La crise de la Covid-19 changera-t-elle notre façon de faire de l’économie ?

Xavier Ragot (2020), La crise de la Covid-19 changera-t-elle notre façon de faire de l’économie ?, Revue de l’OFCE, pages 5 à 21 https://doi.org/10.3917/reof.166.0005

 

Mots clés : Pandémie, Politiques publiques, Comptes nationaux

Dans cette article, on parle de la pandémie de la covid-19 qui a provoqué une crise sanitaire et économique récemment. Suite à cette crise, l’économie a été fortement perturbée et il a fallu rapidement que les économiste adaptent les outils d’analyse et les prévision économiques. Dans ce contexte d’incertitude sur l’évolution de l’épidémie, il a fallu situé l’état de l’économie des ménages et des entreprises. Cette crise conduit à repenser les concepts-clés de l’analyse économique.

Cette recherche a pour objectif d’étudier en “temps réel” l’économie en cas de crise. Dans cette crise, on peut alors résumer l’analyse économique en trois parties qui sont: la mesure (recherche d’informations en effectuant par exemple des enquêtes), la mise en cohérence (comprendre globalement la situation), l’analyse et les prévisions (faire l’état de l’économie).

 

Développement:

Après avoir proposé, dans une première section, de comprendre le présent en période d’incertitudes, et dans la deuxième section, on nous présente les questions posées à l’analyse économique de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques).

 

  • Comprendre le présent en période d’incertitudes

Ici, les chercheurs mettent avant quatre incertitudes:

  1. Epidémique : on ne connait pas à cette date en 2020 l’ampleur et le niveau de contamination.
  2. Effets économiques de la stratégie de confinement : confinement qui a provoqué l’arrêt d’un grand nombre d’entreprise et donc un profond ralentissement de l’activité dans certains secteur, conduisant au chômage.
  3. Effet des autres politiques économiques : activités partielles, indemnisations, plan de relance…
  4. Comportement des ménagers et des entreprises dans un tel environnement : il est donc difficile de déterminer la demande des consommateurs et donc de l’activité économique.

 

  • Questions pour l’analyse économique qui viennent interroger la mesure de l’activité économique.Les chercheurs de cette études se sont poser plusieurs questions :
    1. Quel sens donner à l’évolution des prix des services quand la notion même de qualité ne peut être mesurée ? (Valeur)
    2. Comment la crise est-elle socialement partagée ? (Inégalités)
    3. De quelle façon l’économie est-elle financée ? (Finance)
    4. Qu’est-ce qu’un choc d’offre et un choc de demande et quelles sont leurs implications sectorielles ? (Economie)
  1. Valeur : étudier les comptes d’agents et le marché de travail a permis de rendre compte de la dynamique du sous-emploi en évitant de s’exprimer sur les questions difficiles de l’indice des prix pertinents.
  2. Inégalités : L’OFCE a essayé de mesurer ces effets par des évaluations ex ante en utilisant l’enquête Budget des familles et en simulant les effets de la crise selon les estimations.
  3. Finance : Les entreprises ont absorbé le choc par un accroissement de l’endettement, qui a cependant permis à ces dernières de constituer des réserves de trésorerie. Face à un choc comme la crise de la Covid-19, l’intégration d’éléments financiers de bilan est nécessaire afin d’identifier les fragilités financières susceptibles de déstabiliser la dynamique économique.
  4. Economie : La crise de la Covid-19 conduit à remettre en cause une simple distinction entre offre et demande. En particulier, la fermeture administrative de certains secteurs constitue à la fois des chocs d’offre et de demande dans des proportions qu’il faut estimer.

 

Résultats:

Dans cet étude, on nous montre que dix analyses ont été réalisées concernant la consommation des ménages, l’investissement des entreprises, le nombre de télétravailleurs, l’impact de la fermeture des écoles, le tourisme, entre autres.

Ces analyses ont consisté, à estimer l’effet des mesures annoncées (confinement, télétravail) sur les composantes essentielles de la demande (consommation et investissement) et de l’offre (télétravail et activité partielle).

L’estimation de la chute de PIB mensuel par mois de confinement a été de 20 points de PIB mensuel, soit 60 milliards d’euros par mois. Cette estimation, d’une ampleur immense, était proche mais différente de celle de l’INSEE qui prévoyait une chute de la consommation des ménages à 35 points de pourcentage alors que l’OFCE l’estimait à 26 par mois de confinement, avec de grandes incertitudes.

Au 16 octobre 2020, l’INSEE évalue la chute de la consommation à 32 % au mois d’avril 2020 par rapport au mois de février 2020. Dans un tel environnement, la précision de ces estimations (après seulement deux semaines de confinement) apparaît remarquable.

De ces analyses il en ressort que l’utilisation de cadres comptables cohérents, comme les interdépendances sectorielles dans le Tableau d’Entrée-Sortie, ou la circulation du revenu au sein du Tableau Économique d’Ensemble sont des outils essentiels, qui obligent à une cohérence logique et qui orientent l’analyse économique.

 

Conclusion:

En date de cette étude (2 trimestre 2020) il était prématuré de savoir si cette crise changera l’analyse économique. Pour information, cela n’a pas été le cas de la crise de 2008. La période dans laquelle l’article a été écrit est plutôt celle de l’identification des zones d’ombre nouvelles dans la compréhension du fonctionnement de nos économies.

Il faut donc reconnaître que les quatre questions principales posées dans ce texte n’épuisent pas le champ de toutes les interrogations qui naissent de la crise de la Covid-19. Ces dernières vont de la mesure économique elle-même à la compréhension de nouveau mécanisme.

 

Ouverture:

Selon les chercheurs, on pourrait ajouter à cette étude la question de la mesure du chômage en période de crise sanitaire, qui remet en cause les définitions traditionnelles, comme celle du BIT (Bureau international du travail), du fait de l’indisponibilité à court terme des travailleurs. On pourrait également ajouter les effets des politiques monétaires non-conventionnelles sur l’octroi de crédit et sur la dynamique de la consommation et de l’investissement. Toutes ces interrogations sont légitimes et pourront donner lieu à de nombreux travaux au sein de la science économique.

 

Références:

  • Antonin Céline, 2020, « Pétrole : chronique d’un effondrement », OFCE Policy brief, n° 68, 8 mai.
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  • Blanchet Didier et Jean-Luc Tavernier, 2020, « Mesurer l’activité durant la crise sanitaire : premiers éléments de bilan », Revue de l’OFCE, n° 168, novembre.
  • Dauvin Magali, Paul Malliet et Raul Sampognaro, 2020, « Impact du choc de demande lié à la pandémie de la Covid-19 en avril 2020 sur l’activité économique », Revue de l’OFCE, n° 168, novembre.
  • Dauvin Magali, Bruno Ducoudré, Éric Heyer, Pierre Madec, Mathieu Plane, Raul Sampognaro et Xavier Timbeau, 2020, « Évaluation au 26 juin 2020 de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures du confinement et du déconfinement en France », OFCE Policy brief, n° 75, 26 juin.
  • Ducoudré Bruno et Pierre Madec, 2020, « Évaluation au 6 mai 2020 de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement sur le marché du travail en France », OFCE Policy brief, n° 67, 6 mai.
  • Département analyse et prévision de l’OFCE, 2020a, « Évaluation au 30 mars 2020 de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement en France », OFCE Policy brief, n° 65, 30 mars.
  • Département analyse et prévision de l’OFCE, 2020b, « Évaluation au 20 avril 2020 de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement en France : comptes d’agents et de branches », OFCE Policy brief, n° 66, 20 avril.
  • Département analyse et prévision de l’OFCE, sous la direction d’Éric Heyer et de Xavier Timbeau, 2020c, « Évaluation de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement sur l’économie mondiale en avril 2020 », OFCE Policy brief, n° 69, 5 juin.
  • Ghosh A., 1958, « Input-Output Approach to an Allocation System », Economica, vol. 25, n° 97, pp. 58-64.
  • Guerini Mattia, Lionel Nesta, Xavier Ragot et Stefano Schiavo, 2020, « Dynamique des défaillances d’entreprises en France et crise de la Covid-19 », OFCE Policy brief, n° 73, 19 juin.
  • Guerrieri Veronica, Guido Lorenzoni, Ludwig Straub et Iván Werning, 2020, « Macroeconomic Implications of COVID-19: Can Negative Supply Shocks Cause Demand Shortages? », NBER Working paper, n° 26918.
  • Insee, 2020, « Mesure et prévision en temps de crise : une comparaison avec la période 2008-2009 », Point de conjoncture, 9 avril.
  • Jusot Florence, Pierre Madec, Jean-Philippe Bertocchio, Bruno Ducoudré, Mathieu Plane, Raul Sampognaro, Xavier Timbeau, Bruno Ventelou et Jérôme Wittwer, 2020, « Les ‘vulnérables’ à la COVID-19 : essai de quantification », OFCE Policy brief, n° 74, 26 juin.
  • Plane Mathieu, « Covid-19 et entreprises : comment éviter le pire ? », OFCE le blog, 29 mai 2020.
  • Tavernier Jean-Luc, 2020, « La statistique publique à l’épreuve de la crise sanitaire », blog de l’INSEE, 6 mai.