How childhood advertising exposure can create biased product evaluations that persist into adulthood ?

Connell P.M., Brucks M., Nielsen J.H. (2014), How childhood advertising exposure can create biased product evaluations that persist into adulthood ?, Journal of Consumer Research 41, (1), 119–134.

En quoi le fait d’être exposé à la publicité dès son plus jeune âge peut-il affecter notre évaluation des produits à l’âge adulte ? Des recherches en psychologie cognitive indiquent que ce qui est appris tôt, est bien appris (Ellis, 2010). Par conséquent, ce que les enfants retiennent dans la publicité peut être encore particulièrement accessible lorsqu’ils sont adultes. Toutefois les enfants ne comprennent évidemment pas la publicité de la même manière que les adultes, car ils n’ont pas encore développé des compétences cognitives suffisantes pour pouvoir avoir du recul sur le message transmis. Leur compréhension du produit n’est donc pas optimale, et c’est ce jugement biaisé qui persiste inconsciemment à l’âge adulte.

ETUDE 1 : Cette étude cherche à vérifier l’hypothèse selon laquelle l’évaluation d’un produit par un adulte est biaisée, lorsqu’elle se réfère à la publicité qu’il regardait quand il était enfant. Les auteurs ont choisi les personnages des marques Kellogg’s Frosties et Kellogg’s Cocoa Pops, dont les publicités ont été lancées respectivement en 1952 et 1986. Il leur était demandé d’abord d’écrire le souvenir le plus lointain qu’ils avaient avec ces personnages, avant d’évaluer leur affection vis-à-vis de ces-derniers, pour finir par une évaluation du produit lui-même. Les résultats confirment l’hypothèse. En effet, tous les participants qui avaient été exposées à la publicité des deux produits Kellogg dans leur enfance évaluent les deux comme étant bons pour la santé. Plus intéressant encore est le résultat suivant : les participants qui ont été exposés à Frosties lorsqu’ils étaient enfants, mais à Cocoa Pops adultes, évaluent le premier comme étant meilleur pour la santé que le deuxième. Cette évaluation biaisée résulte d’un sentiment positif qu’ils avaient enfants envers la publicité et son personnage, et qu’ils retrouvent aujourd’hui.

ETUDE 2 : L’objectif de cette deuxième étude est de savoir si c’est plutôt l’exposition à la publicité, ou alors le produit lui-même consommé quand il était enfant, qui conduit l’adulte à en avoir une évaluation biaisée. Cette étude menée aux Etats-Unis utilisent les personnages des deux marques suivantes : Kellogg’s Froot Loops, et McDonald’s, pour les lesquelles les publicités ont été lancées dans les années 1960 et sont encore d’actualité aujourd’hui. Tous les participants devaient donc être nés après 1966 pour avoir pu être exposés aux publicités des deux produits lorsqu’ils étaient enfants. Pendant l’expérience, ils étaient exposés soit au personnage de la publicité, soit au produit lui-même, et avaient les mêmes consignes que dans la première étude. Les résultats nous montrent que les participants exposés à la publicité ont une meilleure évaluation du produit sur la santé, par rapport à ceux qui étaient confrontés au produit lui-même. Cela nous prouve que la publicité joue un rôle important dans le jugement des individus sur les produits et que ce jugement peut être biaisé par des souvenirs d’enfance. L’enfant apprécie le personnage de la publicité et est alors persuadé que le produit associé est bon pour la santé. Cette idée se répercute inconsciemment chez l’adulte des années plus tard. Les expériences de consommation passées ont une moindre influence sur ce jugement.

ETUDE 3 : Cette étude cherche à savoir dans quelles conditions un adulte peut ajuster son jugement d’un produit, qui avait été influencé initialement par la publicité de son enfance. Les auteurs montrent que l’individu sera capable de modifier son évaluation seulement s’il en a la capacité, c’est-à-dire que la source du biais initial est clairement identifiée, et la motivation, spécifiquement ici de manger plus sainement. Toutefois, plus l’impact de la publicité sur l’enfant avait été positif, plus l’adulte résistera inconsciemment à l’idée de réajuster son jugement de peur de trouver une information négative sur le produit.

ETUDE 4 : Dans cette étude, les auteurs ont inventé une nouvelle ligne de produit de la marque Kellog mettant toujours en scène le tigre Tony. Les résultats nous montrent que l’évaluation biaisée d’un produit, qui persiste à l’âge adulte, peut s’étendre à tous les produits de la gamme, même s’ils sont créés vingt ans plus tard, car ils font toujours référence au même personnage publicitaire et donc aux mêmes souvenirs d’enfance. Ce biais sera difficile à corriger pour l’adulte si l’affection qu’il avait enfant envers le personnage et donc indirectement envers la marque était très positive.

En conclusion, on peut se demander jusqu’où les publicitaires sont prêts à aller pour être toujours plus persuasifs. En effet les enfants représentent pour eux une ressource extraordinaire puisque leur message a encore inconsciemment de l’effet des années plus tard. Toutefois cela peut avoir des conséquences désastreuses sur la santé publique notamment en ce qui concerne le tabac et l’alimentation. C’est pourquoi des règlementations sont déjà mises en place pour limiter ces effets. Cette étude présente néanmoins certaines limites, telles que le fait qu’elle ne prenne pas en compte la nostalgie qui peut influencer la décision d’achat. De plus, l’étude ne se concentre que sur les personnages des publicités sans prendre en considération d’autres aspects, comme le jingle, le slogan, ou le logo. Enfin, les enfants sont exposés à toujours plus de publicités avec le développement constant de nouveaux médias, comme Internet et les jeux vidéo. Si la présente recherche se limite à la publicité diffusée à la télévision, de futures recherches pourraient s’intéresser à l’impact de l’invasion de la publicité par d’autres médias.

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