Gestion de la cohérence des récits des marques de luxe sur Internet : Etude sémiotique et analyse comparée des secteurs de la maroquinerie et de la joaillerie

Geerts A., Veg-Sala N. (2011). Gestion de la cohérence des récits des marques de luxe sur Internet : Etude sémiotique et analyse comparée des secteurs de la maroquinerie et de la joaillerie, Revue française du Marketing, 233(3/5), p5-26.

Résumé :

Cet article a pour but de montrer au moyen de plusieurs études de cas qu’Internet n’est pas incompatible avec le luxe et ses caractéristiques particulières, il peut même être un atout, un moyen de renforcer les récits des enseignes de luxe et donc leur image de marque. Kapferer[1] souligne l’importance pour une marque de luxe de capitaliser sur son récit de marque, son histoire, son image ; la continuité d’un message stable dans le temps est essentielle dans la gestion d’une marque de luxe, elle assure sa construction et sa force.

Plusieurs auteurs mettent en évidence les risques et dangers d’Internet pour les marques de luxe : Roux et Floch[2] évoquent une perte de contrôle de l’image de la marque, tandis qu’Okonkwo[3] souligne l’absence d’expérientiel, de contact physique dans la vente en ligne. Or, l’utilisation des cinq sens est primordiale dans toute expérience d’achat de luxe, les produits de luxe sont des biens « sensoriels » et lors d’une expérience d’achat en boutique, le client cherche à ressentir le produit, à vivre une véritable expérience sensorielle liée à l’univers de la marque. L’étude de cas réalisée sur deux grandes maisons de joaillerie Van Cleef & Arpels et Boucheron montre que si la mise en place des récits de marque en ligne reste encore très conventionnelle, le secteur de la joaillerie développe de plus en plus d’applications innovantes et élaborées afin de pallier à cette absence de sensoriel et de contact humain sur le net.

Les résultats de l’étude montrent qu’il n’y a pas forcément incohérence entre luxe et Internet, si l’on utilise ce média de communication en maintenant une image et un discours de marque cohérent et en l’adaptant aux codes du luxe : la sélectivité et la rareté. Cela signifie utiliser un langage, des couleurs, des formes et des éléments spécifiques qui ont une symbolique associée au luxe. Dans le cas de l’e-commerce, il s’agit de développer des applications permettant de garder un contact privilégié avec le client afin de pallier l’absence de contact humain. Ce n’est donc pas le support de communication lui-même qu’il faudrait remettre en cause mais la manière dont les marques de luxe l’utilisent.

Note d’intérêt : Cet article est intéressant pour la suite de notre recherche puisqu’il étudie la présence sur Internet de deux grandes maisons de joaillerie Van Cleef & Arpels et Boucheron. Malgré les nombreuses oppositions entre luxe et Internet relevées dans la littérature, les marques de joaillerie de luxe se sont implantées sur Internet et ont lancé leur site d’e-commerce. Internet doit être considéré comme un atout, un support de communication fondamental, permettant aux maisons d’exprimer leur identité et un récit de marque cohérent. L’e-commerce est une vitrine pour ces maisons mais certains codes et caractéristiques doivent être respectés afin de maintenir une image de luxe et prestige à travers Internet, média de masse. C’est pourquoi il serait intéressant pour la suite de nos recherches de se demander comment le design, l’ergonomie d’un site m-commerce de joaillerie de luxe ainsi que les services proposés aux clients peuvent influencer la décision d’achat. Compte tenu des rapides évolutions socioculturelles, il serait intéressant d’étudier de nouveau les sites m-commerce actuels de Van Cleef & Arpels et Boucheron et ceux d’autres grandes maisons de joaillerie en concentrant notre analyse sur les éléments (formes, couleurs, langages, services, etc.) mis en place dans le but de créer une expérience d’achat de luxe.

[1] Kapferer J-N. (2004). The new strategic brand management, Kogan Page.

[2] Floch J-M., Roux E., (1996). Gérer l’ingérable : la contradiction interne de toute maison de luxe, Décisions Marketing, 9, p15-22.

[3] Okonkwo U. (2005). Can the Luxury Fashion Brand Store Atmosphere be transferred to the Internet.