Mesurer l’activité durant la crise sanitaire

Didier BlanchetJean-Luc Tavernier (2020), Mesurer l’activité durant la crise sanitaire, Revue de l’OFCE, (166), pages 23 à 44 https://doi.org/10.3917/reof.166.0023

 

Mots clés : Crise sanitaire, Diagnostic conjoncturel, Comptes nationaux

 

Au sein de cette étude, on aborde la crise sanitaire de la COVID-19 au cours des derniers mois à date de décembre 2020. Les acteurs du suivi économique conjoncturel ont du mettre en places des adaptations au cours de cette crise.

Les évaluations de l’ampleur du choc se sont accumulées et affinées au fil des semaines, chaque organisme y contribuant selon ses tropismes et ses avantages comparatifs, chacun tirant parti des travaux des autres et les nourrissant en retour.

Dans cet article, les chercheurs on essayer d’établir et de mettre en avant dans cette article, un premier bilan de cette période compliquée. Pour ce faire, il se pose principalement trois questions en terme d’instruments de mesure, l’objet même de cette mesure, et la comparabilité internationale des chiffres.

 

Développement:

Tout d’abord on nous parle du contexte actuel particulier lié à la pandémie de la COVID-19 et comment l’INSEE arrive a suivre l’activité économique.

En temps normal, l’INSEE alimente le diagnostic sur l’économie française de trois manières :

  1. Son département de la conjoncture produit tous les trois mois une Note ou un point de conjoncture avec des premières estimations de l’évolution de l’économie française sur le trimestre qui s’achève ou vient de s’achever, et des prévisions courant sur le trimestre ou les deux trimestres suivants.
  2. Les comptes trimestriels publient ensuite leurs estimations de l’évolution effective de l’économie sur le trimestre écoulé : la première estimation est publiée un mois après la fin du trimestre, elle consiste en une fiche de PIB présentant l’évolution de ce dernier et de ses principales composantes.
  3. Enfin, l’estimation complète des comptes nationaux est fournie par les comptes annuels mais bien plus tardivement, parce que s’appuyant principalement sur des données comptables d’entreprises dont les remontées ne sont que très progressives et qui nécessitent un important travail d’analyse et de mise en cohérence.

Mais la pandémie actuelle est venue bousculée ce dispositif traditionnel. En effet, en ce qui concerne les comptes annuels, le risque était que le passage en télétravail ne permette pas de les boucler en temps et en heure : tel n’a pas été le cas, ils ont été normalement publiés fin mai. D’un point de vue trimestriels les comptes du 1er trimestre 2020 qui étaient attendus pour la fin avril étaient en revanche directement concernés par la crise, son déclenchement ayant affecté les deux dernières semaines de ce premier trimestre : il fallait se préparer à rendre compte de cet impact. Suite à ça, l’INSEE a décidé de ne pas rentrer dans cet exercice de 2020.

Comme nous avons pu le voir dans une étude (Mesurer l’impact de la crise Covid-19) du même journal, l’INSEE, comme la Banque de France, ainsi que d’autres organismes gérant des statistiques, ont dû adapter leurs modalités de travail.

Il est important de noter que la situation actuelle est très différente de celle qu’on avait connue lors de la crise de 2008-2009, où la qualité des estimations et des prévisions avait déjà été fortement mise à mal. C’est pourquoi les services statistiques ministériels n’ont pas été en reste. Ainsi, la Dares, service statistique du ministère en charge du travail, a lancé la publication hebdomadaire d’un tableau de bord permettant de suivre en temps réel la progression des demandes d’activité partielle.

La complémentarité entre les sources statistiques traditionnelles et les nouvelles sources de données mobilisées depuis le début de la crise sanitaire avancent ensemble sur ce sujet sensible. Mais cette complémentarité des différents outils n’était pas acquise d’entrée de jeu, en tirer parti découle d’un processus progressif de preuve par l’exemple et de mise en confiance des détenteurs de ces données. De ce point de vue, cette crise très inédite aura effectivement constitué un contexte propice aux avancées.

 

Résultats:

Dans cette étude, en même temps que de suivre les décès de façon hebdomadaire pandas la pandémie, il restait quand même important de mesurer les conséquences économiques de cette crise sanitaire et leur traduction en points de PIB.

En résultats, les chiffres sont finalement bien installés dans le débat public, avec moins de contestation qu’on ne pouvait le craindre. La raison vraisemblable est que, pour le coup, on est dans un cas de figure où la mission du PIB est la moins susceptible d’être mal comprise. Derrière son chiffre, il y a les revenus de la population, les risques de tomber au chômage ou de ne pas trouver d’emploi, les baisses de chiffres d’affaires et les risques de défaillance d’entreprises, les conséquences de tout cela pour les finances publiques.

Paradoxalement, la crise est ainsi venue fournir un lot d’arguments pour le courant de défense du PIB ou de la comptabilité nationale en général. Et en réalité, le principe de mesurer l’activité du secteur public par les coûts de production ne vaut que pour l’activité en valeur.

 

Conclusion:

En conclusion, face à une telle crise, ce n’est pas de moins de comptabilité nationale qu’on a besoin : ce qui s’est passé et ce qui nous attend rendent encore plus nécessaire qu’à l’ordinaire un suivi de la situation économique des différents agents, pour apprécier lesquels et à quelle hauteur ont besoin d’être soutenus. De plus, en temps normal la comparabilité des chiffres n’est pas aussi affirmée que ce qu’on serait en droit d’attendre. Le contexte de crise a encore plus accentué ce problème.

 

Références:

  • Blanchet D. et Givord P., 2017, « Données massives, statistique publique et mesure de l’économie », L’Économie française ; comptes et dossiers, édition 2017, Coll. Insee références, pp. 59-77.
  • Blanchet D., Khder M.-B., Leclair M., Lee R., Poncet H. et Ragache N., 2018, « La croissance est-elle sous-estimée ? », L’Économie française ; comptes et dossiers, édition 2018, Coll. Insee références, pp. 59-79.
  • Blanchet D., 2020, « Comptabilité nationale et mesure de l’activité : quelques questions pour pendant et pour après la crise », Blog de l’Insee, 17 juillet.
  • Bortoli C. et Combes S., 2015, « Apports de Google Trends pour prévoir la conjoncture : des pistes limitées », Note de conjoncture de mars 2015, Insee, pp. 43-56.
  • Coyle D., 2017, « Do it yourself digital: the production boundary and the productivity puzzle », ESCoE Discussion paper, 2017‑01.
  • Diewert E. et Fox K.J., 2020, « Measuring Real Consumption and CPI Bias under Lockdown Conditions », NBER Working Paper, n° 27144.
  • Eurostat, 2020a, « Guidance on the compilation of the HICP in the context of the Covid-19 crisis », Methodological note, 3 avril.
  • Eurostat, 2020b, « Guidance on quarterly national accounts estimates in the context of the covid-19 crisis », Methodological Note, 24 avril.
  • Ferrara L. et Simoni A., 2019, « When are Google data useful to nowcast GDP? An approach via pre-selection and shrinkage », Working Paper, n° 2019-04, Center for Research in Economics and Statistics.
  • Insee, 2020a, « Mesure et prévision en temps de crise : une comparaison avec la période 2008-2009 », Point de conjoncture du 9 avril.
  • Insee, 2020b, « Quelle mesure de l’évolution des prix en période de confinement ? », Point de conjoncture du 17 juin.
  • Jany-Catrice F., 2019, L’indice de prix à la consommation, Coll. Repères, La Découverte.
  • Lazer D., Kennedy R., King G. et Vespignani A., 2014, « The parable of Google Flu: Traps in big data analysis », Science, vol. 343 (6176), pp. 1203-1205.
  • Le Bayon S. et Peleraux H., 2020, « Les comptes nationaux à l’épreuve du coronavirus », Blog de l’OFCE, 12 juin.
  • Lequiller F. et Blades D., 2014, Understanding National Accounts, Second Edition, OECD Publishing.
  • Meunier F., 2020, « Il faut beaucoup, beaucoup investir dans les comptes nationaux », Blog de l’AFSE, 4 mai.
  • OFCE, département analyse et prévision, 2020, « Évaluation au 20 avril 2020 de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement en France : Comptes d’agents et de branches », OFCE Policy brief, n° 66, avril.
  • Tavernier J.-L., 2020a, « Introduction », Point de conjoncture du 26 mars.
  • Tavernier J. L., 2020b, « La statistique publique à l’épreuve de la crise sanitaire », blog de l’INSEE, 6 mai.
  • Wyplosz C., 2019, « En défense du PIB », Telos, 20 novembre.