Les comportements de détention de liquidités dans les sociétés non financières du G7 ont-ils évolué depuis la crise ?

Sylvain Broyer, Emmanuel Schneider et Cyril Verluise (2016), Les comportements de détention de liquidités dans les sociétés non financières du G7 ont-ils évolué depuis la crise ?, Revue d’économie industrielle, pages 97 à 123 https://doi.org/10.4000/rei.6340

 

Mots clés : Entreprises internationales, Cycles économiques internationaux, Crises financières, Finance d’entreprise

 

Dans cet article on parle principalement es des entreprises (telles que : Apple, Microsoft, Google, Verzion et Pfizer au USA) qui ont accumulé des niveaux de cash sans précédent depuis la crise financière 2007-2009.

Les chercheurs observent ici l’évolution de la détention de liquidités par les entreprises du G7 et réalisons un test économétrique afin d’identifier si la crise financière a amené un changement de régime dans la détention de liquidités.

 

Développement:

Dans cet article, on nous parle des évolutions de liquidités dans les sociétés non financières du G7 depuis crise financière ayant eu lieu en 2007-2009.

Après avoir proposé, dans un premier temps exposer les déterminants de la détention de liquidité, dans un second temps, on nous parle de la dynamique de détentions de liquidés par les entreprise du G7, et pour finir on aborde le régime de détention de liquidités et modèles de financement nationaux, avant de nous montrer le changement de régime et l’intermédiation financière.

L’accumulation de cash par les entreprises résulterait des difficultés d’accès au financement bancaire qu’elles ont subies lors de la crise financière ; difficultés qui avaient contraint certaines à vider leurs stocks et à stopper les lignes de production, d’autres à la faillite, participant à l’arrêt soudain du G7 et à la récession mondiale du quatrième trimestre 2008 au premier trimestre 2009.

Le cash holding est l’existence de coûts engendrés par la détention de liquidités. Ces coûts sont constitués d’un coût de « stockage » et d’un « coût d’opportunité ». La théorie de la demande de monnaie dans les entreprises remonte à Keynes (1936). Il propose deux motifs de détention de liquidités : le motif de transaction et le motif de précaution. Cela repose sur le fait que les liquidités évite un certain nombre de coûts liés aux transactions courantes (coûts de levée de fonds et coûts de vente d’actifs)

La théorie de la demande de monnaie par les firmes s’enrichit de deux autres motifs : le motif d’agence et le motif de taxation.

Pour évaluer l’existence d’un changement de régime de cash holding, la méthodologie la plus courante consiste à estimer une relation entre le ratio de liquidité et les différentes variables explicatives (flux de trésorerie, secteur, dépenses en capital, levier, market-to-book, R&D, dividendes, taille, cession nette d’actions, beta CAPM, part des revenus réalisés à l’étranger et taux d’imposition).

Un grand nombre de tests ont été mis en place par les chercheur et les indications délivrées par le score de Chow s’avèrent fiables et la série de z-tests nous permet de conclure. En France, au Canada, en Italie et en Allemagne les comportements de détention de liquidités n’ont pas changé. Au contraire, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Japon, ces comportements ont fait l’objet d’un changement profond. Plus particulièrement, le poids accordé au motif de précaution occupe une place prédominante dans ce changement de régime.

La détresse financière rencontrée par les entreprises face au resserrement du crédit bancaire en 2007-2008 est couramment retenue comme étant la cause du changement de régime de cash holdings dans les SNF. Les enquêtes de conditions de crédit montrent également que le rationnement du crédit bancaire aux entreprises ne peut pas vraiment être imputé à la demande. En zone euro, les conditions de crédit n’ont pas été assouplies par les banques avant 2015, et ce de façon très modérée.

 

Résultats:

Les chercheurs ont développé une méthode de tests robuste à cette critique. En proposant un test économétrique de rupture temporelle afin d’identifier l’existence d’un changement de régime de détention de liquidités.

En analysant la somme des liquidités détenus par les SNF (sociétés non financières), les chercheurs ont observés que les volumes de liquidités détenus par les SNF des pays du G7 augmentent tendanciellement tout au long de la période 1990-2014

L’accumulation de cash résulterait des difficultés d’accès au financement bancaire que les entreprises ont subies lors de la crise financière et également une nette accélération pour la plupart des pays du G7 à partir de 2008.

Les résultats indiquent alors que la hausse des liquidités ne s’explique par le motif de précaution que dans les pays du G7 où la désintermédiation des financements externes a progressé depuis la crise (États-Unis, Grande-Bretagne, Japon).

De plus, en Europe continentale, les tests des chercheurs infirment l’hypothèse d’un changement de régime de détention du cash.

 

Conclusion:

Les études économétriques menées par les chercheurs leur permettent d’affirmer que les niveaux de liquidités détenus par les SNF du G7 atteignent effectivement des records historiques, en termes absolus comme relatifs, mais que cela ne suffit pas à conclure à un changement de comportement d’accumulation de cash.

Ce sont effectivement les économies les plus affectées par la contraction du crédit bancaire qui ont développé un nouveau régime de détention motivé par la précaution.

Pour se prononcer sur le caractère « anormal » des niveaux de liquidités, il était nécessaire de se situer dans un contexte national et de mener une analyse économétrique rigoureuse.

Les pays pour lesquels un changement de régime est avéré (Japon, États-Unis et Grande-Bretagne) requièrent une attention particulière. Leurs niveaux de cash historiquement hauts sont nourris à la fois par la modification des caractéristiques moyennes des entreprises et par un changement des comportements de détention entraîné par un renforcement du motif de précaution.

 

 

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