Notes sur la persuasion subliminale : quelques acquis de la recherche marketing pour éclairer un mythe

Gregory P. (1993), Notes sur la persuasion subliminale : quelques acquis de la recherche marketing pour éclairer un mythe, Recherche et Applications en Marketing 8, (3), 79–93.

Aux Etats-Unis, dans une salle de cinéma du New Jersey qui projetait le film Picnic, des images subliminales ont été introduites diffusant les slogans « Eat Popcorn » et « Drink Coca-Cola ». James Vicary (1957), à l’origine de cette initiative, affirme que les ventes de ces deux marques auraient augmenté respectivement de 18% et de 52%. Cette anecdote met en avant l’efficacité de la persuasion subliminale.

  1. Différents types de messages subliminaux.

LES MESSAGES AUDIOVISUELS : Un film comporte environ vingt-cinq images par seconde. L’une des techniques consiste à placer le message subliminal sur la vingt-cinquième image, après les vingt-quatre traditionnelles. Diffusée pendant une durée trop courte, l’image ne peut être perçue consciemment mais elle est captée par le subconscient du spectateur. Les flashes tachistoscopiques constituent une autre méthode, utilisée notamment par J. Vicary (1957) dans sa fameuse expérience.
LES MESSAGES VISUELS CACHES : Par cette technique, le publicitaire modifie son visuel de manière très discrète et anodine, afin de susciter une émotion chez le consommateur et de l’influencer dans son choix fortement mais totalement inconsciemment. Il s’agit des images cachées (Solomon, 1992), les incongruités (Tom, 1984), et les suggestions (Key, 1976 ; Tom, 1984).
LES MESSAGES SONORES : les messages audio cachés (Merikle, 1988) consistent à introduire des bruits naturels, dans des cassettes audio aux USA afin d’inciter les auditeurs à maigrir ou cesser de fumer par exemple. La persuasion psycho-acoustique (Dudley, 1987) désigne l’émission de messages à très faible niveau sonore. De plus une technique bien connue et assez préoccupante réside dans les messages sataniques (Moore, 1988) et plus largement les sectes. C’est par exemple le cas avec la chanson de Led Zeppelin « Stairway to Heaven » dont une partie des paroles diffusée à l’envers est élogieuse à l’égard du diable.

2. Définition

Le dictionnaire Larousse définit le terme subliminal de la manière suivante : « (du latin sub, à l’entrée de, et limen, seuil) Qui ne dépasse pas le seuil de la conscience ». Certains auteurs ont cherché à expliciter cette définition.

LE STIMULUS SUBLIMINAL : Pour résumer les définitions données par plusieurs auteurs, la stimulation subliminale réunit les notions de seuil maximum (moins de 50% des personnes doivent avoir conscience du message) et de seuil minimum (le message doit tout de même être reçu par le système nerveux). (Dixon, 1971 ; Filser 1993)
LA PERCEPTION SUBLIMINALE : Il convient de distinguer le stimulus subliminal du stimulus inconscient, dans le sens où l’individu peut repasser au niveau conscient à tout moment dans le premier cas, contrairement au deuxième. En effet, même si le consommateur le souhaite, il ne peut pas être conscient des stimuli subliminaux qu’il subit. Toute la question réside alors ici : comment le consommateur peut-il percevoir le stimulus s’il ne peut en être conscient ni en prendre conscience ? Ainsi l’individu réagira au stimulus seulement si l’exposition a bien eu lieu et a été complète. Enfin, il est important de noter que tous les consommateurs ne perçoivent pas les stimuli de la même manière, certains y étant plus sensibles que d’autres.
LA PERSUASION SUBLIMINALE : Cette notion désigne la manière dont le message est accepté par l’individu, le degré d’influence du message subliminal sur lui. Une nouvelle question se pose alors : comment le stimulus peut-il exercer une influence sur le comportement du consommateur, si celui-ci ne peut en être conscient ni en prendre conscience ? Kapferer (1985) y répond en mettant en lumière le principe de l’implication minimale. Krugman (1977) qualifie ce concept de mémoire perceptive, c’est-à-dire la mémoire de la reconnaissance, qui est l’inverse de la mémoire verbale du rappel. Enfin il met en avant deux impacts relatifs aux répétitions de messages publicitaires, bien connus en psychologie : l’effet à retardement et le déclenchement comportemental.

3. L’efficacité des stimuli subliminaux

Selon Kapferer (1985), les images subliminales ne peuvent pas créer de nouvelles préférences chez le spectateur quant au produit exposé, ni à transformer sa motivation profonde initiale relative à son intention d’achat. Toutefois le stimulus peut l’influencer dans ses comportements d’achat habituels. De plus les images subliminales ne sont jamais prioritaires sur tous les autres types de stimulation auxquels les individus sont confrontés, et c’est le plus souvent le sens qui l’emporte. Ainsi les situations dans lesquelles le comportement d’achat du consommateur peut être influencé par des stimuli subliminaux sont les suivantes : des situations de faible implication, une communication non verbale qui suscite un faible traitement de l’information, des messages à forte valeur d’imagerie qui mobilisent les expériences passées.

En conclusion, cet article nous permet de mieux comprendre les théories concernant le domaine du message subliminal. La publicité utilise très souvent cette technique afin de toucher le consommateur, et de le convaincre inconsciemment qu’il a besoin du produit en question. En effet, le message subliminal l’influence sans qu’il s’en rende compte dans son jugement et son intention d’achat finale. Il serait intéressant d’évaluer l’efficacité d’une certaine prévention des consommateurs en matière de messages subliminaux. Est-ce qu’un avertissement leur permettrait d’éviter de tomber dans le « piège » de cette stratégie marketing, de plus en plus utilisée de nos jours ? Cela peut faire l’objet de futures recherches.

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