Le traitement de faveur comme outil de recrutement de clientèle : le problème de la résistance du consommateur

Références : Butori Raphaëlle, Pez Virginie, Le traitement de faveur comme outil de recrutement de clientèle : le problème de la résistance du consommateur, Recherche et Applications en Marketing, 27, n°4

Mots-clés : CRM, traitement de faveur, recrutement client, résistance du consommateur, légitimité, réciprocité, don

Les auteures cherchent à travers leur recherche à découvrir les motivations psychologiques qui sous-tendent la résistance des consommateurs face à un traitement de faveur. Tout d’abord à travers une étude quantitative afin de confirmer l’idée qu’une résistance puisse s’opérer face à un traitement de faveur. Puis par la suite à l’aide d’une série d’entretiens menés avec 24 individus (seuil de saturation sémantique pour cette étude), choisis conformément au principe de diversification maximale (Miles et Huberman, 1994), et permettant une meilleure compréhension du phénomène, et l’application de sa compréhension au niveau managérial.

Les résultats permettent de répondre à trois grandes questions selon les auteures : « Pourquoi les consommateurs résistent-ils ? », « Comment les consommateurs résistent-ils ? », et enfin « Qui résiste ? ».

  • En premier lieu nous définirons les termes utilisés par les auteurs pour cet article.
  • Nous étudierons par la suite de quelle manière un individu considère un traitement de faveur en répondant à la question «Pourquoi les consommateurs résistent-ils ? ».
  • Enfin, nous répondrons aux questions citées après.
  • Nous donnerons dans la conclusion des conseils managériaux concernant l’utilisation des traitements de faveur.

Développement

Le traitement de faveur a déjà fait l’objet de plusieurs études, mais aucune ne s’est jusqu’alors penché sur son utilisation pour recruter de la clientèle. Le traitement de faveur est une sorte de récompense, dont on distingue deux types (Kumar et Shah, 2004) : récompenses contractuelles (explicitement formulées) et non-contractuelles (accordées de façon sélectives et individuelles). C’est à ces dernières que l’on s’intéresse ici. Le phénomène de résistance est quant à lui une réaction des individus pour « mettre en échec une tentative de pression ou d’influence perçue comme inacceptable ». Il découle de l’inférence des raisons qui justifient ce traitement. L’inférence est la tendance des individus à systématiquement se questionner à propos des intentions et des dispositions des personnes à partir de leurs actions (Jones et Davis, 1965 ; Jones et Harris, 1967). C’est-à-dire dans le cas présent, à se questionner sur le pourquoi du traitement de faveur. Dans le cas présent elle serait du à la présence de dissonance cognitive entre d’une part la réception d’un traitement de faveur et d’une autre, l’absence de raison justifiant ce traitement.

Les individus interrogés ne sont pas tous d’accord concernant la résistance aux traitements de faveur. Ils acquièrent au fur et à mesure de leurs expériences d’achat une connaissance des techniques de persuasions/manipulation utilisées par les entreprises. Mais leurs réactions sont différentes. Deux perceptions différentes se distinguent : certains pensent que le traitement de faveur est tout simplement un élément cordial.  Et bien qu’ils se doutent que ces traitements ne soient pas accordés sans aucune raison valable, ils estiment que cela fait partie du processus marchand et n’y trouve rien à redire lorsque « tout le monde y trouve son compte ». Ils sont ainsi satisfaits de se voir proposer un traitement de faveur. Pour d’autres, le traitement de faveur n’est rien d’autre qu’un outil de manipulation destinés à mettre le client dans une position inconfortable de « dette envers l’entreprise ». Ainsi, le client se sent dans l’obligation d’acheter en retour, selon la norme de la réciprocité. Cette façon de penser révulse les consommateurs qui se montrent catégoriquement réticents à ce genre de traitement.
Un important facteur présent dans l’esprit de chaque individu interrogé et ce quelque soit sa perception de l’acte de traitement de faveur, c’est l’illégitimité ou non de l’existence de ce traitement. Tandis qu’une partie va juste être heureuse de recevoir ce traitement, d’autres trouvent ça louche et infèrent des raisons de ce favoritisme. Cela influe donc aussi sur le « Pourquoi ? » de la résistance.

« Comment résistent les individus ? » La résistance aux traitements de faveur des individus peut prendre trois formes distinctes : tout d’abord l’évitement qui va permettre au consommateur de s’extraire de la relation ambigüe de réciprocité que l’entreprise souhaite installer è le consommateur renonce au traitement de faveur. Vient ensuite le rejet pur et simple : lorsque la raison du traitement de faveur n’est pas explicite, le consommateur va éviter tout contact futur avec l’entreprise, ce qui peut lui être très dommageable (à l’entreprise). Enfin, l’acceptation opportuniste : profiter le plus possible sans pour autant s’en sentir redevable. Cela crée un comportement opportuniste de la part des consommateurs, et l’entreprise ne retirera rien des efforts mis en place pour séduire le client.
L’étude a également prouvé que des variables individuelles opèrent également dans le phénomène de résistance, et cela permet donc de répondre à la question « Qui résiste ? ». Ces variables sont

  • le besoin de cognition, c’est-à-dire la nécessité pour l’individu d’engager un processus de réflexion afin de comprendre les événements qui l’entoure. Ce besoin favorise grandement l’inférence des intentions mercantiles/malhonnêtes de l’entreprise, et donc la résistance du client au traitement de faveur.
  • le sentiment de culpabilité. Une grande culpabilité va inciter le consommateur à rentrer dans une relation de réciprocité et donc d’achat suit au traitement de faveur reçu, mais va par la suite développer un sentiment de révolte face à la technique utilisée par l’entreprise. A l’inverse, un faible estiment de culpabilité va pousser le consommateur à user d’un comportement opportuniste. Dans les deux cas, l’entreprise est perdante.

Conclusion

Plusieurs idées ont été tirées de cette étude afin de permettre aux managers de mettre à jour leur utilisation du traitement de faveur lors du recrutement de la clientèle. Il ne faut pas « plus l’utiliser », mais mieux l’utiliser ! Tout d’abord mettre en confiance le client en lui assurant que le traitement de faveur reçu n’est pas dû à un vice caché, et n’est pas une contrepartie pour une mauvaise qualité : ce n’est qu’un bénéfice additionnel, le produit vendu sera conforme à ses attentes. Egalement le présenter comme une attention personnalisée et non quelque chose de formalisé par l’entreprise. Ensuite pour éviter de mauvais jugements et l’inférence de motivations mercantiles de la part de l’entreprise, explicitement donné une liberté de choix au client. S’il ne veut pas de l’offre, pas de soucis ! Enfin, les managers devraient mieux cibler cet effort relationnel qu’est le traitement de faveur, car si cela peut s’avérer utile avec certains clients, cela peut aussi être contre productifs avec d’autres !
A travers ces méthodes, les managers devraient pouvoir grandement améliorer la productivité de leur recrutement de clientèle à travers le traitement de faveur.