« Mieux collecter les données personnelles sur Internet. Une étude qualitative auprès d’internautes français »

LANCÉLOT-MILTGÉN C. & LÉMOINÉ J.-F. (2015), « Mieux collecter les données personnelles sur Internet. Une étude qualitative auprès d’internautes français », Décisions Marketing, Vol. 79, p. 35-52.

Mot clefs: personal data, privacy, Internet, disclosure, context of request.

De nombreuses actions sur internet nécessitent que les internautes communiquent certaines données personnelles (participation à des jeux en ligne, création de comptes, etc), mais  ils craignent que leurs données soient utilisées voire divulguées. Cette étude, fondée sur le récit de plusieurs internautes, s’intéresse aux facteurs susceptibles de convaincre ou non l’internaute de communiquer ses informations personnelles, mais aussi sur les moyens que peuvent mettre en place les entreprises pour les rassurer.

 

Développement

Selon la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, une donnée personnelle est une information portant sur une personne physique « identifiée ou identifiable » grâce à un « numéro d’identification ou des éléments qui lui sont propres ». Celles-ci peuvent porter aussi bien sur l’identité de la personne que sur ses habitudes ou ses revenus, et en fonction de cela, l’internaute évalue le risque auquel il s’expose en les divulguant.

Les sociétés peuvent récolter ces informations directement par le biais de l’utilisateur en lui faisant remplir un questionnaire, en espionnant son comportement sur internet, ou par le biais d’autres clients ou sociétés qui louent les données. Cela leur permet de connaitre les clients, et plus précisément leurs centres d’intérêt ou le budget qu’ils peuvent dépenser, de ficher les clients, mais aussi d’améliorer les produits selon l’avis des consommateurs afin d’en proposer des plus performants. Les internautes ont connaissance de ces fonctions mais leur niveau d’appréciation apparait mitigé : ils apprécient que leurs particularités soient prises en compte et qu’ils puissent avoir de meilleurs produits, mais ils n’apprécient pas recevoir autant de publicité. Ils craignent également que les entreprises utilisent leurs données sans qu’ils le sachent, ou qu’elles leur envoient des offres sans leur consentement. Beaucoup d’utilisateurs sont méfiants sur le sujet et ont l’impression d’être surveillés et fichés en détail. Ainsi, certains ne communiquent que très peu d’informations et d’autres vont même jusqu’à communiquer de fausses données. Cela dépend des avantages qu’ils pourraient en tirer comme l’envoi de promotions, et des inconvénients qu’ils pourraient subir notamment sur leur vie privée : plus les données sont privées, plus l’utilisateur craint qu’elles soient utilisées, moins il les communique. De plus, le fait que les internautes ne sachent pas à qui sont transmises les données ne les rassure pas. Les sociétés devraient donc être plus transparentes avec leurs utilisateurs concernant les personnes chargées de traiter et stocker les données. Le législateur, en 2004, a prévu une loi pour la confiance dans l’économie numérique afin d’obliger les sociétés à récolter le consentement des utilisateurs dès lors qu’elles souhaitent exploiter leurs données. Cependant, une méfiance persiste chez les consommateurs notamment concernant le transfert des données personnelles entre les différentes entreprises, et le démarchage commercial que ces dernières utilisent souvent de manière intempestive.

Pour que les internautes divulguent leurs informations personnelles plus facilement, il ressort de leurs déclarations que les entreprises devraient leur offrir un avantage en contrepartie. Il faut aussi limiter les inconvénients qu’ils peuvent rencontrer par cette divulgation. En effet, les utilisateurs souhaitent connaitre la raison pour laquelle ils doivent communiquer certaines informations personnelles (par exemple, certains jugent nécéssaire de partager leurs informations pour recevoir de la documentation, mais refuseraient de les partager à des fins politiques). D’autres facteurs peuvent réduire les craintes présentes chez les utilisateurs : un nombre limité de questions, le choix d’un vocabulaire clair et facilement compréhensible, l’utilisation anonyme des informations, ainsi que la taille et la réputation de la société qui récolte les données.

Conclusion

Cette étude met en exergue la perception par les internautes de l’utilisation de leurs données personnelles. Ainsi, il en ressort qu’ils ont des craintes du fait du caractère privé des données, de la méconnaissance des sociétés qui les exploitent et de la vente de celles-ci entre les établissements. Pour autant, les utilisateurs ne sont pas opposés à divulguer leurs informations s’ils obtiennent une contrepartie et que les sociétés sont transparentes sur l’exploitation de leurs données. Ainsi, les entreprises doivent redoubler d’effort afin d’inspirer confiance aux utilisateurs, en faisant notamment attention au vocabulaire employé et au choix des informations demandées.

 

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