Une généalogie de la communication politique numérique

Eyries, A. (2018). Une généalogie de la communication politique numérique. Revue française des sciences de l’information et de la communication, volume 12, 2018.

https://journals.openedition.org/rfsic/3424

Mots-clés : communication politique, technologies numériques, généalogie, réseaux socio numériques, dialectique numérique

La « politique politicienne » selon Eyries, est la maîtrise du langage, de la rhétorique et de la communication, et ces techniques sont des éléments indispensables de l’homme politique d’aujourd’hui pour s’assurer une communication politique efficace. L’arrivée des nouvelles T.I.C (Internet, réseaux sociaux…) n’a pas changé les façons de communiquer, les techniques ont simplement été adaptées.

Dans un article paru en 2001, Arnaud Mercier décrit les différentes composantes de la communication politique ainsi :
« La communication politique a pour double programme l’étude des interactions entre le système politique au sens large et les médias, et l’étude des processus et des techniques de communication dont le système politique se sert. […] Un tel champ d’étude comporte a minima quatre thèmes : la façon dont les détenteurs du pouvoir assurent leur publicité et se mettent en scène, les interactions existant entre les acteurs politiques et les professionnels de la communication et de l’information, le rôle des médias et des sondages dans la formation de l’opinion publique et la façon de penser l’espace public, le contenu politique des messages d’information diffusés dans les médias et leur influence sur les récepteurs. »

La définition de Jacques Gerstlé (1993) est plus courte mais toute aussi intéressante : la communication politique est « l’ensemble des techniques et procédés dont disposent les acteurs politiques, le plus souvent des gouvernants, pour séduire, gérer et circonvenir l’opinion ».

L’objectif de cet article est donc d’analyser l’évolution de la communication politique sur une période assez récente et d’observer comment elle s’est emparée d’internet et des réseaux sociaux.

Dans un espace politique élargi et modernisé où les canaux de diffusion se sont multipliés, les informations sont maintenant renouvelées et publiées en temps réel, donc à l’origine d’une compétition plus forte entre les médias.

Internet permet de communiquer en permanence, sans interruptions, de toucher un public quasi-illimité, le tout par plusieurs formats différents : texte, voix, image, vidéo… Cependant, les hommes et partis politiques n’ont pas pris possession de ce nouveau média immédiatement, les médias traditionnels demeurant les canaux de premier choix pour la communication politique.

C’est aux Etats-Unis que les communicants politiques ont d’abord investi internet, à l’occasion de l’élection présidentielle de 1996. A cette époque-là, tous les candidats à la Maison Blanche avaient créé leur site internet de campagne. Cette tendance fut confirmée lors des élections présidentielles de 2000, puis en 2004 où internet a marqué un vrai tournant de la communication politique : Eyries présente l’exemple d’Howard Dean, gouverneur sortant du Vermont et candidat aux primaires démocrates en 2004. Ce dernier a fait preuve d’une utilisation remarquable d’internet, et a généré plus de 7 millions de $ de dons en ligne pour financer sa campagne, une première pour l’époque.

Les atouts du numérique dans la communication politique sont nombreux : Internet permet aux politiciens d’élargir leur réseau d’électeurs, de recruter des militants, de faire de l’autopromotion, de distribuer de l’information (générale ou de campagne), de collecter des fonds… Ainsi, Internet aurait un impact positif sur la mobilisation des sympathisants. Les médias traditionnels restent les canaux privilégiés pour communiquer pour un politicien, la TV en tête, média idéal pour l’appel aux votes.

En effet, selon Philippe J. Maarek, la télévision est le média central de la communication politique, car elle pénètre tous les foyers et est accessibles à « presque » tous : l’achat du téléviseur est la seule dépense pour accéder à ce média.

Cependant, Internet reste le média le plus innovant : le Web 2.0, marqué par l’interactivité et la rapidité de diffusion de l’information, a multiplié les possibilités d’Internet. Tout est désormais simplifié et plus rapide sur le web : créer un site, un blog, des comptes sur les réseaux sociaux (…) n’a jamais été aussi simple. L’’objectif des personnalités politiques dans un écosystème numérique aussi dense est de faire parvenir un message aux électeurs sans qu’ils n’aient à chercher l’information.

Eyries s’appuie sur les recherches de Philippe J. Maarek pour classer les différentes utilisations d’internet dans un contexte politique :

  • Les utilisations politiques institutionnelles (sites des partis traditionnels, idées générales, programmes…)
  • Les utilisations lors de campagnes électorales
  • Les utilisations par les groupes de pression

Ce dernier type d’utilisation a été favorisé par Internet et la facilité de créer, héberger et animer un site web visible dans le monde entier. On a alors pu constater une augmentation des sites de groupes « marginaux » et des communautés de pression.

Face aux USA, la France a un peu de retard dans son utilisation des outils numériques : Eyries prend l’exemple des élections présidentielles 2007 en France, où les partis politiques n’utilisaient pas du tout le potentiel d’interactivité d’internet (34% d’interactivité en France en 2007 selon Frédérick Bastien et Fabienne Grefet (2009))

Grâce aux différentes sources d’information et différents points de vue politiques, Internet permet aujourd’hui aux citoyens de s’intéresser facilement à la sphère politique, et de découvrir ainsi des nouvelles formes de militantisme et d’engagement politique, notamment chez les jeunes.

Références :

  • BASTIEN, F., & GREFFET, F. (2009). Les campagnes électorales sur Internet : une comparaison entre France et Québec. Hermès, 54, 209‑213.

https://doi.org/10.4267/2042/31762

  • CHIBOIS J. (2015), « Twitter et les relations de séduction entre députés et journalistes. La salle des Quatre Colonnes à l’ère des sociabilités numériques », Réseaux n° 188, volume 6, 201-228.
  • GERSTLÉ J. (2012), La communication politique, Paris, Armand Colin.
  • GREFFET, F. (2007). Les blogues politiques. Communication, Vol. 25/2, 200‑211. https://doi.org/10.4000/communication.883
  • MAAREK, P.-J. (2014). Communication politique et marketing de l’homme politique (2e éd.). Lexis Nexis.
  • MERCIER A. (2015) , « Twitter, espace politique, espace polémique », Les Cahiers du Numérique Vol. 11/4 : Espace public numérique et participation politique, 145-168.
  • MERCIER A. (2001), « La communication politique en France : un champ qui doit encore s’imposer », L’Année sociologique, Vol. 51/2, 357.