La crise s’est-elle accompagnée d’un sous-investissement dans l’immobilier résidentiel dans les pays de la zone euro ?

Jean-Charles BricongnePeter Pontuch  (2017), La crise s’est-elle accompagnée d’un sous-investissement dans l’immobilier résidentiel dans les pays de la zone euro ?, Revue Economique, (Vol. 68), pages 129 à 157 https://doi.org/10.3917/reco.hs02.0129

 

Mots clés : Sous-investissement, Crise, Immobilier

Dans cette article, les chercheurs veulent évaluer un potentiel sous-investissement de l’immobilier quatre pays européens que sont; l’Allemagne, la France, l’Italie et le Pays-Bas, du à la crise de 2008. En effet, de nombreux marchés immobiliers ont vu les prix baisser après avoir atteint des niveaux de prix sur revenus élevés, avec des mouvements contrastés de l’investissement résidentiel. L’Espagne et le Royaume-Uni seront également analysés, mais de façon partielle.

 

Développement:

Dans le marché de l’immobilier il y a beaucoup d’évolution de qui avec leurs déterminants sont en général bien appréhendés et ont fait l’objet de nombreuses études, d’où l’intérêt de celle-ci avec des hausses importantes de prix dans le secteur de l’immobilier résidentiel depuis les années 1990 et une baisse considérable entre 2008 et 2009.

Selon une précédente étude, l’investissement immobilier présente aussi un enjeu important dans la mesure où le cycle des prix immobiliers et le cycle économique sont étroitement liés, via de nombreux canaux de transmission.

A l’exception de l’Allemagne, un grand nombre de pays européen ont fait face à des ajustement important et impactant dans l’immobilier pendant la crise.

Plusieurs méthodes ont mis en place afin de comprendre l’existence d’un potentiel sous-investissement.

Une première méthode statistique consiste à calculer les écarts entre les valeurs courantes des séries et leurs tendances obtenues en appliquant un filtre Hodrick-Prescott (HP). Les chercheurs confirment que les cycles immobiliers sont en général plus longs que pour les autres cycles macroéconomiques, avec des durées d’une vingtaine d’années.

La seconde méthode s’inspire d’un autre chercheur Corder et Roberts (2008), proposant  un modèle de Q de Tobin immobilier pour l’investissement résidentiel au Royaume-Uni. Le Q de Tobin immobilier exprime la valeur de marché du capital relativement à son coût de remplacement, mesurant ainsi la profitabilité de l’investissement.

Malgré une hausse des prix et du ratio prix sur revenus et de l’effort de 1997 jusqu’en 2007, l’investissement ne repart vraiment que vers 2003-2004 pour aboutir à un surinvestissement jusque vers 2007-2008, qui s’ajuste brutalement en 2008-2009, en liaison avec un durcissement très temporaire du crédit aux entreprises.

De l’analyse des cycles d’investissement résidentiel des pays étudiés en zone euro, il ressort des traits communs au moins en fin de période : surinvestissement qui a pu être relativement important jusque vers 2007-2008, suivi d’un ajustement à la baisse important et rapide vers 2008-2009, le rebond n’étant que limité et temporaire, l’Allemagne étant une exception notable.

 

Résultats:

Ce qui ressort de cette étude est que les pays étudiés ont effectivement été impactés par un sous-investissement au cours de cette période de crise, même si un léger rebond a pu apparaître en fin de période, à l’exception de l’Allemagne, qui suit un cycle particulier, caractérisé par un creux plus limité et un rebond plus précoce.

Il faut cependant noter que les analyses cette étude portent sur une période qui date des années 1990. Or, il n’est pas exclu que la période étudiée soit atypique sous certains aspects, notamment du fait de l’existence d’une période de crise d’ampleur exceptionnelle. Par ailleurs, les évolutions macroéconomiques peuvent occulter des disparités régionales au sein de chaque pays.

 

Conclusion:

Dans cette article différentes méthodes ont été utilisées afin de déterminer si la crise de 2008-2009 s’est accompagnée d’un sous-investissement dans l’immobilier résidentiel.

Pour reconstruire ensuite le Q de Tobin immobilier, la série de prix des terrains est sommée avec celle des coûts de construction, à un facteur multiplicatif près de façon à ce que, en fin de période, les terrains représentent environ un sixième des coûts .Les résultats ne sont donc toutefois pas très sensibles à cette hypothèse.

 

Références:

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