Fiche de lecture :
Référence au format APA :
Condomines, B., & Hennequin, É. (2018). Un salarié compétent est-il nécessairement performant?. Revue française de gestion, 44(270), 71-85.
Mots clés de l’article :
- Compétence et performance
- Approches mécaniste et linguistique-cognitive
- Corrélation entre compétence et performance
- Étude de performance de managers
- Perception de la relation compétence-performance
Synthèse :
Préambule : La relation entre compétence individuelle et performance individuelle est fréquemment débattue, avec des opinions divergentes pour savoir si la compétence est une garantie de performance ou simplement un facteur parmi d’autres. Une étude menée auprès de managers a permis de mieux comprendre la discordance entre ces deux concepts en collectant des données quantitatives et en menant des récits de vie. Le but de l’étude est de discuter du débat conceptuel, de présenter les résultats et de déterminer les facteurs qui influencent ce lien.
- LA COMPÉTENCE COMME PROMESSE DE PERFORMANCE
- Conception mécaniste
La compétence est considérée dans une perspective mécaniste et comme une caractéristique d’une personne, qui se manifeste par une performance supérieure. La performance est liée à des comportements discrets exercés par une personne dans une période donnée. Selon ce point de vue, le meilleur indicateur de la performance future est la performance passée, car les comportements seront identiques dans des situations similaires. La compétence observable est considérée comme le meilleur prédicteur de la performance, et la performance peut inférer la compétence. Cependant, cette approche est souvent critiquée pour sa réduction de la compétence à ses manifestations visibles et pour sa réduction de la compétence à un facteur explicatif unique de la performance.
- Conception linguistico-cognitive : continuum discontinu
La conception linguistique-cognitive est une approche en sciences de gestion qui distingue la compétence (savoir-agir reconnu) de la performance (action effective dans un contexte donné). Selon Chomsky, la compétence est prioritaire et logique pour la performance, mais la discordance peut être influencée par des facteurs modérateurs. Cependant, cette approche est limitée par son approche innéiste, sa difficulté à verbaliser les compétences incorporées et son exclusion de l’agentivité. La distinction entre la compétence et la performance permet une prise en compte contextualisée et dynamique des différents facteurs influençant la performance en RH.
- Apport des méta-analyses
Les méta-analyses montrent une corrélation entre la compétence et la performance, avec une plus grande relation pour les compétences à dominante motivationnelle, cognitive et communicationnelle. La relation est plus forte lorsque la mesure est comportementale. L’analyse quantitative montre que la compétence explique entre 14% et 20% de la variance de la performance. Les compétences apportent une contribution significative et unique par rapport aux tests d’aptitudes cognitives et de personnalité. La profession exercée, l’âge et le genre peuvent modérer la relation entre compétence et performance. Les femmes ont une corrélation plus forte que les hommes, mais les groupes minoritaires peuvent avoir une capacité prédictive favorable.
- UNE ANALYSE DE LA RELATION AU TRAVERS DU CENTRE D’ÉVALUATION ET DE LA PERCEPTION DES APPRÉCIÉS
Méthodologie : Les auteurs vont réaliser une étude de performance de managers à l’aide d’une approche mixte qui combine les méthodes qualitatives et quantitatives. L’objectif est d’obtenir une vision complète du phénomène étudié et d’augmenter la validité de la recherche. Pour la démarche quantitative, la performance (variable dépendante) est mesurée auprès de 123 managers de niveau supérieur, et la compétence (variable indépendante) est mesurée en utilisant un centre d’évaluation. Les résultats sont analysés à l’aide de SPSS 16.0, avec des techniques telles que la matrice MTMM et l’analyse factorielle. Pour la démarche qualitative, l’échantillon comprend 24 managers, et l’information est collectée à l’aide d’entretiens narratifs. Les entretiens sont analysés à l’aide du logiciel Nvivo, et une analyse thématique est réalisée.
Résultats :
Le lien entre la compétence et la performance est perçu comme étant nécessaire, mais est nuancé par d’autres facteurs tels que les ressources internes et externes, le contexte, la reconnaissance et l’attachement affectif. La validité prédictive de la relation compétence-performance varie selon le type de performance testé. Les variables modératrices telles que l’âge, le sexe, l’ancienneté dans le poste et l’organisation, le niveau d’éducation et de formation ont un effet sur la relation entre la compétence et la performance, mais l’effet n’est pas toujours significatif.
Discussions :
Cet article examine l’impact de la compétence sur la performance en utilisant une approche comportementale basée sur la psychologie différentielle. Les résultats tendent à montrer que la compétence est un prérequis nécessaire à la performance et que les compétences telles que la réflexion, la communication et la prise de décision impactent de manière différente la performance. Le choix de mesurer la compétence à travers une observation en situation peut entraîner des biais et il est difficile de faire une distinction claire des compétences mises en œuvre dans cette situation. Les auteurs concluent que la compétence est un facteur important pour évaluer la performance dans un contexte managérial, mais que les biais liés à la mesure doivent être pris en compte pour une évaluation plus précise.
Conclusion :
La compétence et la performance sont étroitement liées, ce qui est confirmé par le postulat de cohérence comportementale. Les compétences peuvent prédire la performance, ce qui rend le processus de recrutement, la mobilité interne et l’évaluation du personnel plus efficace. Les référentiels de compétences peuvent aussi être remodelés pour valoriser les compétences sources de comportements performants et questionner les techniques d’évaluation. La performance peut être optimisée en favorisant les situations favorables à la relation compétence-performance. Des variables modératrices telles que l’analyse du parcours et la mixité peuvent être considérées pour améliorer cette relation. Un environnement de travail favorable peut également favoriser le passage de la compétence à la performance en valorisant les interactions, l’autonomie et les possibilités d’apprentissage. La performance peut également renforcer la compétence dans une relation réciproque, ce qui pourrait être testé quantitativement par une approche longitudinale.
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