Souvenir des marques placées dans les films : interactions entre proéminence et intégration en conditions réelles d’exposition

Lehu J.M., Bressoud E. (2009), Souvenir des marques placées dans les films : interactions entre proéminence et intégration en conditions réelles d’exposition, Recherche et Applications en Marketing 24, (1), 7–27.

On assiste ces dernières années à un fort développement des placements de produits dans les films, car cette technique est en générale bien acceptée, et qu’elle favorise le souvenir de la marque. Balasubramanian (1994) désigne cette forme de communication comme hybride, dans le sens où elle cherche à influencer le consommateur en montrant une marque au sein d’un support non commercial.

DEFINITION : Le placement de produits correspond selon Fontaine (2006) « à la présence d’un nom de marque dans le film ou d’un produit facilement identifiable comme appartenant à une marque donnée ». Il peut ainsi s’agir d’une marque qui apparaît dans une des scènes du film, ou qui est simplement mentionnée dans les dialogues. Le placement de produits a deux caractéristiques essentielles. La première consiste en sa proéminence, soit « la capacité de la marque à attirer l’attention du spectateur » selon Fontaine (2001) – taille, durée, nombre d’apparition, localisation à l’écran. Quant à la deuxième, il s’agit de son intégration, c’est-à-dire la manière dont le produit est corrélé à l’action du film, ou est au contact du héros. Afin d’en mesurer l’impact, les auteurs ont demandé à des individus de choisir librement un film et de le regarder chez eux selon leurs habitudes, sans leur dire qu’ils devront répondre à des questions le lendemain, afin d’être dans le cadre d’exposition le plus réel et naturel possible. Cette étude a été menée de 2003 à 2005.

LES IMPACTS : Les effets de cette méthode de persuasion publicitaire sont nombreux. On peut compter parmi eux les phénomènes de perception et de mémorisation. La perception est activée par l’identification de stimuli sensoriels qui conditionnent l’attention du spectateur. Ainsi cette-dernière est favorisée par la proéminence et l’intégration du placement, définis précédemment. Le placement n’est pas considéré comme de la communication subliminale car l’individu en a conscience et l’accepte en général plutôt positivement.

L’objectif le plus souvent recherché d’un placement de produit est que le consommateur se souvienne de la marque. On distingue trois formes de souvenir : le souvenir spontané (il peut citer les marques sans aide), le souvenir assisté (il peut les citer en ayant une liste des catégories de produits présentes dans le film), et la reconnaissance (il les cite en ayant une liste de marques à sa disposition). Le premier étant plus facilement accessible que les deux autres, il est utilisé de manière privilégiée pour mesurer l’efficacité du placement. La mémorisation est l’aboutissement du processus de persuasion, et plus précisément celle à long terme, d’où l’intérêt d’interroger les participants seulement le lendemain du visionnage de leur film.

Plus le placement est proéminent, plus la marque est mémorisée par le spectateur. Le Persuasion Knowledge Model montre en effet qu’en étant conscient du placement, l’individu traite la marque de manière plus efficace. Ainsi, lorsque l’intégration est forte, c’est-à-dire que la marque se fond parfaitement dans le film, le processus de mémorisation n’est pas optimal. On peut par conséquent affirmer qu’un placement proéminent est plus efficace qu’un placement intégré, car il génère plus de souvenirs. C’est en effet ce que nous montrent les résultats de la présente recherche. Fontaine le confirme en 2002 dans une de ses expérimentations de placement: la marque Adelscott proéminente et non intégrée est citée à 51,9%, alors qu’elle ne l’est qu’à 35,6% lorsqu’elle est non proéminente et intégrée. Toutefois la marque intégrée est mieux mémorisée quand elle n’est pas proéminente.

Ainsi, le taux de souvenir spontané s’élève à 4,2%. On peut s’étonner de ce résultat relativement bas, lorsque les études précédentes affirment que la méthode du placement de produits facilite largement la mémorisation des marques. Cela peut s’expliquer par le fait que la présente recherche s’appuie à 60% sur des placements non proéminents dans un cadre réel d’exposition, contrairement aux autres études qui privilégient le plus souvent les placements proéminents et qui sont réalisés dans un contexte expérimental.

En conclusion, les placements de produits constituent une réelle stratégie marketing largement étudiée par de nombreux auteurs. Tous les moyens sont bons pour les publicitaires pour atteindre le consommateur et être toujours plus persuasifs. Ces placements permettent en effet de créer chez le spectateur de nouveaux besoins, et de l’influencer dans son intention d’achat finale.
Afin de limiter les effets de cette forme de publicité sur les individus, la législation européenne a même évalué en 2007 l’intérêt ou non de les informer des placements auxquels ils vont être exposés, avant que le film ne commence. Cela leur permettrait d’en être conscients et de pouvoir avoir un jugement rationnel sur le produit.
Cette recherche présente toutefois quelques limites. Tout d’abord, elle ne prend pas en considération toutes les caractéristiques d’un placement, telles que la notoriété de la marque avant son placement, qui peut en faciliter la mémorisation. De plus, seul le souvenir spontané est ici mesuré, et non le souvenir assisté qui est pourtant un facteur de perception et de mémorisation. Enfin, il n’y a eu dans cette recherche aucun contrôle de la manière dont le film est regardé par le participant chez lui, et de l’expérience qu’il en tire. Or les sources de distraction peuvent être nombreuses chez soi, comparé à une salle de cinéma, ce qui a pu biaiser les résultats.

Bibliographie

Avnet T., Pham M.T., Stephen A.T. (2012), Consumer’s trust in feelings as information, Journal of Consumer Research 39, (4), 720–735.

Trampe D., Stapel D.A., Siero F.W. (2011), The self-activation effect of advertisements : ads can affect whether and how consumers think about the self, Journal of Consumer Research 37, (6), 1030–1045.

Smeesters D., Mussweiler T., Mandel N. (2010), The effects of thin and heavy media images on overweight and underweight consumers : social comparison processes and behavioral implications, Journal of Consumer Research 36, (6), 930–949.

Krishna A., Morrin M., Sayin E. (2014), Smellizing cookies and salivating : a focus on olfactory imagery, Journal of Consumer Research 41, (1), 18–34.

Morales A.C., Wu E.C., Fitzsimons G.J. (2012), How disgust enhances the effectiveness of fear appeals, Journal of Marketing Research 49, (6), 383–393.

Jackson A.S. (2011), Advertising to adolescents : an examination of skepticism, Global Journal of Business Research 5, (3), 85–91.

Connell P.M., Brucks M., Nielsen J.H. (2014), How childhood advertising exposure can create biased product evaluations that persist into adulthood ?, Journal of Consumer Research 41, (1), 119–134.

Dhar T., Baylis K. (2011), Fast-Food Consumption and the ban on advertising targeting children : the Quebec experience, Journal of Marketing Research 48, (10), 799–813.

Goldfarb A., Tucker C. (2011), Advertising bans and the substitutability of online and offline advertising, Journal of Marketing Research 48, (4), 207–227.

Karniouchina E.V., Uslay C., Erenburg G. (2011), Do marketing media have life cycles ? The case of product placement in movies, Journal of Marketing 75, (5), 27–48.

Yang X., Smith R.E. (2009), Beyond attention effects : Modeling the persuasive and emotional effects of advertising creativity, Marketing Science 28, (5), 935–949.

Jayasinghe L., Ritson M. (2013), Everyday advertising context : An ethnography of advertising response in the family living room, Journal of Consumer Research 40, (1), 104–121.

Borges A. (2011), Les effets des modèles retouchés par ordinateur sur l’évaluation du produit et sur l’estime de soi des jeunes filles, Recherche et Applications en Marketing 26, (4), 5–22.

Lehu J.M., Bressoud E. (2009), Souvenir des marques placées dans les films : interactions entre proéminence et intégration en conditions réelles d’exposition, Recherche et Applications en Marketing 24, (1), 7–27.

Gregory P. (1993), Notes sur la persuasion subliminale : quelques acquis de la recherche marketing pour éclairer un mythe, Recherche et Applications en Marketing 8, (3), 79–93.