Le management des normes, un nouvel avantage concurrentiel pour les banques. Cas d’une banque régionale

Joëlle Randriamiarana (2016), Le management des normes, un nouvel avantage concurrentiel pour les banques. Cas d’une banque régionale, Management & Avenir, (N° 90), pages 61 à 85 https://doi.org/10.3917/mav.090.0061

 

Mots clés : Management, Concurrentiel, Banques

 

Dans cet article, on nous présente les différents dispositifs qui ont été mis en place par une banque mutualiste pour le pilotage de la liquidité dans le cadres des normes Bâle III qui est une réforme mise en place afin de renforcer le système financier à la suite de la crise financière de 2007. Il faut savoir que les réglementations s’adaptent aux différentes crises et les établissements bancaires, à leur tour, doivent faire face aux nouvelles règles et normes édictées et s’organiser en conséquence.

Selon les chercheurs, le métier bancaire est complexe du fait de la multitude de créanciers qui sont des déposants de toute sorte. La banque a de ce fait une gouvernance particulière, qui n’est pas limitée aux cercles clos des conseils d’administration et de surveillance, mais ouverte aux organismes de tutelle. Ainsi, depuis la fin des années 1980, la gouvernance des établissements est étroitement liée aux régulations mises en place dans le cadre des accords de Bâle.

L’article met donc en avant l’étude de cas construite à partir d’une recherche-accompagnement auprès des différents établissement bancaires, en examiner l’impact des changements de règlementations de la réforme de la Bâle.

Tout ceci afin d’essayer de répondre à cette question : Comment les banques peuvent-elles faire du management des normes une nouvelle source d’avantages concurrentiels ?

 

Développement:

Après avoir proposé, dans un premier temps des apports et limite de cette réforme qu’est la Bâle III, dans un second temps, on nous expose la méthodologie de recherche, et enfin on ouvre la discussion sur les résultats et les développements possibles.

Afin de traiter la problématique exposée, nous nous sommes intéressés au cas d’un établissement de type mutualiste qui est dans le processus de mise en place de la réglementation Bâle III depuis janvier 2013.

 

  • Bâle III

Les établissements bancaires et mutualistes sont actuellement soumis à des contraintes dans la mise en place de Bâle III, qui impose des exigences aussi bien qualitatives que quantitatives dans les reporting.

Les objectifs de cette norme sont notamment d’assurer la résilience et la viabilité du secteur bancaire, en complément de la protection des dépôts des clients et la stabilité du système financier. Pour les exigences qualitatives, depuis 2008, on compte plus d’une quinzaine de recommandations publié dans « les Principes de saine gestion et de surveillance du risque de liquidité ». En ce qui concerne les exigences quantitatives, qui se traduisent par le respect des ratios réglementaires. À chaque réglementation du comité de Bâle, de Bâle I à Bâle III, ces exigences qualitatives, quantitatives et de reporting ont évolué, nécessitant une gestion différente.

L’une des propositions de la tétranormalisation est de constater que les normes, quel que soit leur domaine d’application, ont des conséquences paradoxales. D’un côté, elles créent de la sécurité et réduisent l’incertitude, de l’autre, elles peuvent être sources de perturbations dans les organisations.

 

  • Méthodologie

La recherche-accompagnement qui a été la méthodologie retenue par les chercheurs de cette étude, nécessite des observations longitudinales de terrain, avec une présence partielle, d’une part, et une situation d’interactivité avec les acteurs, d’autre part, remplissant ainsi les principaux critères de l’étude.

Pour recontextualiser un peu les choses, l’étude s’est déroulée en deux phases (une phase d’observation et une autre d’échanges sous forme d’entretiens) et a eu lieu sur une période de dix-neuf mois, plus précisément de juin 2014 à décembre 2015. Son objectif était de comprendre comment la réglementation Bâle III a été mise en place au sein de l’établissement mutualiste sur lequel l’étude s’appuie.

 

  • Discussions et développements

L’étude menée dans cette article a permis de souligner l’importance de la gestion des contraintes normatives dans le cadre de la mise en place de la réglementation Bâle III. Cependant l’étude présente certaines limites liées à la période d’observation. Celle-ci correspond à l’entrée en vigueur du premier ratio, trop prématurée pour analyser l’arbitrage qui aurait pu être fait par l’établissement sur les différents ratios à respecter.

 

Résultats:

Les résultats soulignent le caractère contraignant de la réglementation au sein de l’établissement bancaire mutualiste, d’autant plus que le respect des ratios représente de véritables enjeux stratégiques, laissant peu de place à l’arbitrage. En nous basant sur l’analyse des facteurs clés de succès d’une gestion efficiente des normes, tels que présentés par la théorie de la tétra normalisation, nous observons une véritable implication de la direction dans l’orchestration de la réglementation qui a nécessité la mise en place d’une ingénierie normative adaptée.

Les résultats issus de cette recherche montrent bien que de nombreux changements sont observés essentiellement au niveau de l’organisation, guidés par l’obligation de piloter la liquidité à court terme.

Les résultats soulignent en outre le renforcement des travaux collaboratifs entre financiers et commerciaux, les dispositifs préconisés par la théorie de la tétranormalisation se retrouvent dans les mesures prises par l’établissement étudié.

 

Conclusion:

Dans cet étude, on nous montre la réglementation est considérée comme contraignante par les parties prenantes en interne, et que l’entreprise sur laquelle l’étude est basée a cependant su anticiper les changements en mettant en place une gestion qui, à de nombreux égards, est en accord avec les préconisations de la théorie de la tétranormalisation qui sera décrite ultérieurement.

On note également qu’une la crise de 2007 a montré qu’une gestion stricte de la liquidité est plus que jamais indispensable.

 

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