Introduction. Entre valeurs et performances : les défis de la finance mutualiste

Michel Roux (2019), Introduction. Entre valeurs et performances : les défis de la finance mutualiste, Revue d’économie financière, (N° 134), pages 11 à 20 https://doi.org/10.3917/ecofi.134.0011

 

Mots clés : Valeurs, Performances, Finance mutualiste

 

Les entreprises du secteur financier mutualiste ont été créées au cours de la deuxième moitié du 19ème siècle pour permettre à leurs adhérents d’avoir accès à des services financiers de banque et d’assurance. La philosophie présidant à leur création était de faire primer le service rendu à leurs membres sur la rentabilité financière. En ce début de 21ème siècle, le secteur financier mutualiste compte de nombreux acteurs majeurs du système financier. Ce numéro présente un état des lieux de cette finance mutualiste, aborde les grands défis auxquels elle est confrontée et interroge sa fidélité aux valeurs proclamées.

 

Développement:

Ce numéro est divisé en quatre parties. La première présente la genèse de ce secteur et les valeurs qu’il incarne. Une seconde partie est consacrée aux différents acteurs dans la banque et l’assurance et à leurs rôles. La troisième partie analyse la gouvernance de ces acteurs, les conflits possibles entre la nécessaire efficience et le respect des valeurs. Enfin, une dernière partie trace les enjeux du futur auxquels fait face la finance mutualiste, la course à la taille, les difficultés réglementaires, la digitalisation.

La Chronique d’histoire financière traite des relations entre monnaie et protectionnisme aux Etats-Unis après la guerre de Sécession et un article « divers » analyse le rôle des eurodollars et du shadow banking dans le cadre du statut international du dollar et des mutations du système financier.

Nous allons parler ici, de l’entre valeurs et performances : les défis de la finance mutualiste.

Alors que la planète politico-économique connaît une nouvelle forme de barbarie où les rapports de force reprennent clairement le pas sur les équilibres patiemment forgés par quelques instances, notre avenir se joue face à de nouveaux acteurs (GAFA, Google, Apple, Facebook et Amazon) peu enclins à rendre compte à la société.

Un monde marqué par de multiples causes d’instabilité qui se traduisent par des changements de repères et de paradigmes. Les résistances aux changements sont nombreuses et nous sommes qu’aux premières étapes de ce que les psychosociologues appellent la courbe du changement où individus et institutions connaissent successivement des états de déni, de pertes de repères, d’impatience en attendant, parfois, la colère avant d’admettre leur utilité.

La question alors posée est: Comment souscrire aux attentes d’une révolution culturelle de la sphère financière vers une finance plus responsable?

La recherche perpétuelle de croissance et de l’accumulation des profits, longtemps considérées comme suffisantes pour donner une signification à la production, n’est plus une fin viable à long terme. Nous assistons, probablement, à la fin du mythe de la croissance éternelle dans un monde où les conséquences sociales de la transition numérique et climatique sont incertaines : nous allons devoir apprendre à élargir notre conception du progrès.

L’économie ne peut fonctionner harmonieusement dans l’instabilité financière. Elle ne peut pas non plus fonctionner sans la finance. Les péripéties de la crise qui a débuté en 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, suivie par celle des dettes souveraines en Europe, en passant par les circuits opaques de l’évasion fiscale, ont souligné les risques.

En France, les institutions coopératives et mutualistes sont un indéniable succès économique : elles représentent près de 60 % des dépôts bancaires, assurent un véhicule sur deux, près d’une habitation sur deux, une complémentaire santé sur deux.

Alors que le modèle mutualiste est parfois remis en cause par certains, il est toujours aussi moderne et fait la preuve de son utilité dans notre société. La proximité, la solidarité, la non-obsession du profit et la démocratie sont les fondements philosophiques des mutuelles.

Les chercheurs soulignent la place occupée par le mutualisme en Europe et rappellent que les entreprises qui le constituent sont nées pour apporter des solutions de confiance, de solidarité et de large répartition du progrès à la masse des personnes impactées par les révolutions industrielles successives depuis plus d’un siècle et demi.

Le mutualisme est pourtant une forme d’organisation particulièrement adaptée à la société du xxie siècle. Face à la fragmentation sociale, à la finance de court terme et aux monopoles dominants, il oppose un modèle démocratique, fondé sur la responsabilité collective, la priorité au client-sociétaire et l’utilité sociale de long terme.

La caractérisation des attentes des clients des banques coopératives montre leur caractère multiforme où différents types de performances sont attendues : financières, commerciales, territoriales et communautaires.

De plus, la digitalisation des mutuelles apparaît comme un vecteur de renforcement dans la recherche d’une meilleure interaction sociétale avec leur partie prenante.

 

Résultats:

Sans pouvoir prétendre à être seul l’avenir de nos économies de marché, la finance mutualiste pourrait être le vecteur majeur d’une finance durable au service de l’économie réelle.

 

Conclusion:

Dans le cadre d’une interview, Pascal Demurger considère que dans le contexte actuel d’incertitudes, le modèle mutualiste a des choses à dire. Au fil des années, il a démontré sa capacité à faire primer l’intérêt collectif sur le bénéfice individuel, à privilégier la performance de long terme plutôt que le profit immédiat. Bien sûr, le statut ne suffit pas à produire de la vertu, mais les acteurs mutualistes disposent de véritables atouts pour être demain aux avant-postes des entreprises qui se démarqueront par leur capacité de concilier performance et contribution positive au mieux commun.