Les médias sociaux dans les stratégies de recrutement

Fiche de lecture  :

Référence au format APA :

Benraïss-Noailles, L., & Viot, C. (2012). Les médias sociaux dans les stratégies de recrutement. Revue française de gestion, (5), 125-138

Mots clés de l’article :

Respect de la vie privée, Révolution numérique, Recrutement

Synthèse 

L’étude porte sur la distinction entre la vie privée et la vie publique, avec un accent particulier sur les questions de respect de la vie privée (RVP) dans le contexte de la révolution numérique. Il est souligné que l’idée de distinguer la vie privée de la vie publique est ancienne, remontant à jusuq’à l’époque d’Aristote. Cependant, la notion de droit au respect de la vie privée n’a été établie qu’à la fin du 18ème siècle. En France, ce droit est inscrit dans le Code civil par la loi de 1970, mais il n’en définit pas les limites. Il est mentionné également que les questions de RVP ont connu un regain d’intérêt avec l’émergence des médias sociaux et la collecte croissante d’informations par les entreprises. L’étude souligne l’intervention récente du législateur et de la Commission européenne pour réglementer ces pratiques. L’auteur nous invite à nous interroger sur l’utilisation des réseaux sociaux dans le processus de recrutement, sur les implications des candidats dans le processus et de l’impact de ces changements sur les professionnels du recrutement.

Enquête :

Une première enquête qualitative a été menée auprès de directeurs et responsables des ressources humaines (D.RRH) et de consultants en recrutement. Les entretiens ont été réalisés auprès d’un échantillon de 12 personnes (6 D.RRH et 6 consultants) de la génération X ou des baby-boomers, travaillant principalement dans des PME de différents secteurs d’activités. Les questions ont porté sur la notoriété et l’appartenance aux réseaux sociaux, les pratiques de l’entreprise et les atouts des réseaux sociaux dans le recrutement, ainsi que les dérives possibles en matière de vie privée. En parallèle, une seconde enquête, par questionnaire a été envoyée auprès de diplômés et d’étudiants pour étudier leur utilisation des réseaux sociaux dans le cadre d’une recherche d’emplois et/ou de stages. Cette seconde enquête les invite également à se questionner sur leurs sentiments vie à vis de la considération de leurs vie privée dans le processus de recrutement.

Résultat 1 :

Les résultats des enquêtes montre que les réseaux sociaux les plus connus et utilisés par la génération Y sont Facebook, Viadeo et LinkedIn. Les professionnels du recrutement (génération X et baby-boomers) ont une notoriété similaire pour ces réseaux sociaux. La différence d’appartenance aux réseaux sociaux est la plus marquée pour Facebook. En effet, seul un professionnel sur deux en est membre. Les résultats obtenus sont similaires à ceux de l’Observatoire des réseaux sociaux.

Résultat 2 :

Les enquêtes ont également mesuré la connaissance du web 2.0 chez les différentes générations en utilisant une échelle de connaissance. Les résultats montrent que les jeunes de la génération Y ont un niveau de connaissance supérieur aux D.RRH, mais inférieur aux consultants. Les tests statistiques montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre les générations, sauf pour les consultants. Ils ont un niveau de connaissance statistiquement différent des autres catégories de répondants. Ces résultats contredisent l’hypothèse initiale selon laquelle les jeunes de la génération Y ont une meilleure connaissance du web 2.0.

Résultat 3 :

Les candidats de la génération Y utilisent principalement Viadeo pour la recherche d’emploi, en l’utilisant principalement pour prendre contact avec des personnes en poste dans des entreprises ciblées et répondre à des offres d’emploi. Seulement un tiers des candidats de la génération Y pense que les réseaux sociaux ont facilité leur recrutement. Concernant les professionnels du recrutement, ils utilisent principalement Viadeo et LinkedIn pour rechercher des informations complémentaires sur les candidats, en complément des CV-thèques habituelles. L’utilisation de Facebook est plus occasionnelle et liée au niveau de connaissance du web 2.0. Les consultants ont un niveau de connaissance supérieur au D.RRH et utilisent davantage les réseaux sociaux dans leur recrutement.

Résultat 4 :

Les professionnels du recrutement estiment que certaines informations trouvées sur les réseaux sociaux pourraient les inciter à changer d’avis et à renoncer à un candidat. Il s’agit principalement d’informations contradictoires, de photos et de publications inappropriées, d’informations personnelles, de comportements et/ou d’opinions qui pourraient être cachées lors d’un entretien. Certains D.RRH utilisent même les réseaux sociaux pour rechercher des informations sur les salariés de leur entreprise, comme des preuves d’une activité professionnelle concurrente ou pour trouver des arguments de licenciement.

Résultat 5 :

Les résultats montrent que les professionnels du recrutement estiment que la recherche d’informations sur les candidats ne constitue pas une atteinte à leur vie privée, alors que la plupart des candidats considèrent que cela constitue une violation de leur vie privée.

Conclusion :

Cette recherche exploratoire a utilisé des concepts nouveaux en matière d’utilisation des réseaux sociaux dans le recrutement, comme la connaissance subjective. Elle montre que les candidats sont préoccupés par les pratiques des professionnels du recrutement et considèrent que la recherche et l’utilisation d’informations concernant leur sphère privée dans le cadre d’un processus de recrutement constituent une atteinte à leur vie privée. L’étude propose un modèle conceptuel explicatif de l’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre du recrutement, en positionnant la connaissance subjective en variable modératrice. Les résultats montrent qu’il est nécessaire d’informer les étudiants sur les utilisations possibles de toutes les informations qu’ils publient au sein des réseaux sociaux et de les sensibiliser à la nécessité d’un dévoilement de soi contrôlé et à une stratégie de « personal branding ».

Références bibliographiques

  • Alba J.W. et Huchinson, J.W. (2000). “Knowledge calibration : What consumers know and what they think they know”, Journal of Consumer Research, vol. 27, n° 2, p. 123-155.
  • Ariès P. et Duby G. (1985). Histoire de la vie privée, tome 1, Points, Paris.
  • Bloche P. et Verchère P. (2011). Rapport d’information sur les droits de l’individu dans la révolution numérique, n° 3560, Assemblée nationale, 22 juin.
  • Brodin O. et Magnier L. (2011). « Le développement d’un index d’exposition de soi dans les médias sociaux : phase exploratoire d’indentification d’indicateurs constructifs », 10eJournée de recherche sur le e-Marketing, AFM, Paris, 9 septembre.
  • Carlson J.P., Vincent L.H., Hardesty D.M. et Bearden W.O. (2009). “Objective and subjective knowledge relationships : a quantitative analysis of consumer research findings”, Journal of Consumer Research, vol. 35, n° 5, p. 864-865.
  • Coupland D. (1991). Generation X : Tales for an Accelerated Culture, St. Martin, NY.
  • Goffman E. (1959). The presentation of self in everyday life, Anchor Books, Doubleday, NY.
  • Korchia M. (2004). “The Effects of Brand Associations on Three Constructs”, Proceedings from the 30thEMAC Conference, Murcia.
  • Lancelot-Miltgen C. (2008). “Online consumer privacy concerns : an experimental approach”, International Journal of Networking Virtual Organizations, vol. 6, n° 6.
  • Panczuck S. et Point S. (2008). Enjeux et outils du marketing RH : promouvoir et vendre les ressources humaines, Editions d’Organisation.
  • Peters T. (1997). “The brand called You”, Fast Company, n° 10, August, p. 83.
  • Selnes F. et Gronhaug K. (1986). “Subjective and objective measures of product knowledge contrasted”, Advances in Consumer Research, vol. 13, ed. R.J. Lutz, Association for Consumer Research, Las Vegas, p. 67-71.
  • Tisseron S. (2001). L’intimité surexposée, Hachette, Paris.
  • Wang H. et Wang C. (1998). “Consumer privacy concerns about internet marketing”, Communication of the ACM, vol. 41, n° 3, p 63-70.