Démocratisation de l’information : effets différenciés des médias traditionnels et des nouveaux média

Daoust, J.-F. (2017). Démocratisation de l’information : effets différenciés des médias traditionnels et des nouveaux médias. Politique et Sociétés36 (1), 25–46. https://doi.org/10.7202/1038759ar

Mots-clés : information politique, élections, nouveaux médias, médias traditionnels, Canada

Cette recherche de Jean-François Daoust, de l’université de Montréal, évalue à quel point les médias sociaux sont efficaces pour acquérir de l’information politique de campagne. Ces médias sont systématiquement comparés aux médias traditionnels, et leur impact cherche à être mesuré.
Dans cet article, JF Daoust démontre que les médias traditionnels sont les plus consommés et que leur impact est plus important sur l’acquisition d’information politique. Il utilise des données de plusieurs campagnes électorales au Québec entre 2011 et 2012 pour appuyer son propos.

Les médias sociaux prennent une place de plus en plus importante dans le paysage médiatique, mais leur impact par rapport aux médias traditionnels reste assez flou. Cette recherche de Daoust compare l’impact de la consommation de différents types de médias sur l’acquisition d’information politique spécifique aux campagnes électorales. Pour étudier cet impact, Daoust a mené une enquête quantitative avec comme contexte deux campagnes électorales : les élections provinciales ontarienne (2011) et québécoise (2012).

La revue de la littérature a permis plusieurs constats : les Canadiens consomment davantage les médias traditionnels lors d’une campagne électorale. La télévision reste le média le plus consulté, suivi par les journaux et Internet.

Pour son étude, Daoust a étudié la consommation d’information politique, décrit par Markus Prior (2007 : 28 ) comme « knowledge of specific political facts and concept as well as knowledge of recent noteworthy political event ». Dans son étude, Daoust fait bien la différence entre de l’information politique générale et de l’information politique de campagne. C’est le deuxième type d’information qu’il étudie et qui est une variable essentielle de l’enquête. Il cherche notamment à étudier la relation entre consommation d’information politique et le média utilisé pour s’informer.

La littérature (Pippa Norris, 2000) évoque une relation positive entre information politique et médias traditionnels : et donc plus un citoyen consomme de l’information, peu importe le média, plus il possède un niveau élevé d’information politique. La littérature est moins univoque pour la relation entre information politique et médias sociaux.

Les objectifs de la recherche de Daoust sont les suivants : analyser la consommation médiatique des Canadiens en période électorale provinciale, en étudiant 5 médias : la TV, les journaux, la radio, Internet et Twitter. Daoust a décidé de séparer Internet et Twitter car Twitter est un média de sélection de l’information, personnalisable : le réseau est construit en fonction des préférences de l’utilisateur. Internet en général ne propose pas autant de personnalisation que Twitter.

Daoust a d’abord présenté les statistiques descriptives de la consommation d’information via ces 5 médias. Ensuite, il a évalué leur impact sur la consommation d’information politique de campagne électorale, avec comme objectif d’observer des tendances en fonction de l’âge, du sexe et du niveau de scolarité des Canadiens.

Une enquête a donc été menée dans le cadre de cette recherche et plusieurs hypothèses ont été formulées :

Hypothèse 1 : Une plus grande consommation de n’importe quel type de média augmente le niveau d’information politique spécifique à la campagne que possède un électeur.

Hypothèse 2 : Les médias traditionnels ont un effet positif relatif plus important sur l’acquisition de l’information de campagne que les nouveaux médias.

Les hypothèses de Daoust suggèrent que les TIC associées à Internet ne seraient que complémentaires dans l’acquisition d’information politique en période électorale ou, au pire, iraient même jusqu’à freiner l’acquisition d’information. 

Au sujet de la consommation des médias, le premier constat est que la TV domine, suivi par les journaux et Internet, la radio se place en 4ème position et Twitter en dernier : Daoust constate d’abord que les Ontariens et les Québécois consomment davantage les médias traditionnels pendant une période électorale. Quand il s’agit de s’informer sur une campagne électorale, Twitter ne constitue pas un média à part entière pour les électeurs.

Concernant l’impact des médias sur l’information politique, Daoust a constaté que la consommation de la TV, des journaux, de la radio et d’Internet a des effets positifs sur l’acquisition d’information politique (générale, pas forcément de campagne), contrairement à Twitter. Aussi, il a été intéressant de constater que le niveau de scolarité des répondants n’est pas significativement associé à une plus grande connaissance politique.

Daoust ne confirme que partiellement l’hypothèse 1, puisque la consommation de la radio, de Twitter et d’Internet (en Ontario) n’a pas systématiquement un effet positif indépendant sur l’acquisition d’information de campagne.

Pour confirmer ou infirmer la deuxième hypothèse, Daoust a étudié l’impact de la consommation des différents médias sur le niveau d’information politique, et ainsi estimer l’ampleur de l’effet produit par chaque média. Pour les deux élections, la TV et les journaux arrivent en tête, bien devant les autres médias. Le constat principal des résultats concernant l’Ontario, à savoir que les médias traditionnels (plutôt que les réseaux sociaux et internet) sont plus efficaces dans l’acquisition d’information de campagne électorale par les citoyens, s’applique également au Québec. En conclusion, l’effet des médias traditionnels est plus important que celui des nouveaux médias, confirmant ainsi l’hypothèse 2.

Pour conclure, Daoust a constaté par l’expérience que les médias traditionnels, la TV en tête, sont encore davantage consommés lors d’élections provinciales. (2011 et 2012) Ensuite, l’hypothèse que tous les types de médias augmenteraient l’information politique de campagne d’un répondant n’a été que partiellement confirmée.

De plus, Daoust a observé que parmi les diverses sources de consommation de l’information, les médias traditionnels ont un impact plus important que les nouveaux médias sur la capacité à acquérir de l’information durant une campagne (hypothèse 2).

Références :

  • Lawlor, Andrea et Frédérick Bastien, 2013, « La campagne vue par la presse écrite », dans Frédérick Bastien, Éric Bélanger et François Gélineau (sous la dir. de), Les Québécois aux urnes, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, p. 109-122.
  • Norris, Pippa, 2000, A Virtuous Circle : Political Communication in Postindustrial Societies, Cambridge, Cambridge University Press.
  • Prior, Markus, 2005, « News vs. Entertainment : How Increasing Media Choice Widens Gaps in Political Knowledge and Turnout », American Journal of Political Science, vol. 49, p. 577-592.
  • Prior, Markus, 2007, Post-Broadcast Democracy. How Media Choice Increases Inequality in Political Involvement and Polarizes Elections, Cambridge, Cambridge University Press.