Le côté obscur de la relation banque-entreprise : les risques du marketing relationnel

François Geoffroy, Pascal Koeberlé (2019), Le côté obscur de la relation banque-entreprise : les risques du marketing relationnel, Recherches en Sciences de Gestion (N° 131), pages 63 à 87  https://doi-org.devinci.idm.oclc.org/10.3917/resg.131.0063

 

Mots-clés : Marketing transactionnel, Marketing relationnel, Côté obscur, Relation banque-PME

 

Le marketing relationnel a connu un engouement sans précédent aussi bien sur le plan théorique que pratique. Au cours de ces dix dernières années, le marketing relationnel a été de plus en plus critiqué. En effet, il est plutôt vu négativement, car il est difficile de porter le marketing relationnel vers des relations sociales durables. En outre, le marketing relationnel est porteur de risques.

Dans l’étude de cet article, les chercheurs visent à apporter une analyse critique du marketing relationnel au sein des banques. L’objectif est donc de comprendre pourquoi les banques mettent en place le marketing relationnel au cœur de leurs préoccupations.

Pour comprendre ceci, les chercheurs vont analyser le fait de passer du marketing transactionnel à du marketing relationnel, ainsi que de comprendre le basculement vers le “côté obscur”, qui pousse les fournisseurs à attirer davantage le client, à ses dépens.

 

Développement: 

Ainsi, les chercheurs ont formulé les questions de recherche suivantes :

  1. Existe-t-il un marketing relationnel dans la relation banque-entreprise ?
  2. Le côté obscur émerge-t-il dans cette relation bancaire, et sous quelles formes ?

Pour y répondre, ils ont mobilisé deux parties théoriques qui constituent le cadre théorique : le marketing relationnel et le côté obscur.

Les chercheurs finissent donc par définir d’une part, le marketing transactionnel, et d’autre part le marketing relationnel. Selon eux, une relation transactionnelle est une relation entre client et fournisseur, dans laquelle l’échange est ponctuel. Dans ce type de marketing, les acteurs sont individualistes et calculateurs, leur choix repose essentiellement sur la variable prix ou la diminution de leurs coûts. Ce phénomène se traduit par l’intérêt qu’un individu s’engage dans ce genre de relation et n’hésitera pas à contracter avec la concurrence si celle-ci est plus avantageuse. Selon les chercheurs, ce type d’échange est basé sur un contrat exclusivement juridique, une transaction sans éléments relationnels, historiques, contextuels. Cependant, après plusieurs décennies de recherches, la relation du marketing relationnel est désormais considérée comme essentielle dans l’efficacité de l’échange commercial.

Suite à l’étude des chercheurs, la transition d’un marketing transactionnel à un marketing relationnel nécessite une remise en question du rôle de la fonction marketing et de son organisation.

Après analyse du marketing relationnel et du marketing transactionnel, cette étude nous montre le “côté obscur” de ce type de marketing.

Il faut reconnaître que le marketing relationnel a de réels avantages, mais il existe aussi une dimension négative aux relations inter-organisationnelles, et celles-ci peuvent devenir très nocives. Les relations proches ne sont pas toujours synonymes de bons rapports inter-organisationnels. Plusieurs études sont en cohérences, dont celle de nos chercheurs dans cet article, et montrent que les  relations à long terme peuvent dériver de différentes manières :

  • avec le temps
  • les partenaires perdent leur capacité à être objectifs en raison d’une myopie relationnelle
  • développent des comportements opportunistes
  • augmentent leurs exigences vis-à-vis du partenaire

Ces différentes recherches fournissent une preuve de la présence et de la normalité du côté obscur dans les relations d’affaires. Le côté obscur est un dysfonctionnement inter-organisationnel qui s’étend à l’ensemble de l’activité professionnelle des partenaires.

 

Résultats:

Les chercheurs font face à des résultats d’une observation non participante réalisés au sein d’un centre d’affaires bancaire.

L’observation des résultats indique que le marketing relationnel ne semble pas être appliqué dans la Banque du Nord et reste un simple discours pour gagner en légitimité. La hiérarchie pousse, davantage les commerciaux à penser en termes de rentabilité que de relations à long terme. Le dilemme qui se pose est de savoir où se trouve la limite entre une rentabilité nécessaire à toute organisation et le côté obscur. Cette recherche démontre donc la présence du côté obscur au sein de la banque observée.

Au-delà de ces résultats, les apports théoriques et managériaux sont soulignés.

 

Conclusion:

Pour conclure, le marketing relationnel privilégie la confiance et les ajustements mutuels, c’est-à-dire du fournisseur et du client, étant sur un même pied d’égalité. Ce type de relation a pour avantage d’assurer une flexibilité, tout en évitant d’être contraint par des termes de contrat formalisé et rigide.

L’objectif de cette étude a été d’apporter une analyse critique du marketing relationnel dans l’industrie bancaire. Les résultats ont mis en lumière l’emprise de la rentabilité, de la productivité et de l’optimisation de portefeuille. C’est alors que le marketing relationnel est à l’évidence un mythe et la relation bancaire serait un terrain propice à l’apparition du côté obscur.

Toutefois, les conséquences du côté obscur restent très difficiles à quantifier. En effet, les données obtenues dans cette recherche sont insuffisantes pour établir précisément tout ce qui est affecté par le côté obscur.

C’est pourquoi, les chercheurs poursuivent leurs recherches, afin d’obtenir des outils permettant un meilleur contrôle du côté obscur dans les relations client et fournisseur.

 

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