Consumer’s trust in feelings as information

Avnet T., Pham M.T., Stephen A.T. (2012), Consumer’s trust in feelings as information, Journal of Consumer Research 39, (4), 720–735.

Les sentiments ou les impressions influencent le jugement, notamment lorsque les sentiments sont perçus comme étant informatifs à part entière dans le jugement. Pour être informatifs, les sentiments doivent être représentatifs de la cible à évaluer pour le jugement, et être pertinents. La troisième condition réside dans la confiance en ses propres sentiments, qui est l’objet de cette recherche. Cette confiance en ses sentiments désigne la capacité d’une personne à croire que ses sentiments la guident dans la « bonne direction » dans ses jugements et décisions. Il s’agit plus largement de la confiance en soi, qui a un impact direct sur le degré de persuasion d’une publicité. Schwarz et Clore (1983), ou encore Pham (1998) ont cherché à définir cette notion de sentiments perçus comme de l’information. Six études sont menées par les auteurs pour mesurer l’impact des sentiments dans le jugement et le comportement des individus.

ETUDE 1 : L’objectif de cette première étude est de tester l’idée selon laquelle la confiance d’une personne dans ses sentiments dépend notamment de ses précédents succès. Trois étapes se succèdent. Tout d’abord la confiance des participants a été manipulée en jouant sur les sentiments d’échec et de succès. Ensuite les participants ont dû évaluer un produit, en indiquant si les raisons qu’ils donnaient étaient fondées sur un sentiment ou sur la réflexion. La troisième étape consistait à mesurer leur degré de confiance en eux, et la place qu’ils accordaient à leurs sentiments dans leur prise de décisions. Le premier groupe manipulé pour ressentir un sentiment de succès a donné beaucoup plus de raisons fondées sur les sentiments dans l’évaluation du livre, comparé au deuxième groupe. De plus, ce groupe affirmait dans la troisième étape prendre plus en considération leurs sentiments dans leurs prises de décisions.

ETUDE 2 : La confiance des participants a été manipulée comme dans la première étude. Il leur était ensuite demandé de regarder un spot publicitaire à la télévision, et de dire leur impression. La musique changeait selon les groupes, en étant plus enjouée pour le premier que pour le deuxième, mais le contenu de la publicité restait le même. On remarque que le premier groupe, avec une confiance élevée, a une meilleure impression du spot que le deuxième, et donc une attitude envers le produit plus favorable. Ainsi le consommateur est plus ou moins réceptif à la publicité selon son état d’esprit, son humeur, et sa confiance en lui.

ETUDE 3 : Cette étude s’appuie sur celle d’Epstein (1994) et son paradigme du ratio biaisé. Les participants doivent piocher une dragée rouge dans un des deux bols sans regarder. La différence entre les deux bols réside simplement dans le nombre absolu et la proportion de dragées rouges. Il se trouve qu’ils ont préféré piocher dans le bol le plus large malgré la plus faible probabilité de trouver une dragée rouge. Epstein (1994) qualifie ce ratio de biaisé. Cela signifie que le jugement repose le plus souvent sur l’affectif et les sentiments, plutôt que sur la logique et les règles. Cela est surtout vrai chez les personnes qui logiquement ont le plus confiance en elles.

ETUDE 4 : Cette étude cherche à analyser les corrélations entre la confiance en soi et la confrontation à des offres justes et injustes. Deux joueurs doivent partager une somme d’argent. L’un fait une offre que l’autre accepte ou rejette. S’il l’accepte, l’argent est partagé comme convenu dans les conditions de l’offre, s’il refuse, personne ne gagne rien. Les résultats nous montrent que les participants ayant le plus confiance en eux ont plus tendance à rejeter une offre injuste que les autres. En effet, une offre injuste crée un sentiment de colère et d’arnaque chez l’individu qui le pousse à la refuser, quelle que soient les conditions s’il acceptait. Aucune différence particulière entre les deux groupes n’est à souligner en ce qui concerne les offres justes.

ETUDE 5 : Cette étude montre que ni la confiance, ni la pertinence ne domine l’une ou l’autre dans le processus de décision. Il suffit de l’une ou de l’autre pour que les sentiments soient perçus comme de l’information dans notre jugement.

ETUDE 6 : On cherche ici à savoir si la confiance dans les sentiments opère de manière spontanée ou contrôlée. Après avoir manipulé la confiance des participants, leur humeur en leur faisant regarder une vidéo différente selon les groupes (drôle ou triste), ainsi que les ressources disponibles en leur demandant de mémoriser un nombre à deux ou sept chiffres selon les groupes, il leur était demandé de lire le synopsis d’un livre et de l’évaluer. Les évaluations furent plus positives et les intentions d’achat plus favorables dans le groupe d’humeur positive. Les résultats nous montrent que nos sentiments vont jouer un rôle dans le processus de décision en fonction des ressources disponibles. En résumé, la confiance joue un rôle particulier lorsque les ressources sont insuffisantes.

En conclusion, cette recherche montre bien que la confiance en soi est un déterminant important dans la prise de décision des individus. Toutefois de futures recherches peuvent se pencher sur les éléments suivants.
L’étude 1 nous montre que la notion de confiance en soi peut fluctuer extrêmement facilement, puisqu’il a été très aisé de manipuler le degré de confiance des participants. On peut alors se demander jusqu’où les publicitaires sont prêts à aller pour jouer sur ce niveau de confiance, et être le plus persuasif possible.
Selon l’étude 3, le processus de persuasion n’est pas un phénomène qui peut s’expliquer toujours de manière rationnelle, et la publicité joue beaucoup sur les sentiments des gens et leurs émotions afin d’induire un comportement d’achat favorable. Elle se heurte alors à un problème éthique : jusqu’où la publicité peut aller en termes de manipulation des sentiments des consommateurs sous prétexte d’être efficace et persuasive ? Jusqu’à quel degré peut-elle créer de l’émotion ?
Enfin, l’étude 4 prouve que le sentiment de justice est primordial chez les consommateurs. Ceux-ci ont besoin d’avoir l’impression de gagner ou que ça soit équitable, et non pas de se faire arnaquer. C’est ainsi que la publicité peut être très persuasive : en laissant penser au consommateur qu’il gagne. Cependant, le problème réside bien dans le terme « laisser penser au consommateur ». On peut en effet se demander si des offres injustes ne se cachent pas derrière celles qui semblent justes, comme par exemple lorsque la marque propose d’échelonner le paiement en plusieurs fois, ou qu’une promotion est accordée en achetant un produit de plus.

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