Introduction. Industrie, finance, innovation et gouvernance dans la crise : vers un changement structurel ?

Véronique Dutraive (2016), Introduction. Industrie, finance, innovation et gouvernance dans la crise : vers un changement structurel ?, Revue d’économie industrielle, pages 13 à 32  https://doi.org/10.3917/reof.166.0059

 

Mots clés : Industrie, Finance, Innovation, Crise

 

Dans cet article on parle principalement des liens entre la finance et l’industrie. Il fait suite à un premier numéro spécial de la Revue d’économie industrielle paru en 2011 sur le même thème (Dutraive, 2011) et partage l’ambition similaire de faire dialoguer des travaux sur les domaines souvent séparés que sont l’économie industrielle et l’économie financière et monétaire.

Les chercheurs abordent la question des liens entre la finance et l’industrie en s’intéressant au changement structurel amorcé avant la crise dans ces deux domaines et qui interroge les ressorts de la croissance en ce nouveau contexte.

 

Développement:

Dans cet article, on nous parle de la crise financière ayant eu lieu en 2007-2009. Un des faits marquants consécutifs de cette crise a été le retour à des politiques économiques actives.

  • Du côté de la finance, les autorités monétaires sont largement intervenues pour soutenir la plupart des banques mises en difficulté par la crise, pour contrevenir à la contraction du crédit, notamment par une politique de taux bas, puis en soutien aux États mis en difficulté par un accroissement de leur endettement.
  • De leur côté les entreprises ont réagi à la contraction du crédit en adaptant notamment leurs comportements de détention de liquidités.
  • Du côté de l’industrie, on assiste à un renouveau  de la politique industrielle, amorcé déjà depuis le début des années 2000 mais accéléré considérablement suite aux dégâts engendrés par la crise en ce domaine.

Pour remettre un peu les choses dans leurs contextes, les chercheurs nous parlent ici précisément des changements structurel, institutionnel, de développement, de croissance, d’innovation, des marchés financiers et de leurs croissance, et enfin des relations entre la finance et l’industrie.

Le renouveau de l’intérêt pour la politique industrielle provient de la « Nouvelle Économie du Développement » – comme elle provient sur le plan pratique des différentiels de performances économiques entre les anciennes puissances industrielles et les pays émergents industrialisés, au profit de ces derniers. Cette économie s’inscrit plus largement dans l’analyse économique institutionnelle qui comprenant soit des travaux standards du point de vue des outils ou conceptions utilisés – travaux empiriques et économétriques –, soit des approches plus socio-économiques mais qui ont cependant en commun de mettre les institutions au cœur de l’analyse du développement et de la croissance de long terme. Ces travaux ont conduit à mettre en avant le rôle des institutions dans les processus de croissance et de développement.

Les nouveaux économistes du développement font désormais référence à la théorisation du changement structurel comme cadre pour repenser la question du développement. Selon les chercheurs, l’analyse du changement structurel se différencie de l’approche de la croissance équilibrée.

Depuis la crise de 2007, une unanimité s’est dessinée en faveur de politiques plus proactives et stratégiques. Ce retour de la politique industrielle se retrouve dans les discours des leaders politiques, quelles que soient leurs orientations politiques, et dans les pays en développement comme dans les pays développés. Un grand nombre de chercheur considèrent que la politique de la concurrence seule ne peut promouvoir la croissance et que l’État stratège doit être réhabilité.

Un ensemble d’évolutions techniques, institutionnelles et dans la régulation ont conduit en effet les acteurs financiers à prendre plus de risques : les nouvelles technologies centralisent l’information et la traitent de manière automatique. Ces facteurs ont développé des incitations à prendre des risques ayant convergé dans la crise financière qui a débuté en 2007.

Une manière d’appréhender les relations entre la finance et l’industrie est de considérer l’économie comme un réseau dans lequel d’une part les firmes sont reliées entre elles par des relations de production, des relations commerciales (elles se fournissent et se vendent des biens intermédiaires) et des relations de crédit commerciales.

Le marché du crédit lui-même peut être vu comme un réseau entre les banques sur le marché interbancaire, et entre les institutions financières et les firmes ou les consommateurs. Cette organisation en réseau peut expliquer les phénomènes de diffusion des faillites en cas de défaut de paiement : les firmes peuvent mettre d’autres firmes en difficulté par leur défaut de paiement ; les banques, elles-mêmes affectées par ces défauts de paiement, réagissent en réduisant leurs prêts à d’autres firmes, les mettant à leur tour en difficulté et augmentant leur taux.

 

Résultats:

Evolution des deux approches (financière et industrielles) :

  1. D’une part les deux approches peuvent constituer le cadre conceptuel d’une même politique, les théories libérales et néolibérales développant des arguments et des conceptions distinctes de la politique de la concurrence, les politiques de soutien à l’innovation trouvant un cadre analytique à la fois dans les analyses des défaillances de marché, les théories économiques évolutionnistes et l’économie géographique.
  2. D’autre part, les théories elles-mêmes ont évoluées pour répondre aux nouveaux contextes dont elles cherchent à rendre compte.

La période actuelle peut se caractériser aussi bien dans les politiques que dans les théories par un plus grand éclectisme et pragmatisme que dans les périodes passées.

 

Conclusion:

La crise financière de 2007-2009 a bien montré à quel point ces deux « secteurs de l’économie » (la finance et l’industrie) sont interdépendants et qu’un regard croisé voire interdisciplinaire s’avère nécessaire pour analyser cette interdépendance.

Le secteur financier développé au-delà du seuil de ses effets bénéfiques théoriques pour la croissance et en partie aux dépens du secteur non financier, étant donné que la croissance elle-même repose désormais davantage sur des instruments financiers – plus profitables –que sur les processus traditionnels de production et d’échange.

 

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