A. (2016), The impact of technology on work in the twentyfist
  • century: exploring the smart and dark side, The International Journal of Human
  • Resource Management, 27(21), 2579-2581.
  • Hong J., Lee, J. (2017), The role of consumption-based analytics in digital publishing
  • markets: Implications for the creative digital economy, International Conference of
  • Information Systems, Seoul, South Korea.
  • Huang J., Henfridsson O., Liu, M. J., Newell, S. (2017), Growing on steroids: Rapidly
  • scaling the user base of digital ventures through digital innovation,” MIS Quarterly,
  • 41(1), 301-314. https://doi.org/10.25300/MISQ/2017/41.1.16
  • Karimi J., and Walter, Z. (2015), The role of dynamic capabilities in responding to digital
  • disruption: A factor-based study of the newspaper industry,” Journal of Management
  • Information Systems, 32, 1, 39-81. https://doi.org/10.1080/07421222.2015.1029380
  • Karoui M., Dudézert A. (2016), Transformation digitale : De l’assimilation des technologies
  • de collaboration à la mise en usage, Colloque de l’Association Information et
  • Kotter J. P. (1996), Leading Change. Harvard Business School Press, Boston.
  • Lawrence P. R., Lorsch, J. W. (1967). Organization and Environment: Managing
  • Differentiation and Integration. Boston: Harvard Business School Press.
  • Lewin K. (1951), Field Theory in Social Science. New York: Harper.
  • Mcshane S. L., Olekalns M., Travaliogne A. (2013), Organisational behaviour : emerging
  • knowledge, global insights, McGraw Hill, Australia, 562 p.
  • Métais-Wiersch E., Autissier D. (2016), La transformation digitale des entreprises : Les
  • bonnes pratiques. Axa, Pernod Ricard, Sanofi France, Schneider Electric, Les échos.
  • (1re éd.). Eyrolles.
  • Mignot O. (2019), La transformation digitale des entreprises : Principes, exemples,
  • mise en oeuvre, impact social, Maxima.
  • Moon M.J. deLeon P. (2001), Municipal Reinvention: Managerial Values and
  • Diffusion among Municipalities , Journal of Public Administration Research and Theory,
  • 11 , 327- 51. https://doi.org/10.1093/oxfordjournals.jpart.a003505
  • Noblet , A., Teo S.T.T., Mc Williams J. Rodwell J.J. (2005), Which Work Characteristics
  • Predict Employee Outcomes for the Public-sector Employee? An Examination of
  • Generic and Occupation-specific Characteristics’, International Journal of Human
  • Resource Management, 16, 1415-1430. https://doi.org/10.1080/09585190500220531
  • Pettigrew A., (1987), Introduction. Researching Strategic Change, in Pettigrew, A.M.
  • (ed.), The Management of Strategic Change, Oxford, Basil Blackwell.
  • Quinn J.B. (1980), Strategies for Change: Logical Incrementalism. Irwin, Homewood.
  • Rhchim M., Bentaleb C. (2019), Le rôle du professionnel RH dans la conduite de
  • la transformation digitale : essai de contextualisation empirique, Question(s) de
  • management, 3, 25, 69-82. https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-
  • 2019-3-page-69.htm?ref=doi
  • Samama C. (2017), L’expérience collaborateur. Faites de vos employés les premiers
  • fans de l’entreprise !, Diateino.
  • Sambamurthy, V., Bharadwaj, A., and Grover, V. 2003. “Shaping agility through digital
  • options: Reconceptualizing the role of information technology in contemporary
  • firms, MIS Quarterly, 27, 2, 237-263. https://doi.org/10.2307/30036530
  • Schmid, A. M., Recker, J., and vom Brocke, J. (2017), The socio-technical dimension of
  • inertia in digital transformations, Hawaii International Conference on SystemSciences,
  • Waikoloa Beach, HI, 4796-4805.
  • Selander L., Jarvenpaa S. (2016), Digital Action Repertories and Transforming a
  • Social Movement Organization, MIS Quarterly, 40(2), 331-352. DOI: 10.25300/
  • MISQ/2016/40.2.03
  • Silva F. (2014), Réinventer la fonction RH pour faire entrer l’entreprise dans le numérique,
  • in BARABEL Michel, MEIER Olivier & PERRET André, 2014, À quoi ressemblera
  • la fonction RH demain ?. Dunod, Paris, 145-154.
  • Stone D., L., Deadrick D., L., Lukaszewski K., M. Johnson R. (2015), The influence
  • of technology on the future of human resource management, Human Resource
  • Management Review, 25, 2, 216-231. https://doi.org/10.1016/j.hrmr.2015.01.002
  • Storhaye P. (2016), Transformation RH & digital. De la promesse à la feuille de route,
  • éditions EMS, coll. « Pratiques d’entreprises ». 256 p.
  • Strohmeier S., Parry E. (2014), HRM in the digital age – digital changes and challenges
  • of the HR profession, Employee Relations, 36(4), pp. 1-6. https://doi.org/10.1108/ER-
  • 03-2014-0032
  • Thompson, J. D. (1967). Organizations in action: Social science bases of administrative
  • McGraw-Hill.
  • Töytäri, P., Turunen, T., Klein, M., Eloranta, V., Biehl, S., Rajala, R., and Hakanen,
  • (2017), Overcoming institutional and capability barriers to smart services, Hawaii
  • International Conference on System Sciences, Waikoloa Beach, HI, 1642-1651.
  • Ulrich D. (1996), Human resource champions: The next agenda for adding value and
  • delivering results, Harvard Business School Press, Boston,
  • Vial G. (2019) Vial, Understanding digital transformation: A review and a research
  • agenda, The Journal of Strategic Information Systems, 28(2), 118-144. https://doi.
  • org/10.1016/j.jsis.2019.01.003
  • Weber M., 1971, Économie et Société, tr. fr. par J. Freund, P. Kamnitzer, P. Bertrand, E.
  • de Dampierre, J. Maillard et J. Chavy, sous la direction de J. Chavy et d’E. de Dampierre,
  • 2 volumes, Paris Plon, édition de poche, “Pocket”, 1995.