Quels outils de gestion pour faciliter l’appropriation de la marque employé ?

Dunes, M. & Viedma, R. (2022). Quels outils de gestion pour faciliter l’appropriation de la marque employé ? Gestion 2000, 39, 103-124. https://doi-org.devinci.idm.oclc.org/10.3917/g2000.391.0103

 

Mots clés : marque employé, appropriation, outils de gestion, contrat psychologique, récits de vie

  

A travers cet article, les auteurs s’intéressent au concept de marque employé. Il s’agit de qualifier l’expérience de la marque par les salariés.

Pour cela, une étude qualitative a été faite, menée auprès des salariés d’ENGIE, afin d’identifier les trois dimensions de la marque employé : le sens, la sensibilité et les sentiments. Les résultats mettent en évidence différentes stratégies d’appropriation déployées par les salariés. Cette grille de lecture met en évidence des dispositifs de gestion organisationnels, managériaux et communicationnels que les collaborateurs jugeraient positives pour faciliter l’adhésion à la nouvelle marque institutionnelle.

 

 

La marque employé est « l’image présentée aux clients et autres parties prenantes (…) du point de vue des salariés en poste » (Miles et Mangold, 2007 : 77). Elle s’inscrit dans le courant théorique du management interne de la marque, que l’on peut définir par « l’alignement des salariés aux valeurs de la marque institutionnelle pour créer une force de travail engagée dans la communication des promesses de la marque » (Barros-Arrieta et Garcia-Cali, 2021 : 136).

 

La marque employé se divise en deux éléments :

  • Les connaissances et la compréhension de l’image de marque désirée (Miles et Mangold, 2005). Le salarié donne un sens qui lui est propre aux différents messages exprimés par l’organisation
  • Le contrat psychologique qui existe entre lemployé et l’organisation. Partant de la théorie du contrat psychologique de Rousseau (1995), Miles et al.(2011) le définissent comme un accord de l’employé sur les échanges relationnels qu’il a avec l’organisation.

 

Si communication faite par l’organisation est cohérent avec le contrat psychologique du salarié, alors ce dernier s’engagera pleinement dans le travail d’équipe avec ses collègues. En revanche, le salarié sera en désaccord avec le discours de l’organisation et ne s’inscrira plus dans le fonctionnement de celle-ci, si des incohérences surviennent. Les incohérences apparaissent lorsque les messages sont perçus comme incompréhensibles (plusieurs messages à la fois), voire contradictoires entre responsables en charge de relayer les messages et le top management (Mangold et Miles, 2007 : 426).

 

 

Pour comprendre les dimensions de la ME, les outils de gestion consillés et les stratégies d’appropriation, nous nous sommes intéressés au groupe ENGIE.

Il s’agit de comprendre les situations du point de vue des salariés (Paillé et Mucchielli, 2021).

Le récit de vie nous permet de comprendre l’interprétation et l’appropriation de la marque par les collaborateurs.

 

 

Les résultats tournent autour de trois axes : le sens, la sensibilité et les sentiments.

  • Le sens perçu est la manière dont les salariés comprennent et connaissent la marque. Pour beaucoup, la marque ENGIE est encore insignifiante. S’ils ne perçoivent plus totalement le sens de l’ancienne entité où ils ont été recrutés, ils ne parviennent toujours pas à comprendre celle de la nouvelle marque.

Ainsi, les deux anciennes identités sont perçues partiellement par les collaborateurs. L’une d’entre elle s’appuie sur l’opposition liée à la vision privé/public. Les salariés comparent les notions de rentabilité et de profit à celles d’équité et de service public.

  • La sensibilité reflète, non ce que la marque veut dire pour les salariés (cfsens perçu), mais, si cette perception fait sens pour eux : sont-ils en adéquation avec ce nouveau sens perçu ? Les salariés seront alors sensibles à la forme des changements comme au contenu de ces modifications. Ainsi, sur la forme, la nouvelle marque n’est pas située dans le temps de la même manière, plus particulièrement sur la lenteur et la longueur du processus de fusion qui empêche la construction d’une nouvelle marque.
  • Les sentiments se définissent dans les réactions positives et négatives qui se construisent autour de ces changements. Les salariés se sentent contraints de s’adapter à l’environnement changeant. Ils vivent sous obligation et ressentent certaines pertes comme de véritables sacrifices qu’ils doivent concéder à la nouvelle organisation.

 

Pour conclure, l’analyse des cooccurrences des trois éléments (sens perçu, sensibilité vécue et sentiments éprouvés) conduit à des stratégies d’appropriation spécifiques (Brunel et al., 2013 ; Dehling et Vernette, 2020). Nous clarifions la lecture de Dean et al. (2016), sur les mécanismes de construction interne de la marque. Plusieurs stratégies d’appropriation sont mises en évidence :

  • L’appropriation formelle : lorsque le sens perçu et les sentiments ne s’alignent pas, un sentiment d’inefficacité personnelle envahit le salarié.
  • L’évitement : lorsque le sens perçu par le collaborateur ne s’aligne pas avec sa sensibilité propre. Le salarié cherchera à se protéger en quittant la société ou en s’intégrant dans un service qui maintient les logiques de la structure d’origine
  • L’appropriation matérielle : lorsqu’il existe un écart entre sa propre sensibilité et ses sentiments. Dans cette stratégie, le salarié adopte, sans les partager complètement, les caractéristiques de la nouvelle marque institutionnelle

 

 

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