L’impact d’un changement organisationnel sur les salariés et les clients

Sabine ReydetLaurence Carsana (2020), L’impact d’un changement organisationnel sur les salariés et les clients, Revue française de gestion, (N° 288), pages 61 à 82 https://www-cairn-info.devinci.idm.oclc.org/revue-francaise-de-gestion-2020-3-page-61.htm?contenu=article

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Mots clés : Changement organisationnel, Salariés, Clients, Milieu bancaire

 

Aujourd’hui en France, comme partout en Europe, l’environnement bancaire français est en pleine mutation. Dans la zone euro, le nombre de points de vente est passé de 176 000 à 156 000 entre 2011 et 2015, soit une baisse de plus de 11 %. Un phénomène que l’on retrouve dans l’ensemble des pays, sauf en France, où la diminution n’est que de 2,2 % sur cette même période. Cela risque de ne pas durer, car les tendances comportementales sont sans appel : les clients fréquentent de moins en moins les agences bancaires et réalisent une bonne partie des opérations courantes via les outils digitaux.

Dans cet article, on étudie un changement organisationnel bancaire avec un double apport. Le premier réside dans l’approche longitudinale du processus de diffusion. Le second concerne la mesure de ses impacts sur les salariés (tensions de rôles) et les clients (qualité de la relation).

 

Développement:

Dans cette étude, les chercheurs étudient les chaînes de contrôle des banques européennes et en nous interrogeant tout particulièrement sur le rôle joué par les actionnaires ultimes lorsque ceux-ci possèdent davantage de droits de contrôle que de droits pécuniaires.

Après avoir proposé, dans un premier temps de parler du changement organisationnel ainsi que des tensions du rôle, dans un second temps, on aborde l’étude qualitative, ensuite on nous parle des conséquences du changement en externe, puis pour finir, on aborde les contributions, limites et voies de recherche.

Au vue de nouveau concurrent et que le développement des banques en ligne s’accélère, une question centrale se pose pour les banques traditionnels : Faut-il fermer des agences pour pérenniser le modèle économique ou faut-il repenser son rôle dans l’organisation commerciale ? Certaines ont fait le choix de fermer, d’autres repensent leur modèle organisationnel.

Les chercheurs essaient de comprendre l’émergence éventuelle de tensions de rôles chez les collaborateurs et font le lien avec la littérature sur les tensions de rôles, qui peuvent s’exprimer sous forme de conflits de rôles, d’ambiguïtés de rôles et de surcharge de travail. Le premier intérêt de cette recherche est d’identifier les tensions de rôles émergentes durant les différentes phases de diffusion du changement et les moyens pour les réduire. Le second intérêt de cette recherche sera de prolonger l’exploration des conséquences d’un changement organisationnel en externe. Cette recherche mesurera l’impact d’un tel changement sur la confiance perçue du client, sa satisfaction ou encore son comportement comme le suggère la littérature en marketing relationnel (Morgan et Hunt, 1994).

Dans cette article les chercheurs tentent de répondre à la problématique suivante: comment diffuser et faire accepter un changement organisationnel en interne (en réduisant notamment les tensions de rôles émergentes) et mesurer l’impact de ce changement sur la relation client ?

La banque de détail en France est un secteur « de plus en plus complexe et imprévisible… et en proie à des mutations fréquentes » (Errotabehere, 2018, p. 45). Globalement, les réflexions menées au sein des principales banques de détail se focalisent sur deux volets.

  1. Le premier concerne l’évolution du métier de conseiller.
  2. Le second volet concerne la place à donner aux outils digitaux. Ils sont omniprésents et obligent les banques à revoir leurs services et la manière de les proposer aux clients.

Les processus de changement organisationnel relèvent de différentes approches dans l’entreprise. Chaque approche présente des informations nécessaires pour appréhender les situations complexes traversées par les organisations. Selon les chercheurs, l’approche temporelle tient compte de l’histoire de l’organisation, l’approche contingente intègre les contraintes environnementales comme une concurrence forte et/ou les développements technologiques. L’approche interprétativiste aide à donner un sens commun au changement, tout en prenant en compte les intérêts de chaque acteur (approche politique). Enfin, l’approche de la planification aide à séquencer le changement pour mieux le diffuser.

Le changement se propage selon différentes phases. Ces différentes phases doivent permettre l’installation du changement et son acceptation en interne, notamment par les collaborateurs. Dans la phase de lancement, une personne, voire un petit groupe de travail à l’initiative du changement, présente aux collègues le projet, et montre qu’il est nécessaire et constructif.

Dans le domaine bancaire, l’obtention d’une relation client optimale nécessite aussi d’avoir un management à l’écoute des collaborateurs. Dans un contexte de changement organisationnel et en présence de tensions de rôles, cette relation client optimale peut être plus difficile à obtenir même si le nouveau modèle organisationnel étudié valorise l’expertise du collaborateur et devrait proposer une véritable valeur ajoutée au client.

Plusieurs hypothèses sont soulignées par les chercheurs :

  • Hypothèse 1. Le changement organisationnel aura un effet positif sur la dimension de crédibilité du conseiller.
  • Hypothèse 2. La crédibilité du conseiller et la satisfaction sont deux médiateurs de la relation entre le changement organisationnel et le bouche-à-oreille.
  • Hypothèse 3. La crédibilité du conseiller ainsi que la satisfaction sont deux médiateurs de la relation entre le changement organisationnel et l’intention de comportement.

 

 

Résultats:

La banque étudiée a mis en place un changement majeur. Elle a choisi de réagir face à des évolutions contextuelles majeures que sont l’accentuation de la pression concurrentielle (apparition de nouveaux concurrents) et le développement des outils digitaux (consommateurs plus connectés). Nous sommes dans le cas d’un changement de niveau managérial (nouvelle relation commerciale) et opératoire (intégration forte des outils digitaux dans la proposition commerciale).

On observe qu’un effet indirect positif du changement organisationnel sur l’intention de comportement via la crédibilité et la satisfaction existe qui indique que la nouvelle organisation commerciale permet aux clients de trouver leurs conseillers plus experts, ils sont satisfaits de la relation client, ce qui leur donne envie de revenir plus souvent en agence.

Les résultats des études menées mettent en avant d’une part, la nécessité d’un travail institutionnel pour finaliser le changement. D’autre part, la modification des rôles des conseillers entraîne une meilleure satisfaction, crédibilité perçue et intention de visite en agence des clients..

 

 

Conclusion:

Cette recherche avait pour objectif d’étudier le processus de diffusion d’un changement organisationnel au niveau managérial et opératoire, proposé par une grande banque mutualiste française. Les apports de ce travail résident avant tout dans le double regard sur le ressenti de salariés (apparition des tensions de rôles) ET des clients (en termes de qualité de la relation) concernés par ce changement. L’approche longitudinale de cette étude présente un intérêt certain pour comprendre en profondeur l’émergence et la durée des différentes tensions de rôles. L’étude qualitative a montré l’importance d’un travail d’information et d’accompagnement de tous les acteurs pour mener le changement à son terme.

Bien que certaines tensions de rôles subsistent en interne, d’un point de vue externe, nos résultats montrent que les clients adhèrent au modèle organisationnel proposé.

 

Ouverture:

Il serait intéressant de voir si finalement, le changement organisationnel ne serait pas devenu la norme dans un secteur financier soumis à des bouleversements récurrents, tant technologiques, économiques qu’humains.

 

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