Le marketing dans l’assurance : le tournant du digital

Pierre-Alain de Malleray (2017), Le marketing dans l’assurance : le tournant du digital, Revue d’économie financière, (N° 126), pages 145 à 168 https://doi.org/10.3917/ecofi.126.0145

 

Mots clés : Marketing, Assurance, Digital

 

L’industrie de l’assurance se caractérisait jusqu’ici par un marketing offensif, de masse, tourné quasi exclusivement vers la construction d’une image de marque. Cette image était destinée à inspirer confiance dans la marque et les produits, et à alimenter des réseaux de distribution traditionnels (agences ou réseaux salariés). Ce modèle est aujourd’hui remis en cause par la digitalisation croissante des canaux de distribution des assureurs. Cette dernière rend plus difficile la différenciation des offres, donc la construction de l’image de marque. Par ailleurs, elle ouvre un champ des possibles extrêmement vaste concernant le ciblage commercial, rendant obsolète le marketing de masse. Au total, elle constitue une opportunité majeure pour les acteurs qui sauront comprendre les codes du digital, tant dans la distribution des offres que dans le service rendu au client. Elle constitue tout autant une menace pour les autres.

 

Développement:

Dans cet article, sont décrit les changements à l’œuvre dans le marketing de l’assurance liés à la digitalisation du secteur. Le marketing doit être entendu, selon la définition proposée par l’American Marketing Association, comme l’activité consistant à « planifier et mettre en œuvre l’élaboration, la tarification, la communication et la distribution d’une idée, d’un produit ou d’un service en vue d’un échange mutuellement satisfaisant pour les organisations comme pour les individus ».

Le champ analysé ici est celui de l’assurance des particuliers et des professionnels, l’assurance d’entreprise étant exclue car elle implique des modalités de marketing et de distribution très différentes. Les principales lignes d’affaires considérées sont l’assurance automobile, habitation, vie et santé, qui représentent la grande majorité du marché.

Après avoir proposé, dans un premier d’aborder la marketing traditionnel, dans un second temps, et on parlera également de la digitalisation.

Toute stratégie marketing dans le secteur de l’assurance doit tenir compte de certaines caractéristiques essentielles du produit, qui ne le rendent semblable à aucun autre. L’assurance n’est pas un produit qui fait rêver, en effet, les marketeurs d’assurance n’arriveront pas à projeter le consommateur dans un univers où l’adhésion au produit est forte. L’assurance est uniquement perçue comme une obligation et il faut avouer que c’est un domaine très compliqué à comprendre et où beaucoup de personnes on l’impression de se faire avoir.

Là où les enseignes de luxe, d’habillement ou de sport invitent le consommateur à se projeter dans un univers désirable où il est en pleine forme, élégant et entouré d’objets de valeur, les assureurs n’ont d’autre choix que d’inviter leurs clients à envisager le pire, à savoir : l’accident, la maladie, la dépendance, la mort, les obsèques ou la succession.

L’acte d’achat d’assurance est étroitement associé à des moments de vie. Le consommateur recherche rarement un produit d’assurance pendant son temps libre pour améliorer ou optimiser sa couverture contre tel ou tel risque. Il s’intéresse à l’assurance le plus souvent parce qu’un événement particulier l’y a conduit : un déménagement, l’achat d’une voiture, un changement de travail, l’entrée dans la vie active, une naissance, un divorce, le passage à la retraite, etc.

Au niveau mondial, les assureurs suscitent moins de confiance de la part des consommateurs que les banques.

Pour la réalisation de leurs annonces, les acteurs ont déployé l’ensemble des techniques traditionnelles bien connues des publicitaires afin de créer, selon le terme consacré, de la « rémanence » : des slogans, des jingles, des mascottes, etc. Le but du message est souvent le suivant: les idées sont simples et renvoient toutes aux mêmes thématiques : le prix, la tranquillité d’esprit, le service client ou l’absence de but lucratif de l’assurance (pour les assureurs mutualistes).

La stratégie de l’irruption du digital dans l’assurance est difficile à quantifier et est progressivement remise en cause par la digitalisation des canaux de distribution. La part des ventes en ligne d’assurance ne peut donc être estimée que par sondage auprès de clients ou de compagnies. Ces derniers indiquent une proportion qui varie beaucoup en fonction des études, mais qui peut être estimée autour de 10 % à 15 % dans la plupart des pays industrialisés, dont la France.

La vente d’assurance aux particuliers est une transaction complexe, qui mêle plusieurs phases de recherche d’information, de demande d’avis, de conseil, de réalisation de la transaction et d’après-vente. Si la part des ventes effectuées en ligne, bien qu’incertaine, est aujourd’hui (en 2017) minoritaire (sauf au Royaume-Uni), les consommateurs ont déjà basculé majoritairement sur Internet pour la phase avant-vente de recherche d’information.

Une chose est sûre : les ventes en ligne sont en croissance. En effet, la croissance des canaux digitaux ressort de toutes les études citées précédemment. Elle peut aussi se déduire de l’examen des données concernant les requêtes sur les moteurs de recherche, en particulier Google qui détient une part de marché ultradominante en France. Il est intéressant de se pencher sur les ressorts de cette croissance. Plus généralement, l’assurance ne peut rester durablement à l’écart d’une tendance de fond qui voit la publicité digitale progressivement supplanter la publicité off line. À cet égard, 2017 représente une année historique, puisque c’est la première fois que les analystes s’attendent à ce que les dépenses marketing digitales dépassent, aux États-Unis, celles du média jusqu’ici roi : la télévision.

Cette montée en puissance des canaux digitaux a pour conséquence de placer le critère du prix au cœur du marketing et du produit. Les comparateurs qui, dans certains pays comme au Royaume-Uni, sont un mode dominant d’entrée en relation avec le client ne font qu’accentuer ce phénomène. Les offres d’assurance sont, en fonction des garanties demandées, classées par prix croissant, ce qui en fait l’élément déterminant.

Le big data a permis dans de nombreux domaines de révolutionner le marketing en rendant le ciblage commercial plus efficace, et ce grâce aux cookies. Comme pour les produits de grande consommation, les technologies du display du retargeting ou des algorithmes de recommandation permettent aux assureurs d’améliorer leurs taux de conversion. Cela est d’autant plus important en assurance que l’acte d’achat est, on l’a vu, centré sur des moments de vie qu’il s’agit de détecter.

 

Résultats:

L’étude de 2013 fondée sur des sondages auprès de consommateurs pour des produits standards (auto, habitation) réalisée par Finaccord en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Pologne et au Royaume-Uni a montré que :

  • les canaux en ligne, qu’il s’agisse des sites d’assureurs ou de comparateurs, représentaient une moyenne de 42 % des ventes en 2012 ;
  • ce dernier chiffre était de 36 % en 2008 ;
  • le Royaume-Uni détenait le record de la part de transactions en ligne (69 %) ;
  • la France détenait la part la plus faible (25 %) ;
  • la part des ventes en ligne a progressé significativement dans chacun des six pays étudiés entre 2008 et 2012.

Ces analyses ne convergent pas sur l’évaluation de la part du e-commerce dans l’assurance, du fait principalement des biais méthodologiques dans la définition de ce que recouvre la notion d’e-commerce.

 

Conclusion:

Avec le temps, la vente de produit en ligne ne fait que d’augmenter grâce aux différents canaux de digitalisation. On a pu voir dans cette article que la montée en puissance des canaux digitaux a également pour conséquence de placer le critère du prix au cœur du marketing et du produit.

 

Références:

  • Accenture (2016), « Coming to Terms with Insurance Aggregators: Global Lessons for Carriers ».
  • Bain & Company (2014), Customer Loyalty in P&C Insurance: US Edition.
  • Bain & Company (2016), Customer Behavior and Loyalty in P&C Insurance: Global Edition.
  • CapGemini et Efma (2016), World Insurance Report.
  • Clickstream/Netview Nielsen (2014), étude, janvier-mars.
  • EY (Ernst & Young) (2011), Bringing Profitability Back from the Brink of Extinction: a Report on the UK Retail Motor Market.
  • EY (2014), Global Consumer Insurance Survey.
  • Finaccord (2013), Aggregation Metrics: Consumer Approaches to Insurance Comparison Sites in Europe, février.
  • McKinsey (2014), Global Insurance Industry Insights, an In-Depth Perspective.
  • Morgan Stanley et BCG (Boston Consulting Group) (2014), « Insurance and Technology, Evolution and Revolution in a Digital World », Blue Paper, septembre.
  • Swiss Re (2014), « Digital Distribution in Insurance: a Quiet Revolution », Sigma, n° 2/2014.
  • The Content Strategist (2017), février.